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Réglementation et contrôle du marché du travail temporaire : «Si l'entreprise d'emploi temporaire est insolvable, il est fait recours à la caution déposée auprès de la CDG»
L'ouverture du marché du travail aux entreprises d'emploi temporaire s'inscrit dans le cadre de la flexibilité considérée comme une nécessité accrue du marché du travail. Le législateur a institué une série de restrictions qui encadrent le recours à cette forme de travail et cette catégorie de salariés. Les entreprises non autorisées sont amenées à se conformer aux dispositions du code du travail à travers, notamment, la circulaire n°2/2011 en date du 20 avril 2011. Le recours de l'entreprise utilisatrice à cette catégorie de salariés est conditionné par la consultation préalable des instances représentatives des salariés au sein de l'entreprise. Les agents chargés de l'inspection du travail ont effectué 19.103 visites aux établissements soumis au contrôle, dont 921 parmi eux œuvrant dans le domaine du travail temporaire, ont formulé 233.250 observations et ont dressé 437 procès verbaux. Abdelouahed Souhail, ministre de l'Emploi et de la Formation professionnelle, assure que la porte du dialogue est ouverte aux opérateurs économiques et partenaires sociaux. • Finances news hebdo : Après un engouement certain pour la délégation de certaines tâches par de grandes structures aux sociétés intérimaires, aujourd'hui, cette pratique se heurte à un vide juridique. En tant que ministère de tutelle, quelles sont les mesures prises ou à prendre afin de poser un cadre réglementaire qui garantit les droits et devoirs de chaque partie prenante : entreprise-cliente, entreprise-intérimaire et intérimaires ? • Abdelouahed Souhail : Les différents changements intervenus au niveau mondial au cours des deux dernières décennies, ont influencé considérablement l'organisation du travail et le marché de l'emploi, ce qui a poussé les entreprises à revoir leur organisation de façon à répondre à ces changements d'où l'émergence de nouvelles formes d'emploi telles que le travail partiel, le travail à distance ou encore le travail saisonnier. Ces nouvelles formes d'emploi ont permis aux entreprises de répondre aux nouvelles exigences que le concept classique du travail ne peut désormais satisfaire. A l'instar des autres pays du monde, le Maroc a procédé à la réglementation du travail temporaire en vue de préserver les équilibres du marché du travail et promouvoir l'emploi et l'insertion professionnelle. Il a fallu attendre l'avènement de la loi n° 65-99 relative au code du travail pour qu'une réglementation de l'intermédiation dans le domaine de l'emploi soit instaurée. En fait, les services mis en place par l'autorité gouvernementale chargée du travail et les agences de recrutement privées, ont dès lors la possibilité de contribuer à l'intermédiation, après autorisation de l'autorité gouvernementale chargée du travail. L'ouverture du marché du travail aux entreprises d'emploi temporaire s'inscrit dans le cadre de la flexibilité considérée comme une nécessité accrue du marché du travail, marqué par une concurrence féroce, résultant de la globalisation de l'économie, et ce à travers un cadre légal permettant aux entreprises d'emploi temporaire de participer à la gestion du marché du travail. A ce titre, l'article 495 du Code du travail définit l'entreprise d'emploi temporaire comme étant «toute personne morale indépendante de l'autorité publique, dont le travail est limité à employer des salariés en vue de les mettre, provisoirement, à la disposition d'une personne tierce, appelée «l'utilisateur» qui détermine leurs fonctions et en contrôle l'exécution». Cette définition rejoint parfaitement celle donnée par la Convention internationale du travail n° 181 sur les agences de recrutement privées, que le Maroc à ratifiée en 1999. Ainsi, le législateur a institué une série de restrictions qui encadrent le recours à cette forme de travail et cette catégorie de salariés. Il a également délimité les cas du recours aux entreprises d'emploi temporaire. En outre, le recours de l'entreprise utilisatrice à cette catégorie de salariés est conditionné par la consultation préalable des instances représentatives des salariés au sein de l'entreprise. Cette mesure permet aux dits salariés de s'assurer que leur entreprise ne recourt pas à l'emploi des salariés des entreprises de recrutement privées, sauf dans les cas prévus dans l'article 496 du Code du travail. Le recours aux salariés des entreprises d'emploi temporaire est, par ailleurs, prohibé pour