- Suite à l'examen organisé en début d'année par l'ACAPS, le réseau d'intermédiaires, que d'aucuns qualifient de déjà saturé, va augmenter d'à peu près 25% - Devenir intermédiaire en assurance s'apparente, à bien des égards, à un véritable parcours du combattant.
2018 est une année particulièrement chargée pour le secteur des assurances. Outre les chantiers règlementaires (solvabilité basée sur les risques, Takaful) et la problématique de la hausse de la sinistralité de la branche auto, le secteur s'apprête à absorber l'arrivée sur le marché d'une nouvelle vague d'intermédiaires, courtiers et agents, qui viendront ainsi étoffer un réseau de distribution que d'aucuns qualifient de déjà saturé. Ces nouveaux arrivants sont les candidats ayant réussi à l'examen professionnel organisé en février 2018 par l'Autorité de contrôle des assurances et de la prévoyance sociale. Un examen qui ne s'était plus tenu depuis 2015. A l'époque, la Fnacam (Fédération nationale des agents et courtiers d'assurances au Maroc) avait demandé au régulateur de faire une pause dans les examens, face justement à la prolifération des intermédiaires en assurances, estimant que l'ouverture de nouvelles agences compromet l'avenir professionnel d'une partie des existants. Cette doléance avait été entendue à l'époque par l'ACAPS, qui n'a pas organisé d'examens ni en 2016 ni en 2017. Retour donc à l'examen cette année. Selon l'ACAPS, il s'agit de répondre à une demande exprimée par les compagnies d'assurances. Il s'agit notamment de donner un statut officiel aux bureaux directs des compagnies, qui jusqu'ici avaient un statut hybride. Au 31 décembre 2017, et selon les chiffres du régulateur, le nombre des intermédiaires d'assurances agréés s'est élevé à 1.864 agents et courtiers d'assurances; auquel il faut ajouter 463 bureaux directs, 11 banques agréées pour la présentation des opérations d'assurances à travers 6.000 agences et 8 captives. Avec l'examen de février 2018 qui a réuni près de 1.200 candidats, ce sont presque 400 intermédiaires supplémentaires, dont certains sont d'ores et déjà opérationnels, qui vont s'ajouter au réseau, avec néanmoins un peu de déperdition en cours de route. «Le réseau d'intermédiaires déjà saturé va augmenter d'à peu près 25%», souligne un assureur. «Cela ne sera pas évident de digérer tout ce monde», poursuit-il.
Défi de la rentabilité
Pour les nouveaux intermédiaires qui arrivent sur le marché, les défis ne sont pas minces. Il y a d'abord celui de l'implantation, en particulier dans les grandes villes où les centres sont déjà fournis en intermédiaires d'assurances. Pour Casablanca, par exemple, les nouveaux agents et courtiers préfèrent plutôt s'installer en périphérie comme à Rahma ou Oulfa, et plus généralement dans des zones nouvellement urbanisées. Un expert nous précise que les compagnies ont des stratégies de déploiement, mais ne communiquent pas entre elles, comme c'est le cas pour les pharmaciens, par exemple. L'autre défi de taille est celui de la rentabilité. En effet, pour être rentable, une agence doit au minimum générer un chiffre d'affaires de 4 millions de DH annuel pour assurer sa viabilité. Avec un niveau de rémunération équivalent à 10% du montant des primes, les intermédiaires doivent ainsi disposer d'au minimum 400.000 DH pour couvrir leurs charges et franchir le seuil de rentabilité. Ces chiffres sont valables pour les villes moyennes. «Pour les grandes villes, c'est beaucoup plus, et nombreux sont ceux qui font beaucoup moins que 4 millions de DH», assure notre expert.
