Au rythme où vont les choses, le cycle conjoncturel actuel ne risque-t-il pas de se muer en une donne structurelle ? On observe un creusement inexorable des déficits «jumeaux» depuis 2009. La mise en place d'un plan de relance global s'impose pour sortir de la trappe d'une contraction de la croissance. Les semaines se suivent et se ressemblent, apportant chaque jour leur lot d'effets de surprise pour le citoyen lambda. Après avoir revu à la baisse les hypothèses de croissance pour l'année 2013, sans évoquer les incantations empreintes de fortes suspicions pour certains, de ramener le déficit budgétaire à 3 % en 2016, le gouvernement remettait une autre couche la semaine dernière, annonçant la fameuse coupe budgétaire des 15 milliards de DH dans l'enveloppe des investissements publics. A chaud, il serait probablement difficile de pronostiquer sur l'opportunité d'une telle décision. Ceci dit, en dressant un tableau panoramique des grands agrégats macro-économiques, force est de reconnaître que la situation est peu reluisante. Et pour cause, la note de conjoncture du HCP de 2013 et les analyses d'experts nous dressent une réalité sans ambages quant à la dégradation de certains agrégats macroéconomiques. Perte de vitesse fulgurante On constate que les déficits «jumeaux» s'accentuent depuis 2009 (7,1% de déficit budgétaire et 10% pour le compte courant). Les importations connaissent une évolution à deux chiffres quand les exportations baissent. Ce qui conduit certains à se demander si ce cycle conjoncturel ne risque pas de se muer en une donnée structurelle, au fil des années, marquée par l'exacerbation des déséquilibres macroéconomiques. A contrario, d'aucuns considèrent aussi que la situation est préoccupante, mais pas inquiétante. Pour leur part, les observateurs se demanderont : «Mais pour combien de temps?». Et pour cause, seule la dette du Trésor public représente 57,8% en 2012, contre 47,1% en 2009. Et ces chiffres excluent naturellement l'emprunt à l'international des établissements publics. La dette publique globale, combinant l'endettement du Trésor et des établissements publics, dépasse ainsi le seuil de 60%, considéré comme un seuil de soutenabilité à ne pas franchir d'après les institutions financières internationales (FMI, BM). Certains macro-économistes au niveau national, à l'instar du professeur Ahmed Laaboudi, directeur du CMC, lors d'une interview accordée à un quotidien de la place en février 2013, considèrent que la dette publique doit être maintenue en dessous des 60% du PIB pour les mêmes raisons de soutenabilité. En revanche, d'autres économistes pensent que, pour aller chercher la croissance, il faut une politique macro-économique expansionniste tordant le cou à l'orthodoxie au relent austère. Par ailleurs, avec des exportations qui s'érodent entrainant dans leur sillage la perte de devises qui ne se chiffre qu'autour de 140 milliards de DH actuellement (moins de 4 mois d'importations), la masse monétaire est sous une énorme pression. En outre, les crédits à l'économie ont affiché une décélération entre 2011 et 2012. A cela s'ajouterait la récente décision de Bank Al-Maghrib d'interdire aux banques d'accorder des découverts aux entreprises qui leur servaient jusque-là, des facilités de trésorerie pour les fins de mois. Tous font aussi remarquer que l'Union européenne, qui était jusque-là considérée comme le marché traditionnel des exportations du Maroc, l'est de moins en moins. Chiffres à l'appui, les parts de marchés du Maroc dans l'UE sont ainsi passées de 0,25% en 2001 à 0,19% en 2010. Sur un autre registre, on remarque aussi que le taux d'épargne nationale a de nouveau connu une baisse, passant de 28% du PIB en 2011 à 26,9% en 2012, alors que l'investissement brut était de 35,5% du PIB en 2012 au lieu de 36% en 2011. Ainsi, le gap entre l'épargne nationale et l'investissement (besoin de financement de l'économie), s'est creusé pour atteindre 8,6% du PIB en 2012, au lieu de 8% en 2011. Après ce bref tour d'horizon des agrégats macro-économiques phares, il faut se poser la question de savoir comment se projeter avec sérénité dans des lendemains qui ne seront pas plombés par la dégradation de nos finances publiques et l'atonie de la croissance. L'espoir doit-il être gardé ? Certains considèrent que les stratégies de développement de l'économie nationale doivent être repensées car le modèle de croissance du pays risque d'être à bout de souffle si rien n'est fait. Cette vision n'est pas totalement dénuée de sens si l'on sait que la demande intérieure du pays a, depuis longtemps, été le moteur de croissance de l'économie nationale. Pourtant, on observe le ralentissement de cette demande depuis fin 2012. Et pour cause, elle a pâti d'un relâchement de la consommation privée et d'un recul des dépenses d'investissements. Pour d'autres experts, des mesures structurelles fortes (réduction des dépenses de fonctionnement, décompensation, promotion de la compétitivité des entreprises, etc.) s'avèrent nécessaires, même si elles ne seront pas populaires. L'épineuse question des dépenses publiques, qui défraye la chronique actuellement, doit ériger plus que jamais l'investissement comme un mode de structuration pour les secteurs productifs de l'économie nationale. Les récentes déclarations du ministre de l'Economie et des Finances, Nizar Bakara, concernant la baisse de 3,3 milliards de DH des recettes de l'IS au premier trimestre de 2013, laissent présager de perspectives économiques qui pourraient s'assombrir davantage dans les mois qui viennent. D'ailleurs, dans les rangs de la majorité gouvernementale actuelle, le sacro-saint principe de la solidarité gouvernementale vole en éclats car, si certains pensent que la situation économique peut être redressée avec célérité, d'autres membres du gouvernement, en revanche, tirent la sonnette d'alarme. Il est clair que subsiste auprès de l'opinion publique un sentiment de cacophonie au sein de l'action gouvernementale quant à la politique économique à suivre. Une chose reste certaine : vu l'ampleur de la situation où la plupart des clignotants sont ou rouge, seul un projet de relance global pourrait pallier «l'hémorragie budgétaire», et la lancinante problématique de la croissance.