- La mise en place de l'impôt sur la fortune était une recommandation-phare des Assises sur la fiscalité de 2013. - Cinq ans après la tenue de la grand-messe de la fiscalité de Skhirat, l'application de cet impôt semble ne plus être à l'ordre du jour.
Les Assises nationales sur la fiscalité d'avril 2013 ont eu le mérite de fédérer les professionnels et les décideurs politiques. Cette grand-messe, qui s'est tenue il y a cinq ans, a permis de poser un regard objectif sur les dysfonctionnements du système fiscal marocain. L'évènement avait aussi débouché sur une série de recommandations, dont l'instauration de l'impôt sur la fortune (ISF). Un peu plus de cinq ans après la tenue de ces Assises, la réforme allant dans le sens de l'intégration de l'ISF dans le système fiscal tarde à voir le jour. Même si une solution intermédiaire a été retenue, à travers notamment la création d'un impôt de solidarité ainsi que la mise en place d'un impôt frappant les investissements non productifs (les terrains non bâtis notamment).
L'ISF, une fausse bonne idée pour le Maroc ?
Les adeptes de l'ISF avancent une meilleure redistribution des richesses et un équilibre entre l'imposition des revenus du capital et du travail, à travers cette catégorie d'impôt qui a la cote dans certaines grandes économies, pour ne citer que l'Hexagone. A préciser tout de même que depuis janvier 2018, l'ISF a été supprimé en France et remplacé par l'impôt sur la fortune immobilière (IFI). Ce parallèle avec la France renseigne sur la volonté du gouvernement français actuel d'alléger la pression fiscale sur les grosses fortunes, qui sont des investisseurs potentiels, avec parfois une aversion prononcée pour des niveaux de taxation élevés. Alors, est-il vraiment judicieux d'instaurer l'ISF au Maroc ? S'il est admis que chaque contribuable doit s'acquitter de l'impôt en fonction de sa capacité contributive, il est tout à fait concevable que les personnes les plus nanties payent un peu plus d'impôt dans un souci de solidarité. Ce qui peut également contribuer au renflouement des caisses de l'Etat qui voit ses dépenses augmenter d'année en année en raison, entre autres, des besoins croissants en services publics et en infrastructures. «Je ne pense pas que le Maroc soit prêt pour l'application de ce type d'impôt que certains parlementaires voulaient utiliser il y a quelques années à des fins politiques et pour des règlements de compte», confie néanmoins un haut cadre du ministère des Finances. Et d'ajouter qu'il «est plus opportun de se mobiliser pour la lutte contre la fraude et l'élargissement de l'assiette fiscale, avec l'intégration de l'informel dans le circuit formel. Une telle lutte aura beaucoup plus de conséquences positives sur les recettes fiscales». Il faut rappeler, à ce titre, que selon la CGEM, l'économie informelle pèse plus de 20% du PIB hors secteur primaire. Estimée à 170 Mds de DH par an, celle-ci cause près de 30 Mds de DH de manque à gagner à l'Administration fiscale. Ce qui représente le double des recettes issues des droits d'enregistrement et de timbre à fin 2017 (15,6 Mds de DH). Pour notre interlocuteur, il y a donc mieux à faire. «Depuis des années maintenant, l'Etat soutient plusieurs branches d'activité (BTP, industrie, pêche, tourisme, agriculture, etc.) à travers les dépenses fiscales qui tournent autour de 33 Mds de DH. Il est peut être temps que les personnes qui se sont enrichies dans les secteurs ayant bénéficié des dépenses fiscales rendent l'ascenseur en restituant une partie des avantages fiscaux reçus», suggère-t-il. ■