Sa plus grande obsession : faire du Maroc une référence pour les autres pays de la région. En douze ans à la tête de Maroclear, elle a en tout cas élevé le dépositaire central au rang de modèle à suivre en Afrique. Financière dans l'âme, elle n'en reste pas moins un membre actif de la société civile.
Du Lycée Lyautey de Casablanca à Maroclear, dépositaire central des titres au Maroc depuis 1997, que de chemin parcouru ! Il serait presque fastidieux d'égrener le long CV de Fathia Bennis, qui trimbale dans son sac un DES en sciences politiques, un doctorat en relations économiques internationales, mais surtout une riche carrière professionnelle. Que nous résumons en une phrase : elle a fait l'essentiel de sa carrière dans le milieu financier, en ayant laissé son empreinte dans les institutions majeures de ce pays, comme notamment Bank Al-Maghrib, la Bourse de Casablanca ou encore le dépositaire central Maroclear. Bref, hormis deux années consacrées à l'administration d'une société de bureautique (1981-1983), Fathia Bennis, c'est en tout 28 ans passés dans les coulisses du marché financier, entrecoupés d'un passage remarqué à la tête de l'Office national marocain du tourisme (2000 à 2005). En s'autorisant cette petite «digression» dans son parcours, elle ne s'imaginait certainement pas qu'elle allait laisser au monde du tourisme un héritage bien imprégné dans la mémoire collective. Son fameux slogan «Le Maroc, le plus beau pays au monde», qui a suscité en son temps beaucoup de commentaires ironiques, a survécu à l'usure du temps. Il a fait mouche et on en parle encore, plus d'une décennie plus tard. Avec le recul, c'est sans aucun doute l'un des meilleurs slogans que l'ONMT ait trouvé depuis sa création. Car la signature qui a le plus d'impact est celle qui marque les esprits. Pendant longtemps.
Maroclear, 12 ans plus tard
Cela fait aujourd'hui 12 ans que Fathia Bennis préside aux destinées de Maroclear, occupant successivement les postes de DG (mai 2005-juillet 2007), puis de PDG (depuis juillet 2007). Elle est donc la principale architecte des mutations profondes qu'a connues le dépositaire central dans sa mission de conservation des titres et de dénouement de toutes les transactions boursières. Dans ce cadre, Maroclear est donc dans une logique permanente de renforcement de ses outils de gestion et de sa plateforme de règlement, pour non seulement répondre aux demandes de traitement de volumes de plus en plus importants, mais également améliorer les nivaux de fiabilité et de sécurité des transactions. C'était le cas notamment il y a une dizaine d'années, lorsqu'il a fallu s'adapter à la mise en place du Système des règlements bruts du Maroc (SRBM) par Bank Al-Maghrib, qui a considérablement réduit les risques systémiques (risques de liquidité, de crédit et opérationnel). Le dépositaire a, ainsi, instauré de nouveaux modes de communication exigés par le SRBM, et a travaillé avec la Banque centrale pour ajuster certaines règles de gestion régissant leurs relations avec les affiliés, notamment en ce qui concerne les modalités de constitution des réserves espèces (PONA) dédiées au dénouement des transactions titres et la mise en place de procédures relatives à la constitution de facultés d'avance auprès de Bank Al-Maghrib. Mais Maroclear est surtout dans une stratégie d'anticipation, et la mise en place du SRBM lui a permis de donner un sérieux coup d'accélérateur à son processus de modernisation. Et c'est véritablement durant septembre 2010 que le dépositaire central a fait un saut qualitatif majeur, avec notamment le déploiement d'une nouvelle plateforme technique de dernière génération. Un chantier qui a mobilisé Fathia Bennis et ses équipes pendant deux ans, pour aboutir à une avancée importante : les transactions réalisées sur le marché de gré à gré, notamment celles portant sur les bons du Trésor, se dénouent en temps réel, simultanément en titres et en espèces, Maroclear étant directement relié au SRBM géré par Bank Al-Maghrib. «Le renouvellement de l'outil de production de Maroclear a été mis à profit pour apporter un certain nombre d'aménagements aux procédures post-marché en vigueur sur la place financière de Casablanca, avec pour objectif essentiellement de renforcer la sécurité et l'intégrité de notre marché et, par conséquent, en améliorer l'attractivité pour les investisseurs nationaux et internationaux», affirmait-on, non sans fierté à l'époque, chez Maroclear.
