■ Certains contribuables jugent que les pratiques du Fisc sont parfois abusives. ■ Les opérations de contrôle augmentent durant les années de crise et de marasme économique. ■ Les spécialistes estiment que le potentiel de fraude et d'évasion fiscales reste assez important au Maroc du fait qu'une bonne partie des entreprises déclare toujours des bilans déficitaires. Face à un tarissement des ressources publiques, l'Etat presse l'administration fiscale de renforcer le contrôle afin d'augmenter les recettes. C'est un rituel qui se manifeste durant les années de crise et de marasme où les opérations de recouvrement fiscal prennent plus d'ampleur. Mais les opérateurs redoutent l'excès de zèle des agents du Fisc qui, pour atteindre un plafond fixé par leur administration et qui est lié à des primes de rendement, peuvent parfois procéder à des pratiques abusives. «La fraude et l'évasion fiscales sont une philosophie assez prisée par l'entrepreneur marocain, surtout les PME. C'est pour cela que chaque contrôle fiscal est difficilement acceptable par les entrepreneurs. A priori, il y a une procédure qui respecte les droits des contribuables et leur laisse la possibilité de recours», explique Youssef Oubouali, professeur de droit fiscal. Il souligne que «les moyens dont dispose l'administration fiscale, surtout au niveau des ressources humaines, font que les opérations de contrôle restent sélectives, ciblant les grosses structures comme les banques ou les organismes financiers où le pactole peut être élevé, et aussi les sociétés jugées à risque. Une base de données existe actuellement et montre leur niveau d'engagement vis-à-vis des impôts». En effet, les 3/4 des entreprises marocaines déclarent des exercices déficitaires. 90% des recettes de l'IS émanent de 100 grosses entreprises. Ce qui montre que le potentiel de recouvrement fiscal reste assez important. Dans les faits, le contrôle touche pratiquement toutes les niches fiscales. Les clubs sportifs, les cliniques ou les coopératives qui étaient il y a quelques années épargnés, ont eu droit à des arrêts-saisies sur leur compte bancaire pour manquement à leur engagement. C'est le cas notamment du Moghreb de Fès qui a été sommé de payer des arriérés de 6 MDH. Par ailleurs, il ne faut pas confondre le délai de prescription avec celui de payement ou de recouvrement. Le Fisc peut toujours adresser des notifications pour fausses déclarations ou absences de déclarations. L'administration fiscale, dans l'exercice de son droit de contrôle, est limitée par l'effet de prescription. Le principe peut être à double sens aussi bien envers le contribuable qu'envers l'administration. Un contribuable ne peut demander la réparation ou le remboursement des impôts indûment payés au-delà d'un certain délai fixé par la loi. L'option du recours aux commissions ou au tribunal administratif est très limitée, sauf pour des affaires de gros calibre. Contrairement au Fisc qui est mieux armé pour défendre ses actes, le contribuable ne dispose pas d'assez de marge de manœuvre, surtout des bases de données sur la moyenne des valeurs déclaratives. La DGI peut faire appel aux documents dont elle dispose et des autres administrations comme la douane, l'Office des changes ou les banques, alors que le contribuable ne peut disposer de ces documents sous prétexte du secret professionnel. ■ Par Charaf Jaidani L'immobilier, une niche par excellence Pratiquement, toutes les transactions immobilières font l'objet de révision fiscale. A part les opérations de ventes de biens immobiliers réalisées par des groupes publics ou conventionnés avec l'Etat, la révision de la valeur déclarative devient systématique. Tel est le constat que dégagent les professionnels opérant dans le secteur, surtout les notaires et les promoteurs immobiliers. Les agents du Fisc ont depuis quelques années, surtout avec la flambée de l'immobilier, opté pour cette pratique. La Direction générale des impôts (DGI) est dans son droit d'utiliser tous les moyens pour lutter contre l'évasion et la fraude fiscales, mais certains contribuables estiment qu'ils sont lésés et se trouvent dans une position inéquitable avec le Fisc au niveau de la taxe sur les profits immobiliers (TPI) en cas de vente, ou les droits de l'enregistrement en cas d'achat. Les moyens de recours dont ils disposent sont compliqués et la procédure est parfois longue et capricieuse. C'est pour cela que tous les assujettis cèdent face à l'intransigeance du Fisc et préfèrent payer le redressement pour avoir le fameux quitus, que de traîner pendant des semaines, voire des mois, dans les bureaux des inspecteurs des impôts.