l'accomplissement de travaux dangereux. Ce mode de recrutement a l'avantage de permettre aux entreprises de faire face aux éventuels changements survenus à leur activité, notamment l'accroissement de la production, ou le remplacement d'un salarié par un autre dont le contrat a été suspendu, ou l'adaptation des ressources humaines aux besoins de l'entreprise, et ce à travers le recrutement de compétences requises dont l'entreprise a besoin de façon à leur épargner la peine de chercher des profils déterminés, ce qui permet à ces entités de se concentrer sur leurs principales missions. Et dans le but d'assurer une plus large protection des salariés des entreprises d'emploi temporaire, des mesures ont été prescrites par le code du travail, notamment la prise en charge par l'entreprise d'emploi temporaire du paiement des salaires, et de tous les engagements juridiques issus du contrat de travail. Si l'entreprise d'emploi temporaire est insolvable ou n'arrive pas à honorer ses engagements vis-à-vis des salariés, il est fait recours à la caution déposée auprès de la Caisse de dépôt et de gestion en vertu de l'article 482 du Code du travail. Le législateur a également imposé à l'entreprise utilisatrice d'assurer ses salariés contre les accidents du travail et les maladies professionnelles, et de prendre toutes les mesures de protection susceptibles de garantir la santé et la sécurité de ces salariés. • F. N. H. : En l'absence de chiffres fiables, on estime le nombre des travailleurs à 200.000. A ce sujet, votre ministère dispose-t-il de données fiables sur cette activité : nombre de sociétés intérimaires, les secteurs les plus concernés et le nombre de travailleurs ? • A. S. : Malheureusement, les données dont dispose le ministère ne sont pas exhaustives et concernent quelques agences de recrutement privées autorisées qui respectent les dispositions de l'article 484 du Code du travail relatif à l'obligation de fournir régulièrement un état détaillé des prestations fournies. Pour les entreprises non autorisées, plusieurs actions sont menées par notre ministère pour les amener à se conformer aux dispositions du code du travail, à travers notamment la circulaire n°2/2011 en date du 20 avril 2011 que le Premier ministre a adressée aux différents départements ministériels, établissements publics et les grands groupements économiques pour leur demander d'exiger l'autorisation d'exercer octroyée par les autorités chargées du travail dans les appels d'offres concernant l'intermédiation dans le travail et les autres activités se rapportant au travail temporaire, et une circulaire du ministre de l'Emploi et de la Formation professionnelle aux délégués de l'emploi pour renforcer le contrôle. • F. N. H. : Beaucoup déplorent la précarité des travailleurs et le non respect de leurs droits sociaux. Quelles sont à cet effet les actions de contrôle faites sur le terrain et les sanctions infligées aux entreprises qui violent les droits sociaux des intérimaires ? • A. S. : Vous savez qu'un des objectifs principaux du nouveau code du travail est de combattre le travail précaire, et c'est la raison pour laquelle le législateur marocain s'est beaucoup investi dans la réglementation du travail temporaire. Le but recherché est l'harmonisation et la conciliation entre, d'une part, le besoin de l'entreprise en matière de flexibilité de l'emploi qui a pour objectif d'améliorer la compétitivité et, d'autre part, l'adaptation aux évolutions de la demande et la promotion du travail décent. Le législateur marocain a autorisé le recours au travail d'intérim à condition que soient rigoureusement respectées toutes les obligations légales et contractuelles du contrat de travail. Le code interdit le recours aux salariés de l'entreprise d'emploi temporaire pour l'exécution de travaux comportant des risques particuliers. Il impose l'obligation à l'entreprise utilisatrice de prendre toutes les mesures de prévention et de protection à même d'assurer la santé et la sécurité des salariés temporaires. Pour s'assurer du respect des droits de cette catégorie des salariés, l'inspection du travail qui a la charge d'assurer l'application des dispositions législatives et réglementaires relatives au travail, effectue des visites de contrôle systématique aux établissements assujettis à la législation du travail, y compris ceux du travail temporaire. Dans ce cadre, les agents chargés de l'inspection du travail ont effectué 19.103 visites d'inspection aux établissements soumis au contrôle, dont 921 parmi eux œuvrant dans le domaine du travail temporaire, par la même occasion ils ont formulé 