Un long parcours
Devenir intermédiaire en assurance est loin d'être une sinécure. Outre la formation très pointue qui dure 6 mois et le passage d'un examen, les candidats doivent s'armer de patience avant de commencer effectivement leur activité, comme nous le relate Youssef Khouili. Il a passé avec succès le concours national organisé par l'ACAPS et s'apprête à démarrer son activité d'agent général de la compagnie Saham Assurance dans les jours à venir. «Préalablement à l'examen pour devenir agent général, il faut une acceptation de la compagnie sur dossier et passer plusieurs entretiens avec les directeurs de la compagnie», explique-t-il d'emblée. S'ensuit une formation interne de 6 mois dispensée par les meilleurs formateurs du Maroc et d'Afrique du Nord. Cette formation est, précise-t-il, beaucoup plus poussée et pratique que celle dispensée en école d'assurance. Quant au concours national de l'ACAPS, décliné en un examen écrit et un autre oral (pour les candidats ayant eu au moins 12/20 à l'écrit), notre intermédiaire en devenir avoue qu'il était particulièrement corsé. Une fois cette étape franchie, les compagnies ont informé, de manière officieuse, les candidats qui ont réussi. Mais ces derniers ont dû néanmoins patienter plusieurs mois avant de se voir délivrer leurs agréments. «L'ACAPS a mis beaucoup de temps pour nous remettre les agréments. Pour mon cas personnel, j'ai passé l'examen en février 2018, et je viens de recevoir mon agrément il y a quelques jours, soit près de 5 mois d'attente. Si l'on y ajoute les 6 mois de formation, cela fait presque une année de chômage», nous explique Y. Khouili, qui précise qu'il leur est interdit de travailler ailleurs pour s'assurer un revenu. Par ailleurs, beaucoup de lauréats du concours national attendent toujours, à ce jour, leurs agréments. Toujours est-il qu'une attestation de réussite leur est délivrée, leur permettant de faire les démarches nécessaires pour installer leur business. Car, pendant ces mois d'attente, les futurs agents d'assurances ne restent pas les bras croisés et se lancent dans la recherche d'un local. Là aussi, la tâche n'est pas aisée. «Nous n'avons plus le droit de choisir un appartement, comme c'était le cas pour les agents qui nous ont précédés. Nous sommes obligés de trouver un local en rez-de-chaussée, ce qui augmente notre budget de location», explique notre agent. Une fois le local trouvé, une commission de la compagnie mandante vient sur place pour vérifier qu'il est aux normes et le valider. La compagnie établit par la suite avec son agent un cahier des charges détaillé, qui spécifie certaines caractéristiques de l'agence comme les couleurs, le mobilier, les matériaux utilisés, etc. «Tout cela est à notre charge», tient à préciser notre interlocuteur. Les compagnies donnent parfois un coup de main, à travers une contribution ou des offres de prêts abordables ou gratuits accordées par des banques. Mais ce n'est pas systématique.
Difficultés administratives
Une fois le local trouvé et le cahier des charges établi, l'agent en devenir n'est pas au bout de ses peines, et doit faire face aux absurdités de l'administration pour la création de son entreprise. «Pour notre inscription au registre du commerce, les tribunaux nous ont demandé un papier du ministère des Finances comme à l'époque de la DAPS (ex-ACAPS). Ils ne sont pas au courant que le secteur est désormais régulé par l'ACAPS, une autorité indépendante, qui ne relève plus du ministère des Finances», déplore Y. Khouili. Bref, ce n'est qu'après avoir «survécu» à toutes ces péripéties que l'agent peut être opérationnel. Dans le cas de notre interlocuteur, ce dernier a fait le choix de s'installer à Mohammedia. «Casablanca commence à être saturée», avoue-t-il, «mais il y a beaucoup à faire ailleurs et il y a du potentiel». «Après un an de persévérance, je commence cette semaine», nous annonce-t-il, non sans fierté. Mais là encore, il n'est pas au bout de ses surprises, concernant cette fois-ci les autorisations pour les enseignes et les totems : «A Ouarzazate, la ville réclame 189 DH par trimestre pour l'autorisation de placer un totem. A Mohammedia, c'est 10.000 DH, et à Tanger 12.000 DH, et certains l'ont eu gratuitement. Il n'y a pas de logique à cela». ■
Monter en compétence L'un des enjeux pour ces nouveaux intermédiaires réside dans leur montée en compétence. Selon un expert du secteur, les intermédiaires doivent monter en compétence et commercialiser d'autres produits pour assurer leur rentabilité. Cette affirmation est corroborée par notre futur agent. «Il faut développer un portefeuille national et ne pas se contenter de son environnement proche. Il faut aussi ne pas se contenter d'un seul type de produits, à savoir la responsabilité civile automobile, qui représente le gros du chiffre d'affaires des intermédiaires».