◆ Plan de continuité d'activité, accompagnement de la clientele, conduite du changement ou encore risques prudentiels : le management de CIH Bank nous fait vivre son plan anti-crise. ◆ Les détails avec Samir Hadjioui, Directeur général adjoint en charge de la banque de l'Entreprise et de la banque de l'Immobilier.
Propos recueillis par A. ElKadiri
Finances News Hebdo : Le contexte de crise actuel a mis en avant les forces et les faiblesses des Plans de continuité d'activité mis en place par les établissements financiers. Décrivez-nous celui de CIH Bank, son fonctionnement et les principaux enseignements tirés de la crise jusqu'à présent. Samir Hadjioui : A l'instar de toutes les économies du monde, notre système bancaire est classifié en tant que système vital de notre pays. Cette classification nous impose de prévoir à l'avance comment nous devons réagir face à une crise, par la mise en place d'une organisation spécifique, de procédures spécifiques et de moyens exceptionnels à mobiliser, mais aussi par des simulations de survenance de crise, d'ou la mise en place d'un PCA (plan de continuité d'activité) Effectivement, depuis quelques temps, les banques, pour éviter tout risque potentiel d'ampleur, affûtent leur PCA. Ce dernier joue un rôle de modérateur de l'impact des risques. Dès lors chaque branche, et chaque ligne de métier, disposent maintenant d'un responsable PCA, le but étant d'avoir une méthodologie souple pour s'adapter à tous les cas de figure, afin que la transversalité des métiers reste assurée et que es risques soient mutualisés. En général, la priorité d'un PCA est d'établir les degrés d'urgence de reprise d'activité propres à chaque métier. Entre la reprise vitale de l'activité des salles de marché, les urgences intermédiaires (les activités de back-office et de production) et des activités qui peuvent attendre, les réponses diffèrent. CIH Bank s'est doté de sites de repli. Le risque de pandémie est prévu dans les PCA, ce qui lui a permis de réagir dès l'apparition des premiers signaux de la nouvelle maladie. La communication de crise, qui fait partie du plan de continuité d'activité, a beaucoup joué et le confinement a précipité la mise en place du scénario de pandémie. CIH Bank a évidemment réagi rapidement face à cette situation inédite en mettant les mesures préconisées de distanciation, d'hygiène et de confinement. Notre préoccupation a été double puisqu'il fallait en même temps protéger nos collaborateurs mais également assurer la continuité des services bancaires. CIH Bank a rapidement activé le comité de veille et de crise de la banque qui immédiatement a commencé à travailler sur les deux fronts par une communication continue avec nos employés. Pour ce qui est de la protection de nos collaborateurs, nous avons demandé à plus de 50% de notre effectif de respecter la mesure de confinement. Cette mesure a bien évidemment nécessité une réorganisation des process et des effectifs en agence mais aussi au siège. Par ailleurs et afin d'assurer la continuité des services, nous avons sécurisé fortement les personnes critiques par la mise en place du télétravail, lorsque le télétravail n'était pas possible, par la duplication des entités dans des sites différents et éloignés.
F.N.H. : Concernant les demandes de reports de crédits, combien en avez-vous traitées jusqu'à présent ? S. H. : CIH Bank a toujours été un acteur majeur dans le financement de l'acquisition de logements au Maroc. Avec le confinement, un certain nombre de clients ont malheureusement été directement impactés et ont vu leurs revenus chuter fortement. C'est pour cela qu'une de nos premières décisions était d'annoncer que tous les bénéficiaires de prêts Fogarim (marocains à revenu irrégulier et modeste) verront leurs échéances de mars, avril, mai et juin 2020 reportées automatiquement, c'est-à-dire sans qu'ils aient besoin de le demander. Nous ne nous sommes pas arrêtés pour autant, et avons étendu cette mesure à tous nos clients qui se sont manifestés ou qui se manifesteront plus tard et qui sont, soit des salariés au chômage technique déclarés à la CNSS, soit bénéficiaires des aides destinées à l'informel. Ces échéances seront reportées sans aucune pénalité de retard ni frais. A date d'aujourd'hui, 65.000 ménages clients de CIH Bank ont bénéficié de ce report gratuit.
F.N.H. : Concernant les crédits avec la garantie Oxygène, combien en avez-vous accordés ? S. H. : Je rappelle que le mécanisme de garantie Damane Oxygène a été lancé en mars 2020, dans le cadre de la mise en œuvre des mesures visant l'atténuation des effets de la crise induite par la pandémie du Covid-19 et ses impacts sur les entreprises. Un bilan d'étape dressé par le ministère des Finances fait état de 9,5 milliards de dirhams de crédits garantis par le mécanisme Damane Oxygène, octroyés aux entreprises marocaines. En effet, au bout de 6 semaines et demie, environ 85% des très petites entreprises, dont le chiffre d'affaires ne dépasse pas 10 millions de dirhams, ont bénéficié de ce découvert exceptionnel dans divers secteurs d'activité. Pour notre part et dès fin mars, une campagne agressive a été menée auprès de notre clientèle «entreprises» pour leur proposer ce mécanisme et les soutenir dans ces moments difficiles. Plusieurs centaines y ont répondu favorablement.