Des services de «classe mondiale»
Offrir des services de «classe mondiale», c'est l'objectif que s'est fixé Fathia Bennis pour accompagner notamment l'ambition des autorités de faire de Casablanca un hub financier régional. C'est sous cet angle qu'il faut apprécier le partenariat signé en 2015 avec le Groupe London Stock Exchange, Maroclear ayant choisi la solution UnaVista pour sa nouvelle plateforme Référentiel central de données. Ce projet vise la mise en œuvre d'une infrastructure de collecte d'informations de classe mondiale pour soutenir l'émergence de Casablanca en tant que centre financier pour l'Afrique, explique Maroclear, devenu le premier dépositaire africain à offrir des services de Trade Repository. C'est donc logiquement que l'expertise de Maroclear est sollicitée en Afrique où, il a eu, entre autres, à fournir une assistance technique et opérationnelle au Gabon où un dépositaire central à été installé avec succès, couvrant l'ensemble des six pays composant la Communauté économique et monétaire de l'Afrique centrale (Gabon, Congo, Cameroun, Tchad, Guinée Equatoriale). En Afrique de l'Ouest, Maroclear avait été aussi approché pour l'organisation de stages de formation et de perfectionnement au profit des cadres du dépositaire central, consolidant ainsi le partenariat sud-sud. Et ce, à un moment où l'Afrique devient de plus en plus la cible des investisseurs. «Face à ce défi de coopération et à la nécessité de sceller des partenariats stratégiques, les dépositaires centraux africains se doivent, en tant qu'institutions systémiques sur leurs marchés financiers, d'assurer ces interconnexions pour faire de l'Afrique un continent de poids sur la scène financière internationale», estime, à juste titre, Fathia Bennis. En cela, les mutations profondes subies par Maroclear pour être en phase avec l'évolution de son environnement s'expliquent aisément. Et le changement de son identité visuelle, la multiplication des outils et services mis à la disposition des intervenants du marché et la dématérialisation des titres pour les sociétés non cotées s'inscrivent dans cette veine. Tout comme la veille technologique permanente. «Le défi d'un dépositaire central, au-delà des enjeux stratégiques de développement, c'est sa capacité à être continuellement aligné sur les meilleurs standards», nous confiait Fathia Bennis dans un entretien. Et ce, surtout dans un contexte où les dépositaires centraux doivent faire face à nombre de défis liés à la sécurité, à l'arrivée de la blockchain, au risk management… Raison pour laquelle, dans le cadre de son plan triennal bouclé fin 2016, Fathia Bennis a positionné Maroclear dans une dynamique de changement, à travers le renforcement de sa gouvernance, la mise en place d'une communication transparente et pédagogique, la redéfinition de l'organisation RH et la mise en conformité avec les meilleurs standards pour répondre efficacement aux sollicitations de la place financière et à ses ambitions. Non sans perdre de vue la nécessité d'épouser les récentes évolutions du marché financier, matérialisées par l'émergence de la finance participative et de la finance verte. «L'affiliation des banques participatives à Maroclear ne pose aucun problème et les questions de séparation de leurs activités avec les activités de dépositaire existantes sont parfaitement maîtrisées. Maroclear dispose des fonctionnalités qui lui permettent d'accompagner favorablement le développement du marché de la finance participative», rassure-t-elle. Tout autant, le dépositaire central revendique un engagement sociétal et environnemental soutenu et très engagé en faveur de l'environnement, comme en témoigne la dématérialisation des titres et l'obtention du label RSE de la CGEM. Fathia Bennis étant convaincue que «les crises qui frappent le monde ne sont pas simplement économiques et financières, elles sont aussi écologiques». Aujourd'hui, 20 ans après quel regard porter sur le dépositaire central ? «Maroclear est devenu, en l'espace de quelques années, un acteur essentiel de la sphère financière nationale. En effet, sa contribution au renforcement de la sécurité, de la transparence et de l'efficacité du marché financier est incontestable», affirme Fathia Bennis. Elle est en effet bien loin cette époque où les ordres de virement de titres étaient reçus sur des imprimés «papier», saisis manuellement par les collaborateurs de Maroclear, qui éditaient les relevés en fin de journée avant que les coursiers de chaque banque ou société de Bourse ne les récupèrent dans leurs casiers respectifs. ■
Le travail fait le bonheur Si vous fouillez dans le sac de Fathia Bennis, vous n'y verrez pas que les «bricoles» habituelles des femmes. Bien au contraire, dans son escarcelle, vous tomberez nez à nez avec une devise bien à elle : «Travailler sérieusement, sans se prendre au sérieux». Car cette mère de deux garçons, qui a connu les liens du mariage très tôt, alors qu'elle était encore à la Fac, croit foncièrement au travail de la femme. Et pour elle, ce n'est pas qu'un slogan, au regard notamment de ses nombreuses autres casquettes : membre du Conseil national de la CGEM; membre fondateur de l'AFEM; trésorière de l'Association marocaine d'études des relations internationales; secrétaire général adjoint de la Fédération royale marocaine de Golf; trésorière de l'Association de l'aide aux urgences de Rabat; présidente et co-fondatrice de l'Association Women's Tribune; membre du Conseil d'administration du think tank CDS (Conseil du développement et de la solidarité); vice-présidente du Collectif démocratie et modernité; présidente de ALM Ecology Trophy; membre de l'AMEDA (African & Middle East Depositories Association) et membre de l'UBA (Union des Bourses arabes). Son bonheur, celle qui arbore modestement le titre de Chevalier de l'Ordre national du mérite de la république française, le trouve aux côtés de sa famille, dans son travail, mais également à travers ses actions citoyennes. Comme lorsqu'elle s'engage aux côtés de l'Association 2007 Daba pour lutter contre la désertion des urnes et le désintéressement des jeunes et femmes de la chose publique. Ou encore, en 2016, lorsqu'elle organise pour l'ensemble de ses collaborateurs une séance de sensibilisation à la lutte contre le cancer du sein afin de favoriser notamment une prise de conscience de l'importance du dépistage précoce. Mais, l'un de ses plus importants combats reste, sans aucun doute, celui qu'il mène pour l'égalité entre l'homme et la femme, telle que consacrée par la Constitution. Sauf qu'il est vachement plus facile de moderniser Maroclear que de vaincre les esprits rigides. ■