Avant de conclure son contrat, l'acquéreur doit vraiment s'entourer de beaucoup de précaution. L'acquisition d'une entreprise peut sembler plus aisée et moins risquée que la création ex nihilo d'une activité. Mais il faut bien s'entourer de certaines précautions, comme nous l'explique El Houssaine Houssifi, expert-comptable. En effet, le recours à des professionnels est indispensable pour bien mener une opération aussi complexe.
L'idée de reprendre une entreprise, surtout si elle a pignon sur rue, peut sembler séduisante et moins risquée que la création ex nihilo d'une société. Toujours est-il que cette opération présente un certain nombre de risques à ne pas perdre de vue, si l'on ne veut pas compromettre son investissement. La première étape de la réflexion est très importante avant de passer à la phase opérationnelle. «L'acquisition d'une entreprise constitue une opération de croissance externe. La décision d'acquisition est la résultante d'un processus, qui doit résoudre les énigmes d'une équation à plusieurs variables et avec des coefficients de pondération multiples. Elle présente aussi bien des opportunités que des menaces. L'acquisition doit être précédée par une maîtrise de l'environnement de l'entité objet d'acquisition», explique d'emblée El HoussaineHoussifi, expert-comptable DPLE. La phase de préparation nécessite la connais- sance des aspects économiques, juridiques, financiers et stratégiques, qui s'avère capitale avant d'entreprendre toute action de croissance externe, note notre expert. Et d'ajouter «Ces précautions visent l'identification des opportunités pour en faire un tremplin pour la réussite et le dégagement des menaces pour les parer. Ainsi, le recours à des professionnels est indispensable pour mener une opération d'une telle envergure». En effet, la reprise d'une entreprise dans tous ses volets (financiers, fiscaux, juridiques et techniques) nécessite de s'entourer de spécialistes pour appréhender tous les risques inhérents à cette transaction complexe, où le repreneur doit se comporter en risk manager. «Il faut avouer que cette opération est entourée de moult risques, dont ceux associés aux aspects financiers», relève El Houssaine Houssifi. Pour s'y prémunir, il est recommandé opérer un audit d'acquisition, explique l'expert-comptable, qui souligne que cette mission, marquée par la réalisation d'un pré-diagnostic et d'une analyse des risques, est couronnée par une évaluation comptable et financière. Bien évidemment, comme dans toute transaction, il est important de savoir ce qu'on achète et à quel prix. Les différentes étapes citées dans cet article, en plus de prémunir l'acquéreur, le rapproche le plus de la valeur réelle de l'entreprise. Bien évidemment, le cédant peut avancer son prix mais il faut savoir qu'en 2016, seules 30% des entre- prises interrogées dans le cadre du baromètre de la transmission des entreprises au Maroc, réalisé par BDO déclarent avoir une idée de la valeur de leur société (40% en 2011). C'est dire que l'acquéreur doit s'atteler lui-même à cette tâche en s'entourant de bons conseillers. L'indispensable audit d'acquisition La méconnaissance de cette étape d'audit d'acquisition peut se traduire négativement pour l'acheteur. «En effet, l'acquisition d'une entreprise se traduit par le transport de droits et obligations à la charge de l'acquéreur. Droits et obligations dont il n'est pas l'acteur. Il est dans son droit de les connaître pour mesurer leur ampleur et pouvoir prononcer son consentement de manière non viciée», poursuit El Houssaine Houssifi. Pour un non-initié autant dire que c'est avancer sur un champ de mines ! Pis, on ne peut limiter la prise de connaissance des aspects financiers de l'entreprise à la simple lecture des états financiers. «Certes, ceux-ci doivent refléter l'image fidèle du patrimoine et de la situation financière de l'entité ciblée, mais la réalité est tout autre. Plusieurs passifs réels peuvent ne pas être pris en ligne de compte, maints passifs latents sont ignorés et beaucoup d'engagements hors bilan sont occultés», prévient l'expert-comptable. D'où l'intérêt de dérouler les diligences nécessaires à la maîtrise de ces risques pour les quanti- fier et évaluer leur impact sur la décision d'acquisition et s'entourer d'actes juridiques escomptant la protection des intérêts de l'acheteur, alerte E. Houssifi. En effet, la décision d'acquisition est sanctionnée par le signataire d'un protocole d'accord ou d'un contrat. Si selon la baromètre de la transmission de BDO, 80 % des dirigeants se déclarent satisfaits de leur niveau de connaissance de l'entreprise rachetée et la moitié semble maîtriser le secteur d'activité de l'entreprise acquise; la complexité de l'acquisition est plus importante lorsque l'acquéreur est étranger, puisqu'en plus des risques inhérents à l'acquisition, il doit se familiariser avec une législation différente, une culture managériale différente, identifier les textes de lois et règlements qui peuvent impacter le projet, s'assurer de la clause du droit applicable, de la clause de la langue de contrat, de la clause d'arbitrage, etc. Autant d'éléments auxquels il faut tenir compte et bien les étudier. Car une fois le contrat signé, aucune machine arrière n'est possible. Toujours est-il qu'«Il n'est pas inutile de rappeler que la validité d'un contrat est condition- née par l'émission d'un consentement non vicié. En effet, celui-ci est nul lorsqu'il résulte d'actes dolosifs visant à cacher des réalités à l'acheteur pour l'amener à signer le contrat», rappelle El Houssaine Houssifi. Il faut garder à l'esprit que le contrat est la loi des parties et que nul n'est censé ignorer la loi. Car, prévenir vaut mieux que guérir, prévient-il. Entre les risques liés aux passifs latents et l'absence de textes de loi spécifiques à ce genre d'opération, sans oublier tous les autres tracas, la reprise d'une entreprise présente un fort potentiel de croissance aussi bien pour la société que son environnement en plus de la création d'emplois. Pourvu qu'il y ait un accompagnement spécialisé et de qualité pour garantir les intérêts de toutes les parties.