La crise européenne pourrait impacter tôt ou tard l'activité du groupe, notamment pour le segment des fruits et légumes. Bertrand Laplaud, président Directeur général de la Compagnie Marocaine des Cartons et Papiers (CMCP) depuis octobre 2011, nous dévoile sa vision et les perspectives de développement du groupe. • Finances news hebdo : Vous êtes à la tête du CMCP depuis octobre 2011, mais vous êtes en même temps Directeur général de IP France. Pourriez-vous tout d'abord nous dresser votre parcours professionnel ? • Bertrand Laplaud : J'ai un parcours professionnel lié uniquement au papier et au carton. J'ai commencé dans les années 1990 dans une papeterie, en France, spécialisée dans l'ondulé, et puis au sein de différents groupes français pour devenir ensuite directeur d'une usine, en France, de carton ondulé toujours. J'ai rejoint le groupe international Paper en 2001, en étant directeur de l'usine d'emballages Laurent à Chalon-sur-Saône, en Bourgogne. En 2007, j'ai pris la direction générale de IP France, soit de six usines de carton ondulé, avant de porter une deuxième casquette en octobre dernier, celle de PDG de CMCP constituée de deux usines à Casablanca et à Agadir, plus une papeterie à Kénitra. • F. N. H. : Pourquoi ce choix de porter une double casquette ? • B. L. : Ce n'est pas mon choix mais celui du groupe international Paper qui a trouvé que c'était une bonne opportunité, même si on est sur deux marchés différents, en raison d'une stagnation du marché français et d'une croissance importante du marché marocain. Toutefois, entre la France et le Maroc il existe un certain nombre de synergies commerciales et organisationnelles, avec des Marocains qui pourraient venir travailler en France, ou vice-versa, ce qui permettrait d'avoir un bon échange. • F. N. H. : Comment faites-vous pour assumer les deux postes ? • B. L. : Globalement chaque mois, je suis en France deux semaines, puis deux semaines au Maroc. • F. N. H. : Quelle est votre vision et votre stratégie pour CMCP ? • B. L. : La vision pour IP France comme pour IP Maroc c'est profiter de la croissance (surtout au Maroc...) en développant nos segments stratégiques, notamment le volet fruits et légumes et jouer sur le levier de l'innovation... Aujourd'hui, nous parions beaucoup sur l'innovation en étant capable d'apporter autre chose à nos clients que le seul prix et donc, par exemple, un nouvel emballage afin de leur permettre de faire des économies. • F. N. H. : En quoi consiste concrètement cette innovation ? Quel est le budget que vous allouez au volet R&D ? • B. L. : Nous travaillons effectivement sur les nouveaux produits mais, encore une fois, l'innovation ne concerne pas que les nouveaux produits. Pour le Maroc, nous avons centralisé la recherche et le développement, à Casablanca, avec un laboratoire central pour effectuer les mesures, la conception et trouver de nouveaux produits. Nous nous appuyons aussi sur toute notre organisation européenne, voire mondiale, afin de faire profiter le Maroc de toutes les nouveautés. Donc, nous avons tissé des liens matriciels et hiérarchiques pour réaliser un échange d'informations et pour que cette innovation existe. Aujourd'hui, nous y consacrons beaucoup plus de moyens mais, globalement, cela correspond à environ 5 % de nos coûts et c'est quelque chose qui progressera. • F. N. H. : Est-ce que ces innovations sont orientées vers le développement durable et la protection de l'environnement ? • B. L. : Oui, il y a forcément un lien. L'innovation au final, c'est pour faire faire des économies au client avec notamment une baisse de grammage papier, ou l'utilisation de moins de carton pour faire des économies, ce qui aura forcément un impact sur l'environnement. Vous me tendez une belle perche puisque le développement durable est très important pour nous. Nous avons un label CGEM auquel nous tenons beaucoup, et donc toutes nos relations avec nos fournisseurs, nos salariés sont très importantes pour nous. L'innovation et le développement durable sont dans la même logique. • F. N. H. : Qu'en est-il de la certification ISO 14001 ? Pensez-vous entamer une démarche dans ce sens ? • B. L. : Ce n'est pas prévu. Par contre, nous avons un certain nombre de procédures qui nous permettraient d'être certifiés ISO 14001. Mais la démarche qui consiste à aller vers l'obtention d'une certification n'est pas prévue pour l'instant. Aujourd'hui, notre objectif est d'être conformes aux arrêtés préfectoraux, aux normes et aux décrets gouvernementaux. • F. N. H. : Un partenariat a été établi avec Replay Plast et SEVAM pour augmenter la quantité de papier à collecter ; ou en êtes-vous aujourd'hui ? • B. L. : C'est un autre exemple qui montre notre