La convergence du secteur des assurances vers les normes européennes devrait se faire prudemment, en tenant compte de la spécificité du marché marocain.En matière de réglementation, le Maroc va plus vite que d'autres pays africains. Les différentes secousses financières qui ont marqué l'actualité au cours de la dernière décennie ont mis en exergue l'importance de la sécurité et d'une forte réglementation à même de protéger le secteur des assurances des différents aléas financiers. En ce qui concerne le Maroc, on remarque que comparativement aux autres pays africains, il va plus vite en matière de réglementation. Selon les professionnels, le Maroc est déjà à solvency 1 et est en train de converger vers la réglementation européenne. La mise en place d'une cellule de contrôle interne se veut désormais une nécessité pour toutes les compagnies d'assurance. Ce dispositif de contrôle interne est requis par la Direction des Assurances et de la Prévoyance Sociale (DAPS) depuis août 2008. L'administration de tutelle a même mis en place un canevas et un planning au terme desquels il faut être totalement prêt en matière de contrôle interne. Les compagnies d'assurance sont, par ailleurs, tenues de publier chaque année un rapport de solvabilité qui est destiné aux autorités de contrôle. Un tel dispositif nécessite le déploiement de moyens humains et matériels, notamment informatiques très importants. «Toutes les compagnies d'assurance s'y sont attelées à travers des équipes dédiées, supportées parfois par des consultants externes et ont progressivement installé des dispositifs efficaces permettant d'identifier, d'évaluer et de maîtriser tous les risques qu'elles encourent», explique un responsable au sein de la DAPS. Interrogé sur les difficultés rencontrées par la compagnie lors de la mise en place de structures dédiées au contrôle interne, un assureur nous affirme que depuis 1992, sa compagnie a institué un département «prévention et conseil» qui collabore avec les intermédiaires d'assurance en vue d'apporter à ses clients l'expertise découlant d'une base de connaissances et d'expériences accumulées sur une large base de clients et sur une longue période. Ceci pour dire que les compagnies bien structurées ont mis la main à la pâte bien avant la circulaire. C'est ce qui explique, entre autres, pourquoi le secteur des assurances a été très peu affecté par la crise financière internationale déclenchée vers la fin de 2008. Ratio de solvabilité : pour mieux se prémunir En principe, la marge de solvabilité est mesurée par un ratio entre les engagements pondérés et les fonds propres pondérés, selon une méthode réglementaire applicable à toutes les compagnies?d'assurance. Aujourd'hui, ce dispositif est complété par le rapport de solvabilité qui est établi et qui engage, pour chaque compagnie, son Directoire et son Conseil d'administration. Ce rapport constitue une description, une analyse et une évaluation personnalisée pour chaque compagnie, de sa situation et de sa politique en matière d'engagements, de placements, de réassurance, de résultats techniques et financiers. Mieux encore, ce rapport inclut des simulations d'impact de scénarios de crise intégrant les risques suivants : taux d'intérêt, marché financier, liquidité, mortalité, cadence des règlements des sinistres… A noter qu'en dépit de son caractère contraignant, la convergence vers les normes de solvabilité donne plus de flexibilité aux compagnies d'assurance. Mais cela n'empêche pas de dire que la convergence vers les normes européennes devrait se faire prudemment en tenant compte de la spécificité du marché marocain. A titre d'exemple, les limitations mises en place en Europe, en termes de participations dans les sociétés non cotées, ne peuvent être appliquées dès aujourd'hui au Maroc. Comme l'a souligné un professionnel, «le Maroc est en chantier et les assureurs sont l'instrument de prédilection pour accompagner ce type de projets». Donc, si on fixe trop de contraintes pour les assurances, on risque de freiner la canalisation de l'épargne vers certains secteurs porteurs et créateurs de valeur ajoutée pour l'économie marocaine. L'Europe n'est pas encore dans la norme Solvency II qui entrera en vigueur en 2012. Les compagnies d'assurance estiment que ces normes sont trop contraignantes et risquent de freiner l'investissement en Bourse. Elles encouragent tout ce qui est obligatoire ou tout ce qui est sûr. Mais elles restent draconiennes en ce qui concerne les actions. Aujourd'hui, les opérateurs nationaux se disent prêts à converger vers les normes européennes, mais tout en prenant en considération les spécificités du marché marocain. Une chose est sûre : ces nouvelles règles, analogues à celle en vigueur dans les marchés des pays développées, permettraient d'avoir un secteur des assurances sain et robuste. Aussi, une meilleure évaluation et maîtrise des risques permettrait d'améliorer les approches de tarification. Soubha Es-siari • DAPS : Bientôt une agence de régulation La DAPS va devenir une autorité de supervision indépendante au même titre que le CDVM ou la Banque centrale. L'enjeu est de lui donner plus d'autorité et de force. Le ministère des Finances gardera probablement des compétences en matière d'assurance. Il y a aussi des organes de supervision en interne dans lesquels les compagnies devraient avoir des représentants. A noter que dans les textes de cette autorité de contrôle, il y aura deux comités importants et des représentants du secteur qui vont siéger à leur tour.