F.N.H. : Il est attendu une hausse de la charge de risque chez le secteur bancaire durant cette crise. Êtes-vous inquiets par rapport à l'évolution, jusqu'à présent, de cet indicateur ? S. H. : Les banques ont plus de fonds propres et de liquidités que par le passé, et elles ont été soumises à des tests de résistance et à un contrôle plus strict ces dernières années : elles sont donc mieux armées qu'auparavant. En outre, les apports de liquidités par la Banque centrale aux banques à grande échelle et son soutien inconditionnel, devraient aussi atténuer les tensions éventuelles sur les liquidités. Néanmoins, la résilience des banques pourrait être mise à l'épreuve par un ralentissement prononcé de l'activité économique, qui pourrait s'avérer plus sérieux et plus long que prévu actuellement. L'intervention de la Banque centrale jouera un rôle important dans la régulation et la préservation de la stabilité des marchés financiers. Mais ce n'est pas seulement une crise de liquidités. Il s'agit principalement de solvabilité, à un moment où de larges segments de l'économie sont complètement à l'arrêt. En conséquence, la politique budgétaire a un rôle vital à jouer. Ensemble, Bank Al-Maghrib, le Conseil de veille économique, la CCG et le secteur bancaire ont été proactifs dans la gestion d'urgence de la crise sanitaire afin d'atténuer les retombées négatives économiques et sociales. Ce soutien visait principalement les populations les plus vulnérables, en passant par les entreprises afin de préserver les emplois en apportant plusieurs leviers (reports d'échéances, Damane Oxygène, Damane Relance,...), ce qui a permis d'atténuer les répercussions du choc du COVID-19 et de garantir une reprise stable et durable une fois la pandémie maîtrisée.
F.N.H. : Les DSI ont été particulièrement sollicitées durant cette période. Pour vous, à quoi correspond le rôle de ces directions post-crise ? Quels seront les projets prioritaires chez CIH Bank ? S. H. : Chacun a pris conscience que c'est bien grâce au numérique que la continuité de l'activité peut avoir lieu. En plus d'avoir un effet accélérateur sur l'appropriation des outils collaboratifs ou vidéos par les dirigeants, la crise que nous traversons démontre que les investissements réalisés, ces dernières années, n'ont pas été vains et ont permis une mise en place très rapide du télétravail. En la matière, plus rien ne sera jamais comme avant, car le recours massif à ce mode de travail à distance, qui semblait inimaginable dans beaucoup de fonctions, s'est bel et bien produit. Chez CIH Bank, et dans l'urgence, nous avons dû faire quelques compromis pour ouvrir cette possibilité aux salariés, tout en garantissant un maximum de sécurité, mais, très rapidement, chacun a pu bénéficier d'une connexion entièrement sécurisée. Pour cela, les équipes informatiques ont dû fournir, en très peu de temps, un ordinateur portable à ceux qui n'en avaient pas -pour offrir un support aux collaborateurs en télétravail. Tout cela a été rendu possible grâce à l'effort de nos opérateurs télécoms.
F.N.H. : Qu'avez-vous constaté dans l'utilisation des canaux digitaux de CIH Bank durant la crise ? Là aussi, quelles sont les priorités qui se dégagent ? S. H. : L'importance du digital ne s'est jamais fait autant sentir qu'en cette période de confinement. Une grande partie des Marocains, mais aussi de nos gouvernants, réalise la force du digital. Les différentes structures dont le fonctionnement est vital pour les citoyens, ont prévu des plans de continuité de service qui reposent principalement sur le digital et l'utilisation des canaux numériques. Même son de cloche chez les établissements bancaires, qui privilégient davantage l'utilisation des services digitaux en invitant leur clientèle à opter pour les services de banque en ligne. S'ajoutent à cela, la distribution des aides financières prévues par le ministère des Finances, le suivi des cours à distance dans les écoles et dans les universités, le télétravail qui prend de l'ampleur... et d'autres. Bref, une marche forcée vers la digitalisation. Pour nous, cette orientation est déjà dans notre ADN et ce virage a déjà été entamé il y a quelques années, la majeur partie de nos clients, soit plus de 40% ont comme habitude de privilégier ce canal (CIH mobile, CIH online) et sont déjà fami- liers avec les services digitaux qu'on propose (paiement factures, CIH express, ouverture de compte en ligne..). Cette période de confinement vient donc conforter et renforcer cette donnée, en témoigne le pourcentage élevé (soit 80%) des opérations qui ont été effectuées à distance depuis le début de la pandémie COVID-19, ce qui a contribué, entre autres, à faire baisser fortement l'affluence en agence. Face à cette situation sanitaire inédite, CIH Bank se mobilise pleinement et en permanence afin d'assurer une continuité des services en renforçant la disponibilité des services d'accompagnement à la clientèle et d'assistance. ◆