◆ La crise sanitaire est une opportunité pour donner une nouvelle impulsion au secteur. ◆ Les disparités régionales, sociales et technologiques sont les principaux handicaps.
Par C. Jaidani
La crise sanitaire causée par la pandémie du Covid-19 a mis sous les feux de la rampe l'enseignement à distance qui a été appelé à la rescousse pour remédier à l'arrêt temporaire de l'enseignement conventionnel pendant la période du confinement. A son lancement, cette méthode a été critiquée par le corps enseignant et les parents d'élèves. Saaid Amzazi, le ministre de tutelle, a reconnu dans plusieurs interventions que «ce système ne peut en aucun cas remplacer la présence physique des écoliers ou des étudiants dans leurs institutions, mais il ouvre de réelles perspectives dans le secteur». Faisant référence à la possibilité d'un déploiement plus large du e-learning, Amzazi a affirmé devant le Parlement que «malgré les conditions difficiles, le taux de suivi de l'enseignement à distance est encourageant. Il est de 96% dans le secteur privé et de 71% dans le secteur public. Cela montre l'adhésion spontanée de la population cible». Il explique par ailleurs que le processus de digitalisation du secteur a commencé depuis un certain temps avec le programme de généralisation des technologies de l'information et de communication dans l'enseignement au Maroc (GENIE), qui a permis d'équiper plus de 85% d'institutions pédagogiques en matériel informatique. Toutefois, force est de constater que l'actuelle expérience de l'enseignement à distance au Maroc a montré quelques limites et nécessite des conditions indispensables pour réussir. «Des efforts importants ont été fournis pour lutter contre la déperdition scolaire, qui demeure importante dans le milieu rural avec un taux de 23,9% et de 13,1% dans le milieu urbain. La pauvreté en est la principale cause. Plusieurs élèves n'ont pas pu suivre les cours online à cause de l'absence d'outils informatiques et de connexion Internet. Une situation qui peut accentuer la déperdition», souligne Youssef Saâdni, enseignant-chercheur à l'Université Hassan II de Casablanca et expert dans le secteur de l'éducation. «Si le Maroc veut gagner le défi de la digitalisation du secteur, il doit investir massivement pour réduire les inégalités régionales et sociales en matière d'accès et de vulgarisation des outils pédagogiques de l'e-learning. Ce système a fait ses preuves dans plusieurs pays et a donné une forte impulsion à l'apprentissage des enfants mais encore faut-il le simplifier et le rendre plus pratique», rapporte Saâdani. En effet, des observations ont été avancées par les personnes concernées notamment les enseignants et les parents d'élèves. Le système présente des avantages indéniables au niveau de la flexibilité permettant aux élèves qui ont des difficultés de compréhension de refaire le cours ou d'avoir des explications complémentaires. Pour les apprenants qui sont dans le milieu rural et qui doivent aider leurs familles, ils peuvent accéder aux cours pendant leur temps libre. D'autres complications ont été relevées. En effet, plusieurs enseignants de l'ancienne génération n'avaient pas les notions de base requises en matière de nouvelles technologies. Outre les disparités régionales et sociales, on note également la présence de disparités technologiques. «Cette crise est une opportunité pour le Royaume de travailler davantage la digitalisation du secteur. Il faut tirer les enseignements qui s'imposent et capitaliser sur les points positifs pour instaurer une nouvelle culture tournée vers le digital», indique Saâdani. Il explique qu'il faut plusieurs programmes de formation pour que le corps pédagogique soit initié. Le contenu doit être reformulé et adapté. Pour remplacer les travaux pratiques, les vidéos et autres capsules doivent être plus explicites et plus claires. En dépit des difficultés, il faut reconnaître que le développement de l'enseignement à distance permettra au Maroc de rattraper le retard technologique à plusieurs niveaux dans les années à venir. Il devrait préparer les jeunes d'aujourd'hui à un monde plus numérisé. ◆