- Le Directeur général du Fonds Jaida, Abdelkarim Farah, apporte son éclairage sur l'activité de la filiale du groupe CDG spécialisée dans la microfinance et sur les perspectives d'évolution du secteur. A lire aussi Microfinance : en attendant la réforme, la croissance bridée par le risque
Finances News Hebdo : Comment s'est comportée l'activité du secteur de la microfinance en 2017 et qu'en est-il pour Jaida ?
Abdelkarim Farah : 2017 est une année de consolidation de la deuxième décennie de l'activité sectorielle, qui a commencé par une période de correction et qui est caractérisée par une forte composante «renforcement de la capacité institutionnelle». Pour rappel, la 1ère décennie était plutôt une période de lancement et de forte croissance. Jaida, filiale du Groupe CDG, a clôturé sa 10ème année d'activité en affichant un encours de plus d'un milliard de DH, une production cumulée de plus de 2,6 milliards de DH et surtout une qualité d'expert/financeur en réalisant plusieurs programmes d'assistance technique des institutions de microfinance et en développant leur notoriété institutionnelle. Aujourd'hui, Jaida est un bailleur de fonds de référence du secteur de la microfinance. Son modèle économique inspire les stratégies des autres pays pour le développement de la microfinance et constitue une référence du secteur au niveau national.
F.N.H. : Quels sont les défis majeurs auxquels la microfinance est confortée au Maroc ?
A. F. : La microfinance au Maroc constitue une source de financement pour 1 million d'activités génératrices de revenus (AGR) et pourrait jouer un rôle central en matière d'accompagnement et d'inclusion des populations souffrant de la précarité. Dans ce sens, l'activité de microcrédit devra nécessairement évoluer en activité de microfinance, et la mission d'accompagnement centrée sur l'éducation financière devra s'étendre vers des solutions adaptées à des problématiques d'inclusion économique et sociale. Cette évolution s'inscrit, certes, dans le prolongement naturel du rôle des opérateurs qui ont, aujourd'hui, des capacités opérationnelles et financières éprouvées. Néanmoins l'adaptation du cadre réglementaire et la digitalisation des services constituent les principaux défis d'avenir pour le secteur.
F.N.H. : Selon vous, quelles sont les raisons à l'origine du retard de la réforme réglementaire du secteur de la microfinance au Maroc où les acteurs sont encore des associations ?
A. F. : À notre sens, il ne s'agit pas d'un retard mais plutôt d'une évolution dans la sérénité et sans aucune précipitation. Les 20 ans d'existence du secteur regroupent trois phases: l'émergence avant 2001, la croissance durant la période allant de 2002 à 2012 et la consolidation depuis 2013. L'adaptation du cadre réglementaire dans le sens de l'élargissement du périmètre et du rôle des opérateurs ne pouvait se concevoir durant les deux premières phases où le Maroc comptait parmi les seuls pays à disposer d'une réglementation spécifique à l'exercice et au contrôle de l'activité. L'inclusion financière appréhendée dans d'autres pays selon une approche intégrée, couvrant la chaine de valeur des services financiers de manière globale, en plus de l'accompagnement assuré par les services non financiers, a été déployée au Maroc selon une approche dissociant les métiers. En effet, l'inclusion financière au Maroc compte plusieurs acteurs en dehors des banques. On peut citer les opérateurs de transfert, les intermédiaires en opérations bancaires et de micro assurance, les établissements de paiement agréés récemment, en plus des institutions de crowdfunding attendues dans un futur proche. Les études menées dernièrement sous l'égide du ministère de l'Economie et des Finances ont pour objectif de statuer sur les mesures réglementaires à adopter et sur le potentiel du marché en termes d'offre et de demande. C'est une démarche objective qui dénote d'une volonté réelle de booster le secteur dans sa mission désormais incontestable. L'année 2018 voire 2019 au plus tard sera décisive pour le développement de l'expérience de microcrédit, qui devrait être reconnue en tant que secteur à part entière avec une activité clairement définie.
Propos recueillis par M. Diao
Là où le bât blesse La loi n° 58-03 modifiant et complétant la loi n° 18-97 relative au microcrédit précise dans son article 2 qu'est considéré comme microcrédit tout crédit dont l'objet est de permettre à des personnes économiquement faibles, de créer ou de développer leur propre activité de production ou de service en vue d'assurer leur insertion économique, d'acquérir, de construire ou d'améliorer leur logement, de se doter d'installations électriques ou d'assurer l'alimentation de leurs foyers en eau potable. Au-delà de cette définition, cette même loi précise en substance que le montant du microcrédit ne peut excéder 50.000 DH. Cela dit, certains professionnels estiment que ce plafond est insuffisant pour promouvoir convenablement l'entrepreneuriat, notamment la création et le développement de PME et TPE qui nécessitent parfois un effort d'investissement assez conséquent.