Saïd Mouline, Directeur général de l'Agence marocaine pour l'efficacité énergétique L'AMEE implémente un ensemble de programmes, mesures et actions dans les secteurs du bâtiment, de l'industrie, du transport, de l'agriculture et dans les villes. Elle a déjà entamé avec plusieurs départements ministériels des actions pour mettre à niveau leurs bâtiments, mais aussi pour baisser la consommation de leur flotte.
Finances News Hebdo : Dans les années à venir, quels sont les secteurs qui poseront davantage de défis en matière d'efficacité énergétique au Maroc ? Saïd Mouline : La stratégie et politique énergétique nationale place le développement durable, les énergies renouvelables et l'efficacité énergétique au cœur de ses préoccupations. L'efficacité énergétique va de pair avec les stratégies actuelles de développement durable. Le champ est vaste et la mise en œuvre se fait via un ensemble de politiques publiques et d'actions allant, par exemple, de la réalisation de programmes nationaux et régionaux d'envergures, à la sensibilisation des acteurs aux écogestes, la mise en œuvre de dispositifs financiers de soutien, en passant par le développement des solutions d'écomobilité ou encore la prise en compte de ces problématiques dans les formes urbaines et la planification spatiale. Si le levier de l'offre a été abordé, il s'est essentiellement traduit, jusqu'à présent, par des actions visant à privilégier les programmes de production d'énergie à partir des ressources renouvelables. Concernant la demande, en proposant des mesures à même de rationaliser la consommation énergétique nationale et régionale, de soutien à l'émergence et au développement des solutions locales. L'AMEE implémente actuellement un ensemble de programmes, mesures et actions dans les secteurs du bâtiment, de l'industrie, du transport, de l'agriculture et des villes avec l'éclairage public.
F.N.H. : Pour l'heure, quelles sont les urgences de l'AMEE en matière d'efficacité énergétique ? S. M. : L'AMEE a établi une vision et un plan d'action qui vise à mettre en place un ensemble de mesures dans les différents secteurs du bâtiment, de l'industrie, du transport ou dans l'agriculture et de l'éclairage public. Il existe en effet un ensemble de projets et de mesures dont la mise en œuvre est rapide. L'accompagnement à la mise en place de la règlementation thermique, la mise à niveau énergétique des bâtiments publics, les audits énergétiques dans le secteur de l'industrie et de l'agriculture ou l'éclairage public efficient restent en effet parmi les mesures prioritaires de l'AMEE dont la mise en œuvre est prioritaire pour avoir un impact conséquent sur la réduction de la consommation énergétique dans notre pays.
F.N.H. : L'AMEE a reçu en janvier 2019, à Abu Dhabi, le Prix de l'efficacité énergétique pour l'ensemble de ses activités et innovations. Que traduit concrètement cette consécration ? S. M. : Ce prix a été attribué à l'AMEE en marge de l'atelier d'efficacité énergétique appliqué au secteur industriel. Le fait d'avoir dans notre pays aujourd'hui les différents outils (réglementaires, de financement, de sensibilisation et de formation) pour accompagner le secteur industriel et ceci dans le cadre d'un partenariat public privé, car c'est avec la CGEM que l'AMEE a mené certaines actions comme la sensibilisation à la certification ISO 50001 et c'est avec le secteur financier que le programme Morseeff finance aujourd'hui les investissements d'efficacité énergétique (plus de 700 millions de DH engagés). Dans le secteur de l'industrie, l'AMEE a travaillé pour développer une vraie culture d'économie d'énergie dans l'entreprise, avec : 1- La disponibilité de dispositifs financiers incitatifs comme la ligne de financement Morseeff. Cette ligne de financement de l'énergie durable est destinée aux entreprises privées marocaines. Développée par la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD), en coopération avec la Banque européenne d'investissement (BEI), l'Agence française de développement (AFD), et la KFW, il permet aux entreprises marocaines d'accéder à des prêts ou leasing pour l'acquisition d'équipements ou la réalisation de projets d'efficacité énergétique ou énergie renouvelable, avec une subvention d'investissement de 10% du crédit, une assistance technique gratuite pour l'évaluation, la mise en œuvre et la vérification du projet, une distribution locale par des banques partenaires. 