Plusieurs sites Web marchands fleurissent au Maroc, mais la réglementation n'est pas toujours appliquée. Retour sur le développement du marché de e-commerce et sur la manière de prévenir les abus avec Mooad Jouhari, Directeur général de l'agence Radiumweb, spécialisée en e-marketing et en développement et conception de sites Web. Finances News Hebdo : Avez-vous enregistré une hausse de la clientèle demandant la conception ou la communication sur des sites de e-commerce ces dernières années ? Mooad Jouhari : Oui. Pour la conception des sites Web, les entreprises comprennent de plus en plus qu'il devient indispensable d'en avoir un, ne serait-ce qu'un site vitrine pour avoir une présence permanente sur le Web. Concernant les sites de e-commerce, nous remarquons que la demande augmente de manière très considérable surtout ces deux dernières années, ce qui nous donne une idée sur l'orientation du commerce de demain au Maroc. D'ailleurs, selon Maroc Telecommerce, quasiment l'unique plateforme de gestion de paiements électroniques au Maroc, le nombre de transactions générées par l'e-Commerce a augmenté lors du dernier trimestre de 75% par rapport au même trimestre de l'année dernière avec plus de 250 sites de e-commerces en ligne. En effet, les avantages d'avoir un site e-commerce sont nombreux (étendre sa zone de chalandise, toucher une cible plus large, ajouter un canal de distribution, vendre 24h/24, diminuer les coûts fixes et, donc, améliorer sa marge). De son côté, le e-consommateur gagne du temps, de l'argent et arrive à comparer plus aisément les prix à travers les avis du public. Il trouve également plus de choix et à moindre prix. F. N. H. : Pouvons-nous avoir une idée sur le budget nécessaire pour concevoir un site Web de e-commerce qui répond aux standards de sécurité actuels? La protection de données personnelles génère-t-elle un coût additionnel pour le porteur de projet ? M. J. : Nous ne pouvons pas nous prononcer sur un prix fixe, cela dépend du besoin défini par le client en termes de création graphique, de développement Web et aussi de technologie utilisée. Mais généralement, un site e-commerce peut se facturer à partir de 25.000 DH. F. N. H. : Croyez-vous que tous les sites de e-commerce protègent les données personnelles de leurs clients ? M. J. : D'après une étude réalisée par la FNEM (Fédération nationale du e-commerce au Maroc), plus du tiers des sites ne protège pas les données de l'e-consommateur. Ces sites ne sont pas déclarés à la Commission nationale de contrôle de la protection des données à caractère personnel (CNDP). 56% respectent la loi N 09-08 et mentionnent leur déclaration à la CNDP. Selon la FNEM, avec ces pourcentages, rien ne garantit à l'e-consommateur que ses données personnelles soient protégées. F. N. H. : Comment reconnaître un site marchand qui ne respecte pas les dispositions de la loi en termes de protection de données personnelles ? M. J. : Selon la FNEM, lors d'un premier achat sur un site marchand, il est préférable de vérifier les informations essentielles afin de mieux connaître le professionnel. Les informations à vérifier sur le site du cybermarchand peuvent guider l'e-consommateur dans son choix. On doit notamment vérifier l'identité du vendeur, à savoir son nom et son prénom ou la raison sociale. Ces données doivent être indiquées. Cela pourra en effet s'avérer très utile en cas de problème. Les conditions contractuelles doivent être aussi facilement accessibles dans un format en permettant l'impression. Il est aussi important de vérifier l'adhésion du site à une fédération professionnelle : gage de sérieux, l'adhésion à une fédération professionnelle telle que la FNEM garantit le respect d'engagements de qualité par le site Web. Les informations légales sur le cybermarchand peuvent apparaître dans différentes parties du site Internet : dans la page de présentation de l'entreprise (rubrique « Qui sommes-nous ? »), dans la page « Mentions légales » ou « Informations légales », dans la page de « Contact » ou encore dans les «Conditions contractuelles » ou « CGV ». F. N. H. : Enfin, Pensez-vous qu'il soit facile pour le législateur de vérifier l'application de la loi en termes de protection de données? Croyez-vous que les lois du Web en général sont faciles à mettre en œuvre au Maroc ? M. J. : La loi n° 09-08 s'applique au traitement des données à caractère personnel, plus précisément à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel. La loi comprend des clauses relatives aux objectifs, aux champs d'application et au référentiel du concept de protection des données personnelles, ainsi que des dispositions portant sur les conditions du traitement de cette catégorie de données, des droits de la personne concernée et des obligations du responsable du traitement. Une commission dédiée, la Commission nationale de contrôle de la protection des données à caractère personnel (CNDP), est ainsi instaurée pour assurer le respect de cette loi. L'action de la CNDP est déclenchée de deux manières: soit sur la base d'une plainte émanant de la personne concernée, soit par auto-saisine. Dans le cas de violation avérée, elle adopte des mesures disciplinaires. Elle peut transmettre le dossier au procureur du Roi qui peut engager, des poursuites s'il le juge nécessaire. Les sanctions prévues sont dissuasives. Elles peuvent aller jusqu'à 300.000 DH d'amende et cinq années d'emprisonnement pour les infractions les plus graves. La FNEM propose le service « e-litige » qui vise l'amélioration de la communication entre les e-consommateurs et les e-marchands pour atteindre, dans la mesure du possible, une solution à l'amiable aux problèmes qu'ils peuvent rencontrer dans le cadre des différentes transactions. Pour la mise en œuvre effective de ces lois, il faudra attendre quelques années pour en juger, vu que le marché est relativement jeune.