Le Centre marocain de l'innovation sera lancé dans les semaines à venir et sera doté d'une enveloppe de 50 MDH. Dans le secteur informatique, 65 % des logiciels déployés sont piratés, représentant une valeur commerciale de 675 MDH. Le piratage plonge nos artistes dans une précarité sans précédent. La ville de Casablanca a connu récemment la tenue d'un séminaire sous le thème «La propriété intellectuelle : moteur de développement économique». La journée a permis aux secteurs public et privé, et à la société civile de réfléchir ensemble, renforcer le débat et développer les plates-formes d'une coopération efficiente, pour sortir de la situation actuelle marquée par une prolifération de la contrefaçon dans tous les secteurs de notre économie. L'industrie du luxe reste l'un des secteurs les plus touchés, en plus de l'industrie du logiciel qui a enregistré une perte sèche en 2010 de l'ordre de 675 millions de DH. Malgré les efforts consentis et l'existence de la loi, 17-97, le phénomène va crescendo et touche la production culturelle, les médicaments, les pièces automobiles… Bref, le séminaire organisé dans le cadre de la Journée internationale de la propriété intellectuelle est venu à point nommé pour discuter franchement du phénomène du piratage et de la contrefaçon que plus personne ne semble pouvoir arrêter. Lors de l'ouverture de cette journée de travail intense, le ministre de l'Industrie, du Commerce et des Nouvelles Technologies a annoncé que le Centre Marocain de l'Innovation sera incessamment lancé avec une enveloppe budgétaire de 510 MDH. Maroc Innovation est une initiative lancée en 2009 pour valoriser l'innovation tout en la protégeant. L'idée est de disposer d'outils pour mener des actions sur le terrain. Et ce sera dans quelques semaines chose faite quand le nouveau centre entrera en service. Pour le ministre, le cadre réglementaire aussi va vers une évolution notable du respect de la propriété industrielle, et pour lui cela se traduit par l'augmentation du nombre de marques déposées auprès de l'OMPIC, de 3.000 à 8.000 en 2010. Il n'en demeure pas moins qu'il reste conscient que ce phénomène qu'est la contrefaçon provoque une inquiétude grandissante ! À telle enseigne qu'elle représente un manque à gagner de 20 milliards de DH par an à notre économie, comme l'indique Mohammed Horani, le président de la CGEM. Cette entité est d'autant plus concernée par ce phénomène, regroupant des entreprises et des industries, qu'elle accorde une grande place à l'innovation et à la recherche et développement dans sa Vision 2020. De même que la diffusion des technologies de l'information. Le président de la CGEM s'est dit optimiste pour l'avenir pourvu qu'il y ait un renforcement des outils de contrôle sur le terrain et une coopération et un échange d'informations entre secteurs public et privé. Un optimisme que Nabil Ayouche ne partage pas totalement. En fait, le président de l'Association marocaine pour la lutte contre le piratage, également réalisateur et manager d'une boîte de production audiovisuelle, se dit partagé entre un grand optimisme et un franc désespoir. Et pour cause : «Cela fait 20 ans qu'on nous promet de mettre en place des outils de lutte contre le piratage, et l'on attend toujours. Et aujourd'hui, notre secteur, qu'il s'agisse de production culturelle, musicale ou cinématographique, vit une situation dramatique. Et au moment où la société est en mouvement, on ne peut pas mettre la culture de côté… Nous sommes dans une société où l'informel prend le poids sur le formel, c'est le schéma actuel … Aujourd'hui, il faut mettre fin à l'informel et sortir nos artistes de la précarité», fustige-t-il. Il a d'ailleurs relevé aussi qu'un CD à 200 DH ne prend pas en considération la réalité du pouvoir d'achat du Marocain moyen. «Nous avons même proposé plusieurs stratégies à notre ministère de tutelle, de la Communication, et récemment nous avons déposé auprès du même ministère une nouvelle stratégie de lutte contre le piratage en 7 points et nous avons eu des promesses qu'une suite sera donnée à notre proposition», conclut-il. Le séminaire a été également l'occasion de connaître les chiffres récents et de découvrir l'ampleur du phénomène au Maroc. En effet, si autrefois le piratage et la contrefaçon se limitaient à l'audiovisuel, aujourd'hui cette gangrène se propage pour toucher tous les secteurs d'activité. Dans le domaine automobile, les pièces contrefaites sont estimées à près de 30 % du marché national. Soit un vrai danger public. L'industrie pharmaceutique paye également un lourd tribut face à des médicaments contrefaits, mais le plus grave est qu'ils sont en circulation libre alors qu'ils sont non homologués représentant ainsi un vrai problème de santé publique. Mais l'un des domaines les plus touchés est celui de l'informatique où le piratage enregistre des taux considérables. Ainsi, en 2010, la valeur commerciale des logiciels dépourvus de licence au Maroc a atteint près de 675 MDH, selon l'étude internationale réalisée par le Business Software Alliance. 65 % des logiciels déployés au Maroc sont piratés. «La spoliation intellectuelle est un phénomène qui ronge l'économie internationale. Au Maroc, même si l'engagement des secteurs public et privé a permis un faible recul du taux de piratage entre 2009 et 2010, de 66 à 65 %, il est indéniable que des efforts sont encore nécessaires. Nous avons un programme intégré afin de sensibiliser les utilisateurs à cette cause et les encourager, arguments technique et financier à l'appui, à l'utilisation des logiciels non piratés», souligne Imane Alaoui, porte-parole du BSA au Maroc. Et ce phénomène n'épargne plus aucun secteur même celui de l'artisanat marocain. Ce qui prouve qu'il est temps de prendre le taureau par les cornes une fois pour toutes. Signalons que cette manifestation a été également l'occasion de la signature d'une convention-cadre entre l'OMPIC et la Chambre de Commerce International et d'un partenariat entre l'OMPIC et le GAM.