Erreurs de parcours, mauvaises surprises et pression fiscale ont marqué la saison des résultats semestriels. Les investisseurs se doivent d'être plus que jamais sélectifs.
Par Adil Hlimi
La saison des semestriels a démarré cet été et avec elle l'espoir de voir se dissiper l'impact psychologique et financier du boycott sur le marché actions. Le consensus des analystes donnait une hausse des bénéfices entre 4% et 6% en 2019, après une année 2018 décevante. Mais le couperet est tombé et ce chiffre ne sera pas atteint, à en croire les réalisations à mi-parcours. D'un optimisme naissant, la psychologie générale a vite chaviré : les investisseurs font de nouveau la grimace, place de nouveau à la méfiance. Selon les calculs des banques d'affaires, la masse bénéficiaire a baissé entre 4,5% et 5% sur 6 mois. Difficile de se rattraper sur la deuxième moitié de l'année. Les entreprises arrivent à écouler leur production et à placer leurs services. Le chiffre d'affaires de la cote en témoigne, puisqu'il augmente de 2,4%. Mais les contraintes fiscales, notamment la contribution de solidarité, ont pesé sur les bénéfices. Les banques sont naturellement le premier contributeur à la capacité bénéficiaire. Heureusement pour les valorisations, les financières engrangent 6,8 Mds de dirhams de bénéfices (+2,5%), et ce malgré une hausse de 7,6% du coût du risque. En face, les calculs de BMCE Capital Research font ressortir une dépréciation de 9,9% du résultat net total des industries à 7,8 Mds de dirhams, pâtissant de la mauvaise orientation du secteur agroalimentaire, particulièrement Centrale Danone qui ne parvient pas à redresser complètement ses ventes, suivie de Cosumar, pénalisée par le redressement fiscal de ses filiales, des valeurs minières, et particulièrement Managem, du fait de la contre-performance de son résultat d'exploitation, du secteur immobilier, consécutivement à l'application des normes IFRS 16 et IFRIC 23 sur les comptes ainsi que des opérateurs gaziers, notamment Total Maroc.
Pressions sur le cash Indicateur essentiel pour évaluer la capacité des entreprises à distribuer des dividendes, la trésorerie nette des cotées est sur un plus bas de 10 ans. La Recherche actions de CDG Capital Research s'est attardée sur le sujet dans son rapport sur les semestriels des entreprises. On y apprend que l'endettement net des entreprises au premier semestre (hors secteur Finance) s'est situé à 61,5 Mds de dirhams, en hausse de 7,8% par rapport au S1-2018, avec une diminution de la trésorerie active de 4,1%, reflétant la pression sur la liquidité des entreprises, ainsi qu'un accroissement considérable des dettes CT de l'ordre de 14,5%. Dans le détail, Maroc Telecom est le premier contributeur à l'aggravation de l'endettement net global avec 3,9 Mds de dirhams, du fait de la hausse des investissements (acquisation de la filiale au Tchad) et de la hausse des impôts. Retraité du groupe Telecom, la dette nette évolue de seulement de 1,4%. Le secteur Energie a atténué la hausse de l'endettement net global à travers le groupe Taqa Morocco. Sa dette nette a baissé de 8,9% ou 1,8 Md de dirhams pour s'établir à 8,6 Mds de dirhams. Par conséquent, les ratios dettes/capitalisation ou dettes/FP (hors secteur Finance) se sont dégradés au S1-2019 par rapport au S1-2018 : ils se sont établis à 17,7% et 62,6% respectivement, contre 16,5% et 57,0%, suite à l'accroissement de l'endettement. Sur un tout autre registre, la note de CDG Capital Research laisse apparaître une hausse de l'imposition des entreprises durant ce premier semestre, avec la contribution sociale de solidarité sur les bénéfices mise à la charge des sociétés. «L'application de cette nouvelle contribution n'a pas manqué de peser lourd sur la majorité des entreprises de la place», commentent les analystes. A cela s'ajoute le cas Total qui fait état d'une baisse de ses résultats de 38,8% à cause de la hausse du taux d'IS qui revient au taux normal (31%), après avoir bénéficié d'un taux réduit à 23,25% pour les exercices 2016, 2017 et 2018 suite à son introduction en Bourse. La semaine post-résultats s'est soldée par une petite baisse des indices, reflétant une passivité des investisseurs. Préparatifs de la Loi de Finances, sortie du Trésor, poursuite des privatisations devront marquer l'actualité des derniers mois de l'année, alors que d'un point de vue plus micro, les résultats du troisième trimestre en novembre et la saison des allers-retours animeront le quotidien d'une place boursière en mal de direction.