Le déficit pluviométrique varie entre 20 et 40% selon les régions. Le prix de vente du cheptel en baisse, celui de l'aliment de bétail en hausse.
Par : Charaf Jaidani
Un vent d'inquiétude souffle actuellement sur le monde rural, à cause de l'absence de pluies depuis un mois, tandis que les prévisions météorologiques n'envisagent pas de précipitations dans les prochains jours. Le déficit pluviométrique se creuse et il varie entre 20 et 40% selon les régions. La situation reste dans la limite du normal dans le Rif, la côte méditerranéenne, les plaines du Loukkous et du Saiss mais elle frôle la catastrophe dans les régions du Haouz, Abda, R'hamna et Souss. Le spectre de la sécheresse est donc de plus en plus menaçant, qui plus est dans une période cruciale pour les cultures, notamment les céréales d'automne et les légumineuses. Interrogés à ce sujet, plusieurs professionnels n'ont pas caché leur désarroi, estimant que le scénario catastrophe n'est pas à écarter. «Le discours rassurant des officiels parait décalé de la réalité. Nous vivons des moments difficiles et les perspectives semblent incertaines. Avec le temps, nous avons appris à cohabiter avec la sécheresse, mais dans une certaine limite. C'est-à-dire une saison humide et la suivante plutôt sèche. Mais subir deux années successives sans pluie, c'est difficile à supporter», souligne Mohamed Mahrouki, président d'une coopérative de céréales dans la région d'El Gara relevant de la province de Berrechid. Le déficit pluviométrique a eu des effets immédiats sur le marché du bétail dont les prix ont sensiblement baissé. Si pour les chevillards c'est une aubaine, en revanche pour les exploitants, c'est un désastre. En effet, le cheptel joue le rôle de trésorerie pour les éleveurs. Quand ils ont besoin de liquidité, ils vendent quelques bêtes. «Les éleveurs se trouvent entre le marteau et l'enclume. D'un côté, ils ne peuvent pas entretenir leur troupeau dans des conditions optimums à cause de la hausse des prix de l'aliment de bétail. Et d'un autre, les prix des bêtes qu'elles soient ovines, bovines ou caprines ont connu une forte régression, appelée à se poursuivre dans les jours qui viennent en raison des parcours naturels fortement impactés par un état végétatif médiocre», explique Mohamed Meskini, marchand de bétail dans la région de Chaouia. Les éleveurs spécialisés de Aïd al-Adha qui, généralement, procèdent à l'engraissement des moutons âgés de 3 et 4 mois, seront contraints cette année de rallonger cette période au moins à 5 mois. S'ils ont eu l'opportunité d'acheter les bêtes à prix cassés, ils seront néanmoins confrontés à la hausse d'au moins 25% des charges liées à l'alimentation. Par ailleurs, le stock en eau des barrages est l'autre indicateur qui conforte le manque d'apport hydrique. A la date du 24 février 2020, les réserves en eau de l'ensemble des barrages ont atteint 7,5 milliards de m3, soit un taux de remplissage de 48%. Et au cours de la même période de l'année dernière, les réserves ont atteint 9,4 milliards de m3, soit un taux de remplissage de 63,5%. Pour le moment, les approvisionnements en eau dans les périmètres irrigués se font normalement, aidés en cela par la baisse de la température et la présence d'un volume d'eau assez satisfaisant. Mais si la sècheresse perdure, il n'est pas exclu que les Offices régionaux de mise en valeur agricole (ORMVA), responsables de la gestion des eaux d'irrigation, procèdent à une rationalisation de son utilisation, surtout durant la période estivale.