402 mesures dérogatoires recensées en 2012. 284 mesures évaluées à 36,3 Mds de DH, soit 4,3% du PIB. Les activités immobilières se taillent la part du lion. La portée des dépenses fiscales toujours remise en cause. Les nombreuses dérogations fiscales (exonérations, déductions, abattements ou taux préférentiels) constituent un enjeu budgétaire important, surtout en cette période de crise où l'Etat cherche, par tous les moyens, à redorer le blason des finances publiques à travers la traque des niches fiscales. Pourtant, malgré des finances publiques en berne, davantage plombées notamment par les répercussions de la crise de la zone Euro sur l'économie nationale, les mesures dérogatoires ont augmenté entre 2011 et 2012, passant d'une période à l'autre d'un nombre de 399 à 402, dont 284 ont fait l'objet d'une évaluation. Elles sont constituées essentiellement de la TVA qui en représente 31,6%, soit 127 mesures, de l'impôt sur les sociétés (22,9%, soit 92 mesures), de l'impôt sur le revenu (20,6%, soit 83 mesures) et des droits d'enregistrement (22,4%, soit 90 mesures). Ainsi, le montant des dépenses fiscales évaluées a atteint 36,3 Mds de DH en 2012, en hausse de 11% par rapport à 2011. Leur part représente 4,3% du PIB et 19% des recettes fiscales. Les gros bénéficiaires sont les entreprises qui profitent de 178 mesures dérogatoires évaluées à presque 22 Mds de DH, suivies de loin par les ménages avec 107 dispositions, soit 9,3 Mds de DH. A ce titre, les activités immobilières se taillent la part du lion avec 44 mesures dérogatoires pour un montant global de 6,3 Mds de DH, contre 5,5 Mds en 2011, soit une hausse de 16% ou encore 17% des dépenses fiscales évaluées cette année. C'est dire que les promoteurs immobiliers se frottent les mains, surtout ceux particulièrement actifs dans le logement social : «les dépenses fiscales se rapportant à l'exonération de tous impôts et taxes au profit des programmes de logements sociaux en cours s'élèvent à 2,552 Mds de DH, dont 1,67 Md pour la TVA, 502 MDH pour l'IS, 330 MDH pour les DE et 59 MDH pour l'IR», précise le dernier rapport sur les dépenses fiscales publiées par le ministère de l'Economie et des Finances. Au total, les promoteurs immobiliers bénéficient de 18 mesures dérogatoires évaluées à 2,94 Mds de DH. Des mesures sujettes à caution Au regard de leur impact sur le Budget de l'Etat, et dès lors qu'elles sont comparables aux dépenses publiques, la portée et l'efficience de certaines dispositions dérogatoires sont de plus en plus remises en cause par plusieurs observateurs avertis. Encore davantage depuis 2005, date à laquelle une évaluation des dépenses fiscales est systématiquement faite et adossée au projet de Loi de Finances dans l'objectif d'assurer une meilleure transparence et de fournir un cadre favorable à la mise en œuvre des réformes du système fiscal. Une initiative jugée très importante, d'autant que «l'absence d'évaluation entretient la suspicion sur l'intérêt effectif de la majeure partie des mesures d'allègements fiscaux, surtout que certaines d'entre elles semblent être en contradiction avec les objectifs poursuivis par le Maroc, notamment en termes de simplification et d'équité fiscales», nous confie un observateur. S'il est vrai que l'évaluation faite actuellement permet, un tant soit peu, de mesurer l'impact de ces exceptions à la règle fiscale générale, il n'en demeure pas moins vrai que sa portée reste limitée, puisqu'elle ne donne, selon un économiste, «qu'une vision relativement restreinte des impacts économiques et budgétaires parce que dans la majorité des cas les estimations sont approximatives et basées parfois sur des hypothèses, faute de chiffres précis». Dans le même sens, la multiplicité des formes adoptées (exonérations totales, partielles ou temporaires, réductions, abattements, déductions, taxation forfaitaire et facilités de trésorerie) et la superposition des mesures dérogatoires et leur instabilité pour certains secteurs rendent d'autant plus complexe la fiscalité, tout comme elles génèrent des coûts de gestion élevés tant pour les entreprises que pour l'administration fiscale. Raison pour laquelle d'ailleurs beaucoup d'experts plaident pour une réforme du système fiscal dans sa globalité afin de donner plus de visibilité aux logiques de l'intervention publique. Et cette réforme passera forcément par une revue en profondeur des dispositifs dérogatoires assortis de coûts de gestion élevés et dont l'impact est insignifiant, abstraction faite des mesures d'allègement à caractère structurel qui appartiennent à l'équilibre général de l'impôt. Elle s'impose avec acuité dans le contexte économique actuel où le gouvernement fait face à des contraintes budgétaires majeures, car ces exceptions aux règles de droit commun sont non seulement conséquentes, mais posent également des problèmes liés tant à la maîtrise des finances publiques qu'à la simplification fiscale. Tout le contraire de ce que veut l'Etat en matière de politique fiscale.