■ Dans un contexte où les transactions sont réalisées moyennant un paiement différé, les délais de paiement constituent un enjeu majeur. ■ Avec l'adoption de la loi 32-10, un chapitre intitulé «délais de paiement» voit le jour. Mais son application reste conditionnée par les décrets y afférents qui ne sont pas encore publiés. ■ Me Naoui Saïd, avocat au Barreau de Casablanca et doctorant en droit, nous éclaire sur les enjeux de cette loi dans un contexte marqué par un problème de trésorerie, principale résultante de la «crise financière» chez bon nombre d'entreprises. ✔ Finances News Hebdo : La loi sur les délais de paiement limités à 60 jours maximum à compter de la date de réception de marchandises ou d'exécution de la prestation, est entrée en vigueur. En tant que juriste, quelles sont d'après-vous les modalités pratiques de son application ? Est-ce qu'elle prendra la forme de clause ou bien sera-t-elle mentionnée dans la facture ? Sera-t-elle appliquée ipso-facto ? ✔ Saïd Naoui : Certes, le législateur marocain a publié dans le Bulletin officiel la loi n2 32-10 complétant la loi n2 15-95 formant code de commerce. Mais, il n'a pas encore publié les décrets d'application de ladite loi. Cette dernière vise à réduire et à fixer les délais de paiement. Ainsi, le délai de paiement est fixé au soixantième jour à compter de la date de réception de la marchandise ou d'exécution de la prestation demandée, et ce si le délai n'est pas convenu entre les parties. Elles peuvent conclure d'un autre délai relativement plus long à condition qu'il ne dépasse pas quatre-vingt dix jours. Il est également précisé que ce délai commence à courir à compter de la réception de la marchandise ou de l'exécution de la prestation demandée. Les professionnels, clients et fournisseurs, peuvent décider conjointement de réduire le délai maximum de paiement fixé par cette loi. Ils peuvent également proposer de retenir la date de réception de la marchandise ou d'exécution de la prestation de services demandée comme point de départ de ce délai. Ces délais doivent figurer sur la facture délivrée par le vendeur et doivent préciser les conditions d'escompte applicables en cas de paiement à une date antérieure à celle résultant de l'application des conditions générales de vente. ✔ F. N. H. : En cas de défaillance d'un client, comment l'entreprise cliente peut faire valoir son droit? ✔ S. N. : Si le délai n'est pas respecté, l'entreprise peut recourir au tribunal pour se faire payer par le biais d'une décision judicaire avec des intérêts conséquents. Le taux des pénalités de retard sera bientôt fixé par voie réglementaire. Le taux d'intérêt prévu est de 13,5 %. Cette action se prescrit par un an à compter du jour de paiement. ✔ F.N. H. : En matière de droit comparé, quelle appréciation faites-vous de cette loi relative aux délais de paiement par rapport à celle d'autres pays, la France par exemple ? ✔ S. N. : Le Maroc a rattrapé son retard, puisque la majorité des partenaires européens du pays s'est déjà dotée de loi sur les délais de paiement y compris la France qui dispose d'un délai de paiement de 30 jours au lieu de 60 jours. Ainsi, sauf disposition contraire figurant aux conditions de vente ou convenues entre les parties, le délai de règlement des sommes dues est fixé au trentième jour suivant la date de réception des marchandises ou d'exécution de la prestation demandée. Personnellement, je pense que le législateur marocain sera appelé à réduire le délai de 60 jours pour être en conformité avec ce qui se pratique en France ou chez d'autres pays partenaires. Cette réduction ne manquera pas de se traduire par une plus grande efficacité pour les entreprises. Toujours est-il qu'il faut prendre le temps de voir comment cette loi, dans sa mouture actuelle, se traduira dans la réalité. ✔ F. N. H. : Jusqu'à quel degré cette loi peut-elle contribuer à l'amélioration du climat des affaires au Maroc ? ✔ S. N. : L'objectif de cette loi est initialement de réduire fortement les délais de paiement clients dans le but de limiter la défaillance de certaines entreprises et pour éviter les situations de cessation de paiement. Dans le sens d'une pratique juste, assurément cette loi va moderniser notre économie et aussi participer positivement à son amélioration. Les conséquences de cette réforme seront très importantes dans la mesure où l'Etat donne l'exemple pour tous les acteurs économiques. Les entreprises auront maintenant les moyens juridiques pour réclamer leurs dus. Dans le passé, les procédures de recouvrement étaient relativement longues et lourdes. Quand le litige était porté devant le tribunal, le montant de l'indemnisation était exclusivement laissé au pouvoir d'appréciation du juge qui n'était pas bien outillé pour statuer sur des affaires qui portent sur des litiges purement économiques. Avec cette nouvelle loi, les juges disposent désormais d'un outil de travail. ■ Propos recueillis par Soubha Es-siari