engagement pour le développement durable. Le projet est lancé, il se réalise progressivement. Ceci est parti avec ce GIE entre différentes grandes entreprises du Maroc pour collecter non seulement le papier et le carton mais aussi du plastique et du verre. Il faut noter que nous participons à toutes les études et réflexions pour ce qui est de la collecte au Maroc. Plus globalement et au-delà de ce partenariat que vous évoquez, il est clair que dans notre logique de développement durable, nous souhaitons améliorer la vie des chineurs qui sont en bout de chaîne et qui n'ont pas la vie rose. • F. N. H. : Parmi les freins du secteur il y a l'informel ; à votre avis, quelles sont les mesures à mettre en place pour y remédier ? • B. L. : Je pense qu'il y a beaucoup de bonnes pratiques, par contre on manque un peu de structures par rapport à ce qui existe aujourd'hui. A titre d'exemple, et même si l'Europe n'est pas forcément un bon exemple pour le Maroc, on finance le travail des chineurs par des taxes environnementale sur les emballages (éco taxe). Cette taxe est créée en Europe par le gouvernement et non pas par des sociétés comme le CMCP. C'est à ce genre de réflexions que nous participerons avec le gouvernement, le ministère de l'Industrie, les sous-traitants qui collectent les vieux papiers... Nous faisons partie de cette chaîne qui traite les papiers usagés. Nous sommes presque le dernier maillon avec les papeteries, et le plus gros utilisateur de vieux papiers au Maroc et nous recyclons près de 70% de tout ce qui est collecté. Ainsi, nous sommes un acteur très important, ce qui nous oblige, en quelque sorte, à participer à la structuration du secteur. • F. N. H. : Votre arrivée au Maroc coïncide avec une conjoncture économique difficile dans un climat social en effervescence. Comment parvenez-vous à maintenir la paix sociale dans votre entreprise ? • B. L. : Au cœur de nos préoccupations se trouve la condition de l'être humain. Outre la certification CGEM qui est en rapport avec ce principe, le groupe procède tous les deux ans à un questionnaire appelé Gallup qui permet l'évaluation de l'implication des salariés, et de savoir s'ils se sentent bien dans notre structure. Ce questionnaire sera effectué cette année au mois de septembre, et, en fonction des résultats, nous développerons un certain nombre d'actions utiles afin que chacun se sente bien au travail. Notre autre souci est la sécurité au travail, nous veillons scrupuleusement à celle des salariés. Donc, nous prenons soin de nos salariés et de nos équipes dans le cadre de la paix sociale, bien évidemment. • F. N. H. : Quelles relations entretenez-vous avec les syndicats ? • B. L. : Nous considérons que les syndicats sont l'une des courroies de transmission entre la direction et les salariés. Aujourd'hui, les relations au sein de CMCP entre les syndicats et la direction sont saines, ce qui ne veut pas dire que nous sommes d'accord sur tous les points mais les échanges et les discussions sont ouverts, ce qui nous permet d'avancer en recherchant les meilleures solutions pour tout le monde. • F. N. H. : Un certain nombre de projets étaient en cours de réalisation en 2011 ; ou en êtes-vous aujourd'hui ? • B. L. : La station d'épuration est achevée et démarrera cette année au mois de septembre. Nous avons mis en fonction également, en début d'année, une machine de transformation importante pour nous sur le site d'Agadir, qui est un découpeur rotatif. Nous sommes également sur une réflexion importante, toujours pour le site d'Agadir, en vue d'acquérir une onduleuse de 6 millions d'euros pour 2013, début 2014. • F. N. H. : L'une des principales activités du groupe est l'industrie de l'emballage des fruits et légumes. Est-ce que la crise européenne a impacté votre activité ? • B. L. : Oui, dans le sens où le Maroc vit beaucoup de l'exportation ; donc, si les exportations sont amenées à diminuer, forcément notre activité en sera impactée. D'un autre côté, il existe le risque d'augmentation des importations. Par exemple, il est clair que si les Espagnols ont moins d'activités dans leur pays ils vont chercher à nous concurrencer et vendre leur carton ondulé au Maroc. Pour l'instant, nous n'avons pas encore ressenti l'impact de la crise sur notre activité. • F. N. H. : Quelles sont vos perspectives à moyen et à long terme ? • B. L. : Ce sont des perspectives de développement. Profiter de la croissance du Maroc pour que CMCP puisse suivre cette croissance et que nous ne perdions pas des parts de marché dans l'industrie du carton ondulé, notre but est d'augmenter ces parts de marché en pratiquant l'innovation , dans un climat de paix sociale et de 0 accident grave. Propos recueillis par L. Boumahrou