La thématique sur «La fiscalité et l'équité» a suscité un intérêt particulier lors des Assises sur la fiscalité où les débats ont été particulièrement vifs et passionnés. Près de 4 Mds de dollars échappent chaque année au fisc marocain. Les Assises fiscales interviennent dans une période marquée par des ruptures politiques profondes (nouvelles configurations politiques, nouvelle. Constitution consacrant des droits économiques et sociaux à garantir, etc). Le pays amorce ainsi un dialogue national ferme qui doit avoir pour socle l'équité, au sens large. C'est dans ce sens, que l'équité fiscale revêt une importance fondamentale car un équilibre entre les différents impôts (directs et indirects) doit être rétabli, ce qui peut favoriser l'émergence d'un équilibre social. Il en est de même pour une égale répartition de la charge fiscale entre les différents secteurs constituant la trame de l'activité économique du pays. Implications d'une réelle équité fiscale D'une manière générale, l'équité fiscale renvoie à trois dimensions. Tout d'abord, il convient de noter l'aspect social (qui signifie que les plus riches doivent davantage contribuer par rapport aux plus modestes), ensuite l'aspect économique impliquant une équité horizontale (à revenu égal, impôt égal, ce qui doit bannir l'exclusion de l'informel du champ fiscal). Et, enfin, le dernier volet concerne l'aspect purement éthique (qui interpelle sur le gaspillage de l'administration, et un système de compensation jugé «aveugle» qui aide parfois les plus riches). Au regard de ces trois dimensions, la plupart des experts considèrent le système fiscal peut équitable. Pour eux, celui-ci pénalise lourdement les contribuables les plus transparents en matière de déclaration de revenu. L'éthique voudrait que l'assiette fiscale soit étendue à tous les secteurs générateurs de revenus considérables (agriculture) et que le contribuable bénéficie, en contrepartie de ses impôts, d'un service public à la hauteur d'un pays moderne. Et, enfin, l'équité suppose qu'après une ponction fiscale le contribuable ne subit pas un déclassement social. Par ailleurs, certains experts restent persuadés que le pays ne pourra se prévaloir d'avoir un système fiscal juste dès lors que l'équilibre sera rétabli entre les impôts directs et indirects. Les impôts indirects (hors droits de douanes) représentent près de 54% des recettes fiscales. Ce qui est pénalisant pour les couches populaires qui voient leurs revenus grevés par la TVA et les impôts sur la consommation. Les dépenses fiscales aussi sont dans le collimateur, vu leur importance (36 milliards de DH) et par le fait qu'elles ont fini par constituer une source de rente pour certains secteurs. De plus, aucune évaluation chiffrée de leur pertinence n'est véritablement effectuée. D'illustres fiscalistes, au niveau national considèrent qu'il faudra une réallocation de ces dépenses fiscales vers le secteur de l'industrie qui pourrait dans un avenir proche devenir un relais de croissance phare pour le pays. Outre cela, la problématique de l'équité horizontale se pose avec une acuité saisissante dans la mesure où près de 76% des recettes de l'IR découlent des revenus salariaux soumis au prélèvement à la source, tandis que les 400.000 contribuables (entres autres, les professions libérales) soumis au régime déclaratif ne contribuent seulement qu'à hauteur de 11% des recettes de l'IR. L'instauration de l'impôt sur la fortune était aussi au cœur des échanges dans le cadre de ces Assises fiscales car il relève de l'évidence que le capital non productif (rentier) et purement spéculatif doit plus que jamais contribuer à l'effort fiscal de la nation. En l'absence d'évaluation d'impact S'il est difficile de récuser que la fiscalité peut être une source de progrès pour le Maroc, il faut aussi admettre que l'équité fiscale est un prérequis nodal pour des impôts rentables à même de garnir les caisses de l'Etat. La fin de l'exonération du secteur agricole, qui semble se profiler à l'horizon fin 2013, est un signal fort déclinant les discours sur l'équité fiscale en actes concrets. Pour certains, un sentiment d'incompréhension notoire persistait dans leur esprit et ils se posaient la question de savoir, comment un secteur représentant entre 10 et 13% du PIB n'était pas passé à la caisse depuis près de trente ans. Aux dépenses fiscales tant décriées et synonymes d'iniquité pour plusieurs contribuables, il convient d'ajouter les subventions directes de certains secteurs qui représentent près de 20 milliards de DH et qui ne sont soumises à aucune évaluation d'impact. La plupart des intervenants lors de ces assises ont exhorté le gouvernement à donner une vision claire, à long terme pour la politique fiscale à mener pendant les années à venir. Dans ce sillage, pour certains experts, l'exemple turc peut constituer un modèle phare et novateur pour le Maroc, dans une stratégie de ciblage des secteurs à promouvoir par le biais de la fiscalité. A ce titre, le pays doit davantage s'orienter vers les secteurs tirant les exportations vers le haut et se détourner des subventions démesurées au marché intérieur. Toutefois, ces aides et subventions doivent être de court terme, conditionnées, et surtout évaluées par rapport à leurs apports qualitatifs chiffrés. La classe moyenne, pour des raisons d'équité, doit davantage être prise en compte dans les dispositifs fiscaux avantageux car elle est aussi un facteur de croissance non négligeable pour le Maroc. Enfin, la plus flagrante iniquité fiscale aux yeux du contribuable marocain est sans doute la fraude fiscale, ou d'autres formes d'artifices, pour se soustraire au paiement de l'impôt, à savoir, l'évasion et même l'optimisation fiscale que certains tentent d'édulcorer parfois. A ce titre, il ne serait pas inutile de rappeler que (par le biais de la fraude, près de 4 milliards de dollars échappent chaque année au fisc marocain). Ce qui est un manque à gagner conséquent pour les finances publiques. Au final, ces Assises ont permis de lever le voile sur certains dysfonctionnements ayant trait à l'iniquité fiscale et qui altèrent la rentabilité de l'impôt. D'où l'extrême nécessité de mettre sur pied un système fiscal plus juste, et donc plus performant, car pour le professeur Najib Akesbi : «Mieux vaut une réforme fiscale qu'une révolution sociale».