233.250 observations et ont dressé 437 procès verbaux. D'autre part il est à signaler que le ministère a également pris des mesures pour la mise en conformité desdits établissements. Une circulaire a été adressée a toutes les délégations pour organiser une campagne de contrôle spéciale dans les entreprises du travail temporaire, laquelle s'est déroulée entre le 20 mai et le 30 juin 2012. L'objectif de cette campagne de contrôle est, d'une part, de recenser le nombre des entreprises opérant dans le travail temporaire, et d'autre part de faire respecter les droits reconnus aux salariés en prenant les mesures légales qui s'imposent en vue de mettre en conformité ses entreprises. A rappeler aussi, que le ministère a réuni le 30 mai 2012, la commission tripartite qui a pour rôle d'assurer le suivi de la bonne application des dispositions relatives au travail temporaire. A l'issue de cette réunion et suite à ses recommandations, une sous-commission tripartite permanente a été chargée d'assurer le suivi et la mise en œuvre des recommandations adoptées. • F. N. H. : Comment s'assurer du respect de l'article 496 du code du travail concernant les tâches qui peuvent être déléguées puisque nombre de sociétés délèguent des activités que cet article n'englobe pas. Quelle est votre réaction pour rétablir cette situation ? • A. S. : Rappelons tout d'abord que les dispositions relatives à l'intermédiation en matière de recrutement et d'embauchage sont inspirées, en leur totalité, de la convention n° 181 du BIT, qui a été ratifiée par notre pays. Ceci étant, et afin d'empêcher les éventuels dépassements en matière d'intermédiation, le code du travail a exigé, en ce qui concerne le recours aux services des intérimaires, l'obligation de la consultation préalable des représentants du personnel de l'entreprise utilisatrice, le respect des cas de recours expressément définis et l'établissement d'un contrat par écrit. Toutefois, il est constaté que de nombreuses entreprises, dites entreprises de sous-traitance ou encore d'assistance technique, assurant une activité qui, dans les faits, s'apparente au travail temporaire, notamment en ce qui concerne le détachement d'un ou plusieurs salariés permanents auprès des entreprises ayant recours à leurs services. Le travail d'intérim se distingue par rapport à ce genre d'activité par le fait de la présence obligatoire d'un processus relationnel et contractuel tripartite, à savoir l'entreprise du travail temporaire, l'entreprise utilisatrice et le salarié intérimaire. Le département de l'Emploi n'épargne aucun effort pour veiller au respect de l'application des dispositions du code du travail, notamment celles concernant le travail temporaire. Il a adressé, en effet, plusieurs circulaires dans lesquelles il invite l'ensemble des agents chargés de l'inspection du travail à renforcer leurs interventions dans ce sens. Sur le plan institutionnel, le ministère veille, parallèlement, à la tenue régulière des travaux de la commission tripartite chargée d'assurer le suivi de la bonne application des dispositions relatives aux entreprises d'emploi temporaire. C'est ainsi que les travaux de la dernière réunion de ladite commission, tenue le 30 mai 2012, ont permis l'adoption d'un ensemble de mesures visant à l'assainissement de ce secteur d'activité et à la garantie des droits des salariés opérant dans ce secteur. • F. N. H. : Enfin, la Fédération nationale des entreprises de travail temporaire est sur le point de déposer un projet de loi afin de mieux réglementer le secteur. Est-ce un travail concerté et quelle sera la suite à donner à cette initiative ? • A. S. : Vous n'ignorez pas que le dépôt de tout projet de loi obéit à des procédures bien précises. Toutefois, le ministère reste ouvert au dialogue avec les opérateurs économiques et sociaux concernés, et à toute proposition qui peut développer et améliorer le secteur. Il est à rappeler que, lors du mandat du dernier gouvernement, une proposition de loi a été déposée par un groupe parlementaire pour amender l'article 482 relative à la caution obligatoire auprès de la Caisse de dépôt et de gestion. Cette proposition de loi a fait l'objet d'un débat au sein de la commission des secteurs sociaux de la Chambre des représentants, sans pour autant aboutir à l'amendement de l'article 482. De ce fait, les dispositions du livre 4 du code du travail restent appliquables et toutes les entreprises exerçant dans le domaine de l'intermédiation du travail et du travail temporaire non encore autorisées, doivent se conformer à la réglementation en vigueur. Dossier réalisé par I. Bouhrara