Les banques devraient mettre en place un dispositif concret en vue de limiter leurs besoins croissants en liquidité. Bank Al-Maghrib œuvre tant bien que mal à atténuer l'assèchement des liquidités bancaires. Ce n'est un secret pour personne. Le problème des liquidités est bel et bien présent et son impact sur le financement de l'économie est réellement palpable. D'ailleurs, la question fondamentale de la disponibilité du financement est une préoccupation majeure des pays en développement, notamment pour le Maroc. Faisant face à une volatilité avérée des dépôts, conjuguée à un resserrement de la liquidité, les banques marocaines se doivent de satisfaire le financement d'importants besoins structurels. L'accroissement du besoin de consommation des ménages, les besoins du pays en infrastructures et en logements sociaux et ceux des entreprises marocaines dans leur conquête de l'international, sont autant de prérogatives auxquelles les banques marocaines doivent faire face. Car, si les banques sont évidemment des entreprises qui se doivent d'être rentables, on oublie trop souvent que leur activité contribue à l'intérêt général: elles collectent les dépôts, financent l'économie et permettent les échanges en émettant et gérant des moyens de paiement. L'assèchement des liquidités bancaires est devenu un constat auquel non seulement les banques sont confrontées, mais l'économie nationale en général. Le pays s'est engagé durant la dernière décennie dans un mouvement de forts investissements et de projets de mise à niveau tels que le Plan Vert, le Pacte National pour l'Emergence Industrielle, la Vision 2020…qui coûteraient à l'Etat un budget non négligeable, chiffré à plusieurs milliards de DH, et surtout difficilement mobilisable. En plus de cela, la politique volontariste étatique voulant préserver le pouvoir d'achat des citoyens et stabiliser la croissance et le taux d'inflation, s'est traduite nécessairement par des besoins de financement de plus en plus croissants. Les banques financent toujours l'économie Au niveau des banques, la distribution des crédits prend le dessus sur la collecte des dépôts. Preuve en est la décadence de l'évolution de l'ensemble de l'épargne du système bancaire par rapport aux crédits octroyés. En effet, le tassement des dépôts de la clientèle s'est fait aux dépens de la poursuite de la dynamique de financement de l'économie. Concernant les créances sur l'économie, ces dernières ont enregistré une augmentation de 7% sur les six premiers mois contre 11,6% une année auparavant, avec notamment un ralentissement du rythme de progression des crédits bancaires revenant de 10,3% à 7,6%. Cette évolution s'explique par la baisse de 7,3% des créances diverses sur la clientèle (contre une hausse de 12,7% en août 2010) et par la décélération du rythme de croissance des crédits à l'équipement et de ceux à la consommation, revenant respectivement de 19,2% et de 13,7% à 5,8% et à 6,1%. En revanche, les crédits de trésorerie ont marqué une accélération, passant de 3,1% à 17,2%, tandis que les prêts immobiliers ont progressé de 10,4% contre 9,3% une année auparavant. La ventilation des crédits bancaires par secteur institutionnel fait ressortir une hausse de 9,7% des prêts accordés au secteur privé, attribuable à la progression des crédits alloués aux sociétés non financières de 14,6% et de 7,7% pour ceux octroyés aux particuliers et MRE. Pour leur part, les crédits au secteur public ont augmenté de 21%, alors que ceux octroyés aux autres sociétés financières ont reculé de 8,1%. La situation ne s'arrête pas là. En plus d'être insuffisante, l'épargne nationale souffre d'une difficulté de transformation en investissements productifs qui vont de pair avec le développement du pays. Et pour cause, la nature des placements. L'épargne collectée est généralement de court terme ou qualifiée de «petite épargne» et ne peut en aucun cas servir de source de financement pour des investissements de long terme. Du coup, le système se retrouve avec des placements à court terme qui ne sont pas valorisés. «70% de l'épargne marocaine sont, en effet, constitués de placements liquides à court terme», précise Brahim Benjelloun Touimi, Administrateur Directeur Général de BMCE Bank. Des taux d'intérêt quasiment stables Cette situation se traduit aussi par un léger changement au niveau des taux, En effet, concernant les taux créditeurs, le taux moyen pondéré des dépôts à 6 et 12 mois est passé au même niveau observé au premier trimestre, s'établissant à 3,60%, soit une hausse de 5 points de base entre le deuxième trimestre et juillet 2011. Cette évolution reflète l'augmentation aussi bien des taux sur les dépôts à 6 que ceux à 12 mois. S'agissant des conditions débitrices, les résultats de l'enquête de Bank Al-Maghrib auprès des banques pour le deuxième trimestre 2011, montrent une progression de 7 points de base du taux moyen pondéré du crédit bancaire, s'établissant ainsi à 6,19%. Cette évolution reflète principalement le redressement des taux appliqués aux prêts immobiliers et aux facilités de trésorerie. En revanche, les taux assortissant les crédits à la consommation ont de nouveau accusé une baisse, et ceux des crédits à l'équipement ont fléchi, après deux trimestres de hausses successives. Le secteur bancaire s'en sortira-t-il ? Les insuffisances des trésoreries bancaires sont estimées en moyenne au mois de septembre à 