Les autorités cherchent d'abord le consensus dans l'élaboration des réformes, ce qui explique le retard systématique des lois. Le nouveau règlement de la Bourse, un exemple dans la simplification de ce schéma.
Par A.H
Pas moins de 2 heures étaient nécessaires aux équipes de la Bourse et aux différentes parties prenantes pour présenter le nouveau règlement de la Bourse, tant les nouveautés et les nuances sont nombreuses. Ce dispositif élargit le champ du possible, en introduisant la notion d'instrument financier au lieu de titre financier et donne à la Bourse plus de souplesse pour ajuster et adapter son offre aux émetteurs à travers deux marchés cotations au lieu d'un seul actuellement. Il offre aussi la possibilité d'utiliser une multitude de compartiments en fonction du besoin. Auprès du ministère des Finances et de l'AMMC, l'on insiste sur le caractère collaboratif, en faisant participer l'Association des sociétés de Bourse notamment, dans la mise en place du règlement. «Ce nouveau règlement a été élaboré en étroite collaboration avec l'ensemble des parties prenantes lors des différentes étapes jusqu'à sa validation finale et sa publication au Bulletin officiel», souligne Karim Hajji, DG de la Bourse de Casablanca. Une recherche de consensus que la direction du Trésor met en avant pour expliquer le retard que prennent certaines lois : il faut mettre tout le monde d'accord.
Une étape importante Ce nouveau règlement fait partie du chantier plus global de transformation de la Bourse à horizon 2021. Cette dernière est appelée à se transformer en holding et prendre «une participation significative» dans le capital du dépositaire central pour mener à bien ses nouvelles missions. Une étape que le directeur des opérations financières et marchés à l'Autorité marocaine du marché des capitaux (AMMC), Nasser Seddiqi, qualifie de «pièce importante du puzzle». Il est rejoint dans ses propos par le président de l'Association professionnelle des sociétés de Bourse (APSB), Rachid Outariate, qui estime que le marché sera complètement différent, dans deux à trois ans, grâce à ces réformes. Parallèlement, d'autres textes importants sont dans le pipe et leur adoption accélérera l'aboutissement de la réforme globale du marché des capitaux. Il s'agit notamment de l'amendement du texte sur le prêt/emprunt, la circulaire sur les conseils financiers et la grande réforme des OPCVM.
Nouvelles dispositions Ce nouveau règlement introduit plusieurs nouveautés. En effet, il fait référence, non plus aux valeurs mobilières, mais aux instruments financiers qui comprennent les titres de capital, les titres de créances et les titres des organismes de placement collectif. De même, il introduit de nouvelles notions telles que la définition de marchés (principal et alternatif) qui comprennent chacun plusieurs compartiments dédiés à un type d'instruments, à un type d'investisseurs ou en fonction de la taille. En outre, le nouveau règlement exige qu'à l'introduction en Bourse sur le marché principal, les entreprises doivent diffuser dans le public un minimum de titres correspondant à un pourcentage du capital et un montant minimum en fonction de leur capitalisation boursière.
ETF ? Pas si vite Le nouveau règlement donne la capacité technique aux équipes de la société gestionnaire de dédier un compartiment du marché principal à la cotation de Fonds comme les OPCI et les ETF. Mais en pratique, la cotation de fonds d'OPCVM, communément appelés ETF's, nécessite d'abord l'aboutissement de la grande réforme des OPCVM, soit la promulgation de la loi sur les OPCVM. Auprès de la direction du Trésor, l'on insiste sur le caractère global de cette loi sur les OPCVM dont l'objectif est de moderniser la gestion collective, un secteur systémique qui gère plus de 450 Mds de dirhams d'actifs. C'est cette nouvelle loi qui doit fixer, entre autres, les modalités de cotation des OPCVM et donc la possibilité de créer des ETF's. Difficile, cela dit, d'avoir une idée précise sur l'agenda de cette réforme qui est dans le circuit depuis plusieurs années déjà. Une lenteur que les autorités justifient par la recherche, là aussi, de consensus auprès des différentes parties prenantes, dont les régulateurs et les sociétés de gestion notamment.
