La grande problématique à laquelle a été confrontée la nouvelle équipe gouvernementale lors de l'élaboration de la Loi de Finances 2012 a été évidemment le déficit budgétaire, estimé par Bank A-Maghrib à 7,1% hors recettes de privatisation. Il fallait donc s'attendre à ce qu'elle aille à la traque des niches fiscales pour renflouer les caisses de l'Etat. Chose faite. Avec, parfois, une certaine subtilité dans la démarche. Dans la liste des mesures fiscales annoncées, certaines dispositions ont, en effet, retenu mon attention. La première concerne l'augmentation de la taxe intérieure de consommation sur les cigarettes et certains tabacs manufacturés : de 59,4%, elle passe à 61 et 65% respectivement et devrait générer quelque 400 MDH. Il y a quand même une constante qui semble se dégager : à chaque fois que le gouvernement est pris à la gorge faute de ressources suffisantes, la cigarette et l'alcool en prennent pour leur grade à travers une hausse du TIC. C'est une mesure qui passe facilement et qui ne peut souffrir d'aucun débat, même au niveau du Parlement. Et cela, pour deux raisons : - primo : la cigarette pose un problème de santé publique; - secundo : dans un pays où la vente d'alcool est officiellement interdite aux Musulmans, il semble pour le moins incongru pour les parlementaires de s'opposer à une taxation supplémentaire, encore moins pour les citoyens de s'en indigner, d'autant qu'ils sont censés ne pas en consommer. Dans les deux cas donc, personne ne peut l'ouvrir publiquement. Et c'est une brèche dans laquelle les autorités s'engouffrent à cœur joie. Ou plutôt religieusement. Au grand bonheur du Fisc. D'ailleurs, il ne fallait pas s'attendre à autre chose, d'autant que le PJD, du temps où il était dans l'opposition, a toujours été l'instigateur des hausses répétitives de la TIC sur ces deux produits ces dernières années. Maintenant qu'il est au pouvoir, il pourrait certainement aller même plus loin, puisque le parti de la lampe trouve aujourd'hui injuste d'instaurer une TVA de 10% pour la consommation d'alcool dans un hôtel, tandis qu'elle est de 14% pour le thé, un produit de grande consommation. La seconde mesure fiscale concerne la taxation… des plus riches. Sans doute pour ne pas heurter certaines sensibilités et pour ne pas donner l'air de cibler une certaine catégorie de la population, le mot «riche» a été volontairement banni du projet de Loi de Finances. On lui a préféré un langage plus subtile, en titillant notamment la fibre patriotique des grosses entreprises. Celles qui ont les moyens et qui réalisent un gain annuel de plus de 200 MDH : elles devront contribuer au Fonds de soutien social à hauteur de 1,5% de leur bénéfice net. Dans le même ordre d'idées, les automobilistes vont aussi trinquer, d'autant que le projet de Loi de Finances 2012 renferme 4 dispositifs fiscaux, dont un devrait entrer en vigueur en 2013. Ainsi, ceux qui ont l'ambition de rouler l'espace de quelques jours en «ww», surtout à quelques semaines du Salon Auto Expo, devront d'ores et déjà penser à mettre davantage de billets sur la table : les tarifs de la première immatriculation passent de 1.000 à 3.000 dirhams pour les véhicules dont la puissance fiscale est inférieure à 8 chevaux et à 6.000 DH pour ceux dont la puissance fiscale est comprise entre 8 et 10 chevaux (contre 2.000 DH actuellement). Pour les véhicules de 11 à 14 chevaux, le tarif passera à 10.000 DH, et à 20.000 DH à partir de 15 chevaux. C'est clair, plus on monte en puissance, c'est-à-dire plus on a les moyens de se payer une voiture puissante, plus on est taxé. Les adeptes des grosses cylindrées s'en rendront mieux compte d'ailleurs en 2013, avec notamment la hausse des vignettes automobiles : entre 11 et 14 chevaux, la vignette des véhicules essence devrait passer de 2 à 3.000 DH et s'établirait à 6.000 DH (contre 5.000 DH actuellement) pour les véhicules à moteur gasoil. A partir de 15 chevaux, il est prévu un doublement du prix de la vignette. Dans sa démarche, le gouvernement Benkirane est allé aussi loin que possible, d'autant que, hormis pour les voitures de collection, il a mis fin à l'exonération de la vignette pour les voitures de plus de 25 ans, alors qu'est maintenu, par souci de rajeunissement du parc, le droit d'importation de 25% applicable aux voitures d'occasion. Malgré toutes ces mesures, pas sûr que cela va freiner les ardeurs des mordus de l'automobile. Car quand la nécessité se mêle au plaisir et à la passion, et surtout quand dans un pays comme le Maroc l'automobile (la marque, le prix…) est un critère de différenciation sociale, on fait peu cas de la dépense. Pour dire que les «riches», entre autres, ne mettront pas pour autant le frein à main. Alors, quelle lecture faire des dispositions fiscales précitées ? Simplement, il s'agit de faire contribuer davantage ces citoyens qui ont un certain pouvoir d'achat. En d'autres termes, comme nous l'avait confié l'actuel ministre de l'Enseignement supérieur, de la Recherche scientifique et de la Formation des cadres, Lahcen Daoudi, à la veille des législatives, l'objectif «n'est pas de tuer les riches, mais il serait bien aussi de rendre la pareille à ce pays qui leur a tant donné pour préserver la stabilité dont ils se sont nourris». Et, si ce n'est pas dans cette Loi de Finances, ces «riches» devraient s'attendre, peut-être à la prochaine loi, à être forcément plus généreux. Car le luxe et l'ostentatoire sont toujours dans le viseur du PJD qui ambitionne de les taxer encore plus. Avec un raisonnement transparent pour qui sait lire: «si les riches continuent de consommer de tels produits qui sont souvent importés, on augmente les recettes, et s'ils s'abstiennent, cet argent alimentera l'épargne nationale». Les esprits riches apprécieront.