■ La vente à découvert demeure une pratique illégale, mais largement répandue. ■ Le contexte actuel du marché plaide en sa faveur. Mais les avis divergent. Attentisme, baisse de la capitalisation (-12% YTD), perte de confiance des investisseurs (nombre de transactions faibles), tendance baissière… C'est dans ce contexte difficile que la Bourse de Casablanca évolue depuis le début de l'année. Le problème que la communauté boursière pointe du doigt est d'abord celui de liquidité du marché. Malgré tous les problèmes de conscience morale que la vente à découvert pose à certains investisseurs, son instauration figure parmi les pistes de relance du marché boursier. C'est le projet sur lequel travaille Karim Hajji, Directeur général de la Bourse de Casablanca, et dont l'annonce a été faite il y a quelques mois lors d'un workshop. La principale motivation avancée par le management de la SBVC est que cette pratique permettra de renforcer significativement la liquidité d'un marché qui en a plus que besoin. Ce projet s'inscrit dans la seconde étape de l'instauration du principe des prêts-emprunts titres, dont la loi avait été votée par la première chambre du Parlement sortant. La mise en place de cette technique permettra d'introduire les futurs et autres produits dérivés sur le marché. «Le risque de lancer un marché à terme aujourd'hui vient de la faible liquidité du marché marocain. La vente à découvert amènera sans doute un surplus de liquidité», confirme un analyste de la place. Les contrats à terme fournissent l'opportunité de tirer profit des soubresauts des prix des actifs sous-jacents à la hausse comme à la baisse. Il ne peut se faire dans un sens unique, d'où la nécessité de la vente à découvert. Cependant, la vente à découvert à nu ou le «naked short selling» peut être hautement spéculative et dangereuse car elle permet de vendre des titres sans en avoir la provision préalable, et n'impose pas de disposer de titres pour pouvoir les vendre. Dans une mise en place éventuelle de cette technique à la place casablancaise, les autorités de régulation peuvent s'inspirer de la loi américaine nommée «locate» afin de permettre aux intervenants marocains de se couvrir par l'emprunt de titres. Concrètement, les ventes à découvert permettent à l'investisseur de réaliser des bénéfices dans un marché à tendance baissière. Dans ce cas de figure, anticipant la baisse du marché, il s'agit pour l'investisseur d'emprunter des titres auprès d'un autre en s'engageant à les rendre à une date déterminée à l'avance. ll les cède dans le marché au comptant pour les racheter plus tard et les restituer. C'est dire le caractère court-termiste purement spéculatif des ventes à découvert et c'est ce qui explique, d'ailleurs, les avis partagés des opérateurs du marché quant à l'autorisation de telles pratiques. «La vente à découvert est d'abord un produit de couverture. Ce sont les politiques, à mon sens, qui diabolisent cette pratique. Prenons l'exemple d'un investisseur qui gère un portefeuille de 1 million de DH dont la moitié est investie en actions, le reste étant constitué de liquidités. Si notre investisseur anticipe une baisse du marché, il peut se couvrir en vendant à découvert des ETF ou directement des actions qu'il ne possède pas. Cela augmente la diversification et réduit le risque marché au maximum. Aujourd'hui, le seul moyen de se protéger contre une baisse du marché est de vendre son portefeuille», commente notre analyste. En revanche, on peut craindre une anticipation de baisse généralisée par l'ensemble des opérateurs suite au lancement de la vente à découvert. Cela aura des retombées négatives sur la place casablancaise. Un accompagnement des investisseurs particuliers est nécessaire dans ce sens pour préparer le grand public à cette nouvelle pratique. Néanmoins, si ce projet voit le jour, le Maroc va nager à contre courant des tendances mondiales. Les places boursières mondiales remettent en cause ce type de mécanisme et leurs méfaits, surtout en période de crise. L'ESMA (European securities and market authorities) a recommandé aux Etats européens d'interdire d'une manière définitive les ventes à découvert, souvent accusées d'amplifier les mouvements baissiers. Quoi qu'il en soit, le Maroc semble engagé dans le chemin des réformes. «Le CDVM devra jouer son rôle de régulateur en cas d'excès. La place casablancaise a l'ambition de devenir une plateforme financière internationale, le projet Casa Finance City en est un exemple. Attirer de nouveaux investisseurs et réveiller le goût du risque des investisseurs locaux passeront certainement par des réformes au niveau boursier. Toutes les grandes places mondiales doivent répondre à un standard de qualité et de coûts d'exécution des ordres», conclut notre source. ■