Marché alternatif Le marché alternatif est réservé, quant à lui, aux PME qui satisfont au moins un des trois critères fixés, à savoir disposer d'un nombre moyen de salariés inférieur à 300 personnes pendant les six derniers mois, avoir un total bilan du dernier exercice ne dépassant pas 200 millions de dirhams (MDH) et un chiffre d'affaires du dernier exercice ne dépassant pas 500 MDH. Par ailleurs, les PME souhaitant se financer sur le marché alternatif doivent émettre un minimum de 5 MDH en titres de capital ou 20 MDH en titres de créances. Les entreprises du marché alternatif auront des contraintes réglementaires plus souples, comme la dispense de publier des comptes trimestriels. ◆
Encadré 1 : Les brokers satisfaits Rachid Outariatte a tenu à l'occasion un discours lucide sur ce que peut apporter ce nouveau règlement au marché boursier et à ses acteurs, particulièrement les sociétés de Bourse qu'il représente et qui vivent des difficultés financières à cause du manque de volumes. «Nous savons tous que le contexte est difficile. Mais nous avons la conviction que l'avenir sera radieux», a déclaré d'emblée celui qui occupe au quotidien le poste de Directeur général de CDG Capital Bourse. Selon lui, les stratégies des différents acteurs sont convergentes et l'objectif est commun et partagé, ce qui devra donner, à terme, des résultats qu'il qualifie de véritable «big bang». «Dans les 2 ou 3 prochaines années, le marché sera complètement différent», assure celui qui est réputé pour sa mesure. Rachid Outariatte a rappelé la donne qui prévaut actuellement : un marché boursier mono-produit, mono-pays et mono-sens. «Quand le marché est haussier, il y a de l'activité, quand il est baissier, les volumes se tassent», déplore-t-il. «Avec les changements en cours, nous construisons un marché qui, à terme, sera multidirectionnel (avec le prêt/emprunt de titres et la vente à découvert notamment : ndlr). De plus, il nous sera possible de construire des produits plus sophistiqués comme des options de couvertures, la cotation d'actifs étrangers, etc. Cela permettra d'être connecté à plusieurs marchés. Le projet de connexion des Bourses africaines, s'il aboutit, nous permettra aussi d'offrir à nos clients d'agir sur plusieurs valeurs dans plusieurs marchés», s'enthousiasme Outariatte. La proximité avec les pays européens et la place financière CFC doivent être exploitées pour se vendre comme un opérateur One Stop Shop pour les investisseurs étrangers, ce qui peut apporter beaucoup à la profession. «Mais, pour cela, il faut développer de nouveaux métiers, de nouvelles compétences et une plus grande couverture des produits financiers», ajoute-t-il. L'objectif à garder en tête est l'amélioration de la liquidité et des services aux investisseurs, conclut sur ce point le président de l'APSB.
Encadré 2 : Simulation Lors de la présentation de ce nouveau dispositif, les équipes de la Bourse ont réalisé une simulation de la cote actuelle avec les nouveaux compartiments. Ainsi, 26% des instruments financiers actuels, sur la base de la capitalisation moyenne sur 90 jours, seraient dans le compartiment A du marché principal, soit l'équivalant de 513 Mds de dirhams de capitalisation. Le principal B aurait, lui, 74% des instruments cotés, ce qui représente 68 Mds de dirhams de capitalisation. Dans l'hypothèse où les entreprises éligibles demandent un passage au marché alternatif A, cela représentera 28% des instruments cotés pour une capitalisation de 9,6 Mds de dirhams. Tout émetteur peut demander le transfert de ses instruments financiers vers un autre compartiment du marché principal ou du marché alternatif. Dans ce deuxième cas, l'émetteur demeure soumis aux mêmes obligations d'information auxquelles il était assujetti dans le marché principal, et ce jusqu'à la clôture de l'exercice suivant l'exercice au cours duquel le transfert est opéré. En revanche, le transfert entre compartiments «Principal A» et «Principal B» se fait en fonction de la capitalisation boursière de manière automatique. Il se base sur la capitalisation boursière moyenne dans les 90 jours précédant la vérification annuelle.