■ Il y a un différentiel de richesse important par tête d'habitants entre le Nord et le Sud de la Méditerranée. ■ Le démantèlement de l'euro va impacter l'Europe. C'est une crise tragique pour le continent, mais aussi pour le monde. ■ Le Maroc est dirigé par une monarchie qui règne depuis plusieurs siècles, lui permettant une situation unique, surtout en matière de stabilité politique. Le pourtour de la Méditerranée traverse une période difficile marquée notamment par la crise financière qui secoue sa partie nord, tandis que les pays européens et le printemps arabe impactent sa partie sud. Dans le cadre du cycle des conférences-débats autour de réflexions sociétales et intellectuelles contemporaines organisé par le groupe Attijariwafa bank, la nouvelle édition a eu comme invité de marque Thierry De Montbrial, Directeur général et fondateur de l'Institut français des relations internationales (IFRI) qui a animé une conférence ayant pour thème : «L'avenir du pourtour méditerranéen, entre pressions économiques au Nord et attentes politiques au Sud». «Nous vivons dans un monde incertain où la succession de plusieurs phénomènes de grande ampleur confirme ce constat, comme le 11 septembre, la crise financière de 2008 ou des catastrophes comme Fukushima», a déclaré Mohamed Kettani. Le PDG du Groupe Attijariwafa bank qui s'exprimait à l'occasion, a souligné qu'«il y a un différentiel de richesse important par tête d'habitants entre le Nord et le Sud de la Méditerranée. Les décideurs doivent se remettre en cause. Il faut chercher de nouvelles pistes et de nouveaux paradigmes pour recadrer la situation». Dans son intervention, De Montbrial a indiqué pour sa part que «le 21ème siècle commence en 2008 avec la grande crise financière qui a, en fin de compte, bouleversé le monde». L'intervenant a mis l'accent sur le fait que plusieurs événements de ces derniers temps n'ont pas été prévisibles comme la chute de l'URSS, la guerre du Golfe ou le printemps arabe. Les interférences entre les décisions politiques et les décisions économiques sont responsables des incertitudes. Concernant l'Europe et sa crise actuelle, l'intervenant a indiqué que «le choix a été d'élargir et de créer une monnaie unique. Cet élargissement a été trop rapide. Les pays qui doivent donner l'exemple ont dérapé». Le scénario catastrophe n'est pas à écarter, la question de l'euro à trait à la survie de l'Europe. «Quand Merkel le dit, alors elle en est consciente. Si la monnaie unique se défait, alors il faut s'attendre à l'explosion centrifuge. On se dirige vers une décomposition violente. Le démantèlement de l'Europe est une crise tragique pour le continent mais aussi pour le monde. Mais c'est parce que le risque est immense qu'il y a une chance de résoudre le problème. Mais la probabilité de l'échec existe toujours», a-t-il expliqué. Concernant les bouleversements qui ont secoué le Monde arabe, le conférencier a noté que «depuis la chute de l'empire ottoman, la région va de désillusion en désillusion, voire à la frustration. Les pays arabes empruntent des modèles de l'Europe qui vont connaître un échec. Le parti Baâth en Irak et en Syrie était une formation laïque mais son idéologie n'a pas séduit et n'a pas donné les effets escomptés. Le modèle algérien est imité du système soviétique et a engendré des dégâts collatéraux. Aujourd'hui, on assiste pour la première fois à des systèmes créés à partir de la propre culture de ces pays». Le conférencier a expliqué que «l'échec de certains régimes est dû à leur isolement comme c'est le cas de Saddam Hussein. Contrairement à la Libye, la Syrie est une poudrière qui risque d'impacter toute la zone du Moyen-Orient». S'agissant de l'arrivée des islamistes au pouvoir dans certains Etats de l'Afrique du Nord, De Montbrial a affirmé qu'«il faut qu'ils réussissent certaines choses comme leur intégration. L'Egypte va être un test majeur. Pour l'Algérie, ce pays a certaines spécificités, il a connu la guerre civile et la population a peur de récidiver. La manne pétrolière permet au pouvoir en place un certain sursis et de gagner temporairement la paix sociale. Pour le Maroc, les choses se présentent différemment, le pays est dirigé par une monarchie qui règne depuis plusieurs siècles lui permettant une situation unique, surtout en matière de stabilité politique. L'avenir du pays continue de se reposer sur l'habileté de sa direction. Le discours du 20 mars montre clairement la clairvoyance du Roi Mohammed VI.. ■ Charaf Jaidani Quid de la finance internationale Pour ce qui est de la régulation de la crise De Montbrial a expliqué que «les pays qui vont sortir de la crise sont ceux qui ont lancé des plans crédibles. Pour la finance internationale, j'ouvre un débat sur la question de la séparation entre les activités spéculatives et les autres activités. Il faut préciser que la finance internationale n'est pas responsable de la mauvaise gestion des pays défaillants». Participant à la conférence-débat, Mohamed Berrada, professeur universitaire, a estimé que «la crise financière internationale a pour origine les Etats-Unis à cause de la politique de la baisse des taux d'intérêt qui ont frôlé le 0% et ont tué l'épargne. Il faut regarder les liens avec les crises pour comprendre. Nous sommes dans un monde de paradoxes. Il y a deux politiques qui s'opposent. Celle des Etats-Unis basée sur la consommation et celle des Européens, plus orthodoxes, basée sur l'épargne». Répondant à ce sujet De Montbrial a expliqué que «les Etats-Unis ont connu plusieurs crises, mais ont peur actuellement d'être détrônés, surtout avec les nouvelles puissances montantes comme la Chine». Ce pays est arrivé à son leadership grâce aux deux conflits mondiaux et aussi la rivalité entre le dollar et la livre sterling qui a été une monnaie internationale. Aujourd'hui, les Chinois sont en train d'ouvrir intelligemment leur monnaie pour la rendre plus compétitive et, par conséquent, monnaie de refuge.