Le secteur participe avec près de 52% à la Formation Brute de Capital Fixe globale et à 7% au PIB de l'économie nationale. Le marché marocain du BTP est totalement ouvert. Bouchaib Benhamida, président de la Fédération Nationale du Bâtiment et des Travaux Publics (FNBTP), nous dévoile les enjeux de l'activité du BTP au Maroc. -Finances News Hebdo : Si vous deviez dressez un bilan du secteur du BTP, quel serait- il ? -Bouchaib Benhamida : Le secteur du BTP n'est pas perçu à sa juste valeur ! En effet, il participe de manière conséquente à la croissance de l'économie nationale avec près de 52% à la Formation Brute de Capital Fixe globale et à 7% au Produit Intérieur Brut et à la création d'emplois, juste après l'agriculture, mais loin devant l'industrie toutes branches confondues. De manière plus concrète, l'essentiel de nos barrages, stades, autoroutes, routes, voies ferrées, ports, aéroports, réseaux d'adduction et de distribution d'eau potable, d'assainissement, d'électricité et d'irrigation, de logements et équipements publics, est réalisé par les entreprises nationales du BTP. Plus, sur les dix dernières années, les entreprises du BTP sont parmi celles qui ont consenti le plus grand effort d'investissement en moyens de production et en ressources humaines compétentes et en renforcement des capacités financières. Pour les entreprises du BTP, nous pouvons le dire sans ambages : un progrès conséquent et spectaculaire, mais qui reste précaire. -F.N.H : Quels sont les freins que rencontre l'activité? -B.B : Le premier problème est liée à l'absence d'une stratégie globale, partagée par tous et à tous les niveaux, pour assurer le développement du secteur qui est, rappelons-le, au cœur de toutes les autres stratégies nationales. Que ce soit la Stratégie Nationale de l'Habitat Social et des Villes Nouvelles, la Stratégie Logistique, Emergence Industrielle, Eau, Environnement, Tourisme, c'est notre secteur qui va construire les villes, les parcs, les zones logistiques….. Certes, en 2004 nous avons signé un contrat-programme avec le gouvernement qui a permis des avancées certaines. Mais, l'esprit du partenariat n'est pas partagé par les responsables du terrain. La réforme de l'environnement reste très lente. Mais surtout, notre pays a connu une accélération très importante de ses programmes d'investissements sans que les entreprises et les opérateurs du BTP, publics et privés, aient été préparés à affronter les défis de cette accélération, alors que le marché marocain est totalement ouvert ! -F.N.H : Les ressources humaines étant la clé pour la réussite de tout domaine, qu'en est-il du BTP ? -B.B : Pour préparer le deuxième contrat-programme, l'Office de la Formation Professionnelle, l'OFPPT, a lancé à la demande de la FNBTP et en étroite collaboration avec ses instances, une étude pour la définition des besoins en compétences des entreprises du BTP pour la période 2009-2012. Ces besoins sont conséquents : (voir tableau ci-dessus) Pour y répondre nous avons lancé plusieurs initiatives. Avec l'OFPPT, nous avons lancé l'Ecole de Formation aux Métiers du BTP de Settat qui sera une grande école de référence. Avec le ministère de l'Eau et l'OFPPT, nous menons des opérations de création de filières de formation dans les métiers liés aux barrages. Avec les Universités de Marrakech, Casablanca et Settat, nous avons lancé des Licences Professionnelles et des Masters Professionnels en Technologie et Management du Bâtiment et des Travaux Publics pour la formation de cadres destinés aux entreprises. Pour ne citer que ces trois chantiers. -F.N.H : Côté réglementation, quel état des lieux dressez-vous pour le BTP ? -B.B : La réglementation des marchés publics et, en général celle appliquée au secteur, est très diversifiée. Pour certains aspects, comme la passation des marchés publics, la réforme se fait de manière plus rapide, relativement : un Décret en 1998, un autre plus avancé en 2007, et un autre en préparation. Mais, d'autres textes très importants, comme le Cahier des Clauses Administratives Générales de Travaux attendent depuis 2000 ! D'une manière générale, la réforme ne se fait pas de façon globale et intégrée pour tous les aspects qui concernent les entreprises et le BTP. D'autre part, nous manquons d'instruments de suivi et d'évaluation qui permettent de vérifier l'effectivité de l'application des principes de transparence, de concurrence loyale sur le terrain. Enfin, le système marocain n'admet pas encore la nécessité d'un organe de recours indépendant et diligent en matière de passation, d'exécution et de liquidation des marchés publics. Ceci dit, notre réglementation est bien avancée par rapport à des pays similaires grâce à l'implication des professionnels. Notre Fédération a joué et joue encore un rôle apprécié de force de proposition. -F.N.H : Comment expliquer les retards rencontrés sur les grands chantiers lancés et quel en est l'impact ? -B.B : Beaucoup de retards sont le fait d'entreprises étrangères qui se sont révélées défaillantes. Il faut savoir que le marché marocain du BTP est totalement ouvert. Sous l'effet conjugué de la crise financière internationale et l'accélération du rythme de lancement des grands projets d'infrastructures dans notre pays, nous avons assisté et continuons d'assister à une déferlante d'entreprises de tous les pays. Nous avons constaté que la plupart de ces entreprises, notamment chinoises, turques et portugaises, pratiquent des prix anormalement bas, déstructurant le marché et la concurrence. Beaucoup d'entre elles se sont avérées incapables de terminer leurs chantiers et ont induit des retards et des surcoûts dans les projets dont elles avaient la charge. L'impact est négatif à la fois sur les projets, la concurrence et les entreprises nationales. Dossier réalisé par L. Boumahrou et W.Mellouk