■ Avec un budget qui dépasse 4,5 % du PIB, le système de compensation doit être revu d'urgence. ■ Le système de restitution doit toucher d'autres niches malgré la résistance de certains lobbys. ■ Le ciblage direct doit passer du stade de l'expérimentation à la généralisation aux familles démunies. Qui se rappelle de Nizar Baraka, ministre délégué auprès du Premier ministre, chargé des Affaires économiques et générales, entre octobre 2007, date de sa nomination au ministère, et aujourd'hui ? À l'époque, il avait des cheveux poivre et sel, aujourd'hui ils sont quasiment blancs ! Et c'est probablement en grande partie grâce au casse-tête qu'est le système de compensation. Nizar Baraka en pleine spirale inflationniste conjoncturelle. La réforme, ou plutôt la décision de s'atteler sérieusement à cette réforme enclenchée depuis … plus de quarante ans, a coïncidé avec une crise économique mondiale sans précédent. S'en est suivi un printemps arabe qui a mis toute la région a mal. Et le déficit de la Caisse s'est aggravé pour atteindre des abysses en 2011. En effet, si le montant global budgétisé en 2011 pour la Caisse de compensation était de 17 milliards de DH, il a été porté à 32 milliards de DH en février après la hausse des prix des produits alimentaires sur les marchés internationaux. Le contexte des bouleversements politiques en Tunisie et en Egypte et les émeutes en Algérie, a également joué dans cette hausse du budget de la compensation qui se situe actuellement autour de 45 milliards de DH (27,7 MMDH en 2010). Soit quelque 5,5% du PIB à fin 2011, alors que le gouvernement s'était engagé à maintenir le budget de la compensation à 2 % seulement. Et ce malgré le fait que depuis 2008 plusieurs actions ont été menées dont la plus importante est celle de la mise en place d'un système de restitution de la subvention. Les mesures entreprises dans ce processus de restitution ont permis, en solde net pour l'Etat, de plafonner les dépenses de la compensation autour de 2% du PIB. Donc, quelque 20 milliards sont collectés pour ramener l'enveloppe allouée à la Caisse à 20/25 milliards de DH. Pour l'exportation du sucre, produit subventionné, le système de restitution prévoit que l'entreprise, ou la personne du secteur qui exporte, restitue les 5 DH de subvention par kg de sucre à la Caisse de compensation. Ces mesures ont un double objectif : d'un côté, la garantie de l'apprivoisement du pays, notamment dans un contexte de rareté de cette denrée sur le marché mondial. Et de l'autre, pour que la compensation bénéficie essentiellement au consommateur marocain ! L'exportation du sucre étant de l'ordre de 6.000 tonnes, elle équivalait à environ 30 millions de DH de fuite de compensation avant l'instauration de ces mesures. Le prochain gouvernement est appelé à aller vers plus de niches, notamment la fixation de nouvelles tranches d'électricité pour les gros consommateurs afin de restituer une partie d'une subvention donnée à l'ONE, par exemple. Toujours est-il qu'il va falloir faire face à des lobbys industriels qui sortent la carte de la concurrence extérieure féroce. Dernièrement, au niveau des autorités concernées il a été constaté une fuite des engrais puisqu'ils sont subventionnés par l'Etat dans le cadre du Fonds du développement agricole. Du moment que le coût a augmenté sur les cours mondiaux, les engrais ont suivi le même schéma qu'avec le sucre. On peut citer d'autres produits bénéficiaires de la compensation, notamment les fuels, l'essence, le gaz butane, le gasoil… Le cas du gaz butane représente une réelle problématique dans la mesure où la subvention est destinée à l'usage domestique, mais dans la réalité, le prix bas de cette matière grâce à la subvention, a fait que même les industriels et les agriculteurs y font appel. Le prochain gouvernement doit réfléchir à la manière de trouver une issue à cette situation. Sans bien évidemment toucher à la classe moyenne ou la rendre vulnérable. Un dilemme ! Le ciblage, arche de Noé ? La vraie réforme n'est pas la restitution, mais le ciblage. A l'instar du modèle brésilien, le Maroc a expérimenté depuis 2008 l'octroi d'une aide ciblée et conditionnée bien évidemment à travers deux programmes : d'abord, Tayssir, lancé il y a deux ans (où la condition de l'aide est la production du certificat de scolarité de l'enfant) et qui profite à 600.000 élèves, dont 60% issus du milieu rural. Il y a ensuite un deuxième programme qui est prêt (Riya) avec deux conditions : que les femmes n'accouchent pas à la maison et que l'enfant ait un carnet de vaccination jusqu'à 5 ou 6 ans. Cela permettra d'améliorer les indicateurs sociaux du Maroc… En général, l'aide varie entre 100 et 200 DH par enfant et par mois. Avec un objectif visé par Tayssir et Riya de trois millions d'enfants, soit une enveloppe globale d'environ trois milliards de DH par an. Après ces phases d'expérimentation, il est important de généraliser ces programmes et penser à d'autres moyens d'aides directes aux plus démunis… Aujourd'hui, le système de compensation devient un vrai gouffre budgétaire et sa réforme est primordiale pour ne pas mettre plus à mal les équilibres macro-économiques du pays. Et ce ne sera certainement pas une sinécure pour le prochain gouvernement ! ■