35,7 Mds de DH contre 28,3 Mds de DH un mois auparavant, soit un creusement de plus de 7 Mds de DH, et cela en dépit de la décision du conseil de la Banque centrale d'exclure les comptes sur carnets de calcul de la réserve monétaire. A la dernière semaine des adjudications effectuées par Bank Al-Maghrib, celle-ci a servi un montant de 28 Mds de DH pour une demande évaluée à 33,7 Mds de DH au taux directeur de 3,25%. C'est incontestable, le déficit en terme de liquidité est toujours présent au niveau du secteur bancaire. Ce dernier a été accompagné ipso facto d'une augmentation des provisions pour risques de la part des banques, accompagnant la hausse des crédits octroyés. Le renforcement de la bancarisation et de l'épargne est le fer de lance de nos banquiers. La crise de liquidité a mis en évidence l'urgence de favoriser les placements à long terme d'une part, et de mettre en œuvre les moyens adéquats en vue d'une meilleure collecte, d'autre part. Les produits islamiques, dits alternatifs, lancés il y a quelques années ne connaissent pas l'engouement escompté. Malgré la spécialisation dans ce domaine des institutions bancaires de la place, un manque d'intérêt permanent caractérise ce type de services bancaires conformes à la religion. Le refus d'accès à ces produits à travers des agences bancaires et la cherté de ces derniers sont les raisons principales derrière l'indifférence de la clientèle potentielle. Par ailleurs, la grande majorité des banques de la place s'est lancée dans la commercialisation des produits d'épargne longue, offrant moult privilèges accordés par la Loi de Finances 2011, à l'exemple des plans d'épargne actions, éducation et logement. Une lueur de redressement de situation ou un leurre ? Ces produits ne fonctionnent pas parfaitement bien, comme les professionnels du marché s'y attendaient. Ils connaissent de ce fait un succès limité en raison de l'étroitesse de l'offre. «Des aménagements sont à introduire au niveau de ces produits au début de l'année prochaine», telle a été la déclaration de Laïdi El Wardi, Directeur en charge de la banque de détail et des Marocains du monde de la Banque Centrale Populaire, lors de la présentation des résultats semestriels de l'année 2011. Pour Brahim Benjelloun Touimi, «les différentes mesures relatives aux comptes à zéro dépôt, le relèvement du plafond des comptes d'épargne et l'institution des différentes formules de plans d'épargne, ainsi que la promotion collective des transferts des Marocains résidant à l'étranger, représentent des réponses structurelles à la problématique évoquée». BAM, des alternatives pour sortir de la crise L'instance de régulation de la politique monétaire intervient dans le secteur bancaire pour redresser les besoins en liquidités des banques à travers les avances hebdomadaires à 7 jours. Ces dernières sont jugées comme étant l'instrument par excellence pour apporter au système bancaire les ressources nécessaires afin d'assurer l'équilibre du marché. Abdellatif Jouahri a annoncé à lissue du dernier conseil du BAM le maintien du taux directeur à 3,25%. En conséquence, le taux moyen pondéré (TMP) interbancaire s'est établi au cours du troisième trimestre de l'année 2011 à 3,28% en moyenne, soit le même niveau que le trimestre précédent. Le conseil a également maintenu le taux de la réserve obligatoire à son plus bas historique de 6% après plusieurs baisses de 15 à 12% en premier lieu, puis à 8% pour se stabiliser à 6%. Cette nouvelle va à l'encontre des attentes globales des banques qui espéraient un abaissement supplémentaire de ce taux. La titrisation des créances bancaires peut également être un moyen favorable pour atténuer le manque de liquidité du système bancaire, devenu structurel. Cette technique permet aux banques d'alléger leur bilan à travers la cession de leurs créances à d'autres organismes et d'accorder alors plus de crédits. Cependant, cet instrument nécessite un dispositif de gestion du crédit rigoureux et conforme aux normes internationales en matière d'exigences réglementaires. La grande nouveauté réside dans la mise en place, pour la première fois, des opérations de pension sur 3 mois, à côté de celle de 24h, 5 et 7 jours. Cette disposition constituera une réelle bouffée d'oxygène sur le marché monétaire. Cette mesure donnera davantage de visibilité sur les besoins réels des banques. Lors de la présentation des résultats semestriels de BMCE Bank, Brahim Benjelloun Touimi a déclaré à cet effet qu'«on ne peut que féliciter la décision de BAM de lancer les avances sur trois mois. Cela ne fera qu'aider au bon fonctionnement du marché interbancaire. Les tensions sur les liquidités vont être accommodées et cela offrira davantage de visibilité aux opérateurs». Il est à noter que ces nouveaux appels d'offres se satisferont au taux directeur de 3,25% au même titre que les autres avances, actualisé néanmoins tous les trois mois. La sortie de la crise de liquidité est un processus de longue haleine qui nécessite la mise en place d'un certain nombre de mesures relatives à la manière d'attirer les capitaux étrangers et de pousser les épargnants nationaux à investir dans l'épargne longue. Plusieurs démarches ont été entreprises tant par Bank Al-Maghrib que par le gouvernement afin d'atténuer le niveau du déficit des liquidités bancaires. Mais, visiblement ceka semnle insuffisant. Dossier réalisé par I. Ben, W. M,& D. W.