2- La caractérisation du secteur avec l'audit énergétique de plus d'une soixantaine d'entreprises industrielles du secteur de l'agroalimentaire et de la chimie-parachimie. Les principaux résultats des différents audits réalisés ont permis de mettre en exergue plusieurs mesures d'efficacité énergétique comprenant des recommandations qui ne génèrent pas d'investissements, des actions ne nécessitant que de faibles investissements et d'autres de plus grande envergure. La mise en œuvre de ces mesures permettrait d'améliorer la compétitivité de ces entreprises. 3- La réalisation de campagnes régionales de formation au profit des industriels et décideurs sur l'opportunité que représentent les projets d'efficacité énergétique pour la réduction de la facture énergétique avec un roadshow dans les villes de Rabat, Casablanca, Béni-Mellal, Meknès, Oujda et Agadir, et l'élaboration de supports et guides thématiques de l'efficacité énergétique dans l'industrie. 4- La proposition de seuil de consommation énergétique à partir duquel l'audit énergétique devient obligatoire pour les entreprises énergivores. 5- L'accompagnement de plusieurs industries nationales dans la réalisation de leurs audits énergétiques et la formation de cadres (Rabat, Casablanca et Tanger). 6- La sensibilisation et l'incitation des industriels à adopter la norme ISO 50001 de management de l'énergie, etc. Ces mesures aideront les PME et les autres entreprises à baisser leur facture énergétique et à être plus compétitifs. 7- L'établissement de normes de performances énergétiques minimales (MEPS) pour quatre équipements énergivores dans les secteurs du bâtiment et de l'Industrie. Les équipements à haute performance énergétique permettent actuellement une économie d'énergie pouvant atteindre jusqu'à 45%, avec la sélection de quatre types d'équipements prioritaires : -Les moteurs électriques (dans le tertiaire et l'industrie) ; -Les transformateurs électriques ; -Les climatiseur ; -Les réfrigérateurs et congélateurs.
F.N.H. : Enfin, quel est le degré de prise de conscience du secteur privé des atouts et de l'intérêt de miser sur l'efficacité énergétique au Maroc ? Et qu'en est-il du secteur public ? S. M. : La facture énergétique nationale a atteint environ 70 milliards de dirhams en 2017, ce qui a eu un impact négatif sur la balance commerciale. D'autre part, une grande partie du budget de la compensation au Maroc est dédiée à la subvention de produits énergétiques pour le consommateur marocain. L'efficacité énergétique est un facteur de compétitivité économique pour le secteur privé. En effet, l'adoption des mesures d'efficacité énergétique par le secteur privé permet de réduire les coûts unitaires de production et de maîtriser la facture énergétique et par conséquent augmenter leur taux d'autofinancement pour les prochains investissements. En plus, le Maroc étant un pays importateur d'énergie, les prix de l'énergie reflètent donc les coûts réels à l'international, d'où la nécessité, pour le secteur privé, de prendre en compte l'efficacité énergétique pour rester compétitif. Concernant le secteur public, la récente instruction royale concernant l'exemplarité de l'Etat dans ce domaine va accélérer les actions. Notre pays dispose d'une Stratégie nationale de développement durable qui met en avant l'exemplarité de l'Etat dans les différents domaines touchant à l'environnement, notamment, l'efficacité énergétique avec son rôle dans l'atténuation des émissions des gaz à effet de serre. L'AMEE a déjà entamé avec plusieurs départements ministériels des actions en ce sens pour mettre à niveau leurs bâtiments mais aussi pour baisser la consommation de leur flotte. ◆