Saisi par Sothema pour dumping, le Conseil de la Concurrence a désigné un rapporteur qui est en train d'instruire le dossier. Le ministre du Commerce Extérieur a également chargé l'équipe de recours antidumping d'étudier l'affaire, mais la procédure est jugée longue et compliquée par Sothema. La Commission d'appel d'offres saisie pour offre anormalement basse aurait contacté le ministère de l'Economie et des Finances qui aurait statué en défaveur du plaignant. Entre temps, le marché sur les flacons d'insuline, objet du différend, a été octroyé à Novo Nordisk malgré tous les motifs d'objection avancés par Sothema. Le Conseil de la Concurrence, saisi par le laboratoire Sothema dans le cadre du différend qui l'oppose au Danois Novo Nordisk, est en phase d'instruire le dossier. En effet, le CC a été saisi plus précisément par la Chambre de Commerce de Casablanca pour donner son avis sur les accusations de dumping qui serait pratiqué par le laboratoire danois. Contactée par nos soins, une responsable au sein du CC a affirmé que suite à la saisie du CC, un rapporteur a été désigné pour instruire cette affaire selon la loi en vigueur et les prérogatives du Conseil. Bien qu'aucun élément n'ait encore filtré sur les premières conclusions de cette étude, on peut déjà avancer que ce travail sera présenté, probablement, lors des prochaines sessions du Conseil et éventuellement en session extraordinaire. L'autre partie saisie dans cette affaire est le ministère du Commerce Extérieur. En effet, selon un responsable du laboratoire Sothema, le ministre du Commerce a chargé l'équipe de recours antidumping au sein du ministère de statuer sur ce dossier. «Malheureusement et malgré toute la volonté du monde, cette procédure est très longue et compliquée puisqu'on nous demande de fournir les prix soumissionnés dans les marchés danois pour ce genre d'appel d'offres. Or, ces informations ne sont pas disponibles et du coup, on a donné l'exemple d'un marché dont les procédures sont similaires à celles du Maroc, à savoir le Brésil où le laboratoire danois a été déjà sanctionné pour dumping pour un marché d'Etat portant sur l'acquisition d'insuline», souligne ce responsable. Les autres parties saisies n'ont à ce jour donné aucun feed-back à Sothema, notamment la Commission de passation des marchés publics, ni la Primature, ni le Cabinet Royal. Rappel des faits Rappelons que l'affaire remonte à mai 2010 suite à un appel d'offres lancé par le ministère de la Santé pour l'achat de 2,5 millions de flacons d'insuline pour un montant de 52 MDH. Ce marché a été attribué au laboratoire norvégien Novo Nordisk, pour un prix de 19,18 DH le flacon, au détriment du laboratoire marocain Sothema, unique producteur national d'insuline, qui a proposé le prix de 22,48 DH l'unité. Ce résultat a motivé la décision de Sothema de saisir la Commission d'appel d'offres pour cause d'offre considérée anormalement basse, selon le décret de passation des marchés publics de 2007. Pour nous expliquer ce qui justifie des prix aussi bas, nous avons pris contact avec le laboratoire Laprophan, distributeur de Novo Nordisk au Maroc, et nous avons eu la promesse d'être contactés, par le secrétaire général, mais jusqu'à la rédaction de ces lignes, nous n'avons eu aucune nouvelle. «Je tiens à souligner que nous n'avons aucun problème avec Laprophan puisque le différend nous oppose à Novo Nordisk. En effet, dans notre saisine, nous dénonçons la politique du laboratoire danois qui opère dans les marchés publics des prix préférentiels dans 30 pays africains. Des prix qui peuvent être inférieurs de 80 % par rapport aux prix normaux. Cette agressivité est une forme de dumping qui nuit considérablement à la production locale et détruit par conséquent tout un pan de l'activité industrielle de ces pays où Novo Nordisk opère», fulmine ce responsable au sein de Sothema. Il révèle par ailleurs que dans le marché privé, les produits du Danois sont excessivement chers, 196 DH le flacon vendu, et pourtant il s'accapare 80 à 85 % du marché privé de l'insuline au Maroc. Pour revenir au prix proposé par le laboratoire danois en mai 2009, Sothema a estimé que ce prix est inférieur de 45 % par rapport au prix auquel le marché a été attribué en 2009. C'était d'ailleurs là l'un des principaux motifs avancés pour saisir la Commission de passation des marchés publics. Or, selon le décret de passation des marchés publics en vigueur, une offre est considérée anormalement basse lorsqu'elle est inférieure de plus de 25% par rapport à la moyenne arithmétique de l'estimation du maître d'ouvrage et de la moyenne des offres financières des autres soumissionnaires dans le cadre du même appel d'offres, et non pas par rapport à une offre proposée une année auparavant. «Lorsqu'une offre est jugée anormalement basse, la Commission d'appel d'offres peut l'accepter par décision motivée et après avoir demandé par écrit aux concurrents concernés, les précisions qu'elle juge opportunes et vérifié les justifications fournies. Concernant les réclamations des concurrents et les conditions de la saisine de la Commission des marchés, elles sont traitées respectivement à l'article 47 et à l'article 97 (voir encadré)», précise Abderrahim Raounak, ingénieur conseil à Ichraf Ingénieurs Conseil. «D'après la loi en vigueur et après avoir été saisie par notre laboratoire Sothema, cette commission devait ouvrir une enquête et arrêter l'octroi du marché en attendant que cette enquête aboutisse. Nous avons appris que ladite commission a contacté le ministère de l'Economie et des Finances qui a statué en notre défaveur. Par contre, ce qu'on ne comprend pas c'est qu'ils ne sont pas revenus vers nous pour nous en informer !», poursuit ce responsable de Sothema. Et si les ministères de la Santé et du Commerce Extérieur ont manifesté leur intérêt et leur soutien pour l'industrie locale, sans pour autant prendre des mesures effectives, la Primature et le Cabinet royal, saisis également par Sothema, n'ont pas réagi à cette affaire, selon une source proche du dossier. En attendant, le marché a bel et bien été attribué au laboratoire danois, au grand dam de Sothema ! «C'est vraiment triste qu'on en arrive là au moment où des pays comme l'Algérie, afin de ne pas dépendre du marché extérieur, a arrêté l'importation d'insuline pour favoriser la production locale et où l'Egypte aussi, après son conflit avec Novo Nordisk, a décidé que la production locale réponde aux 2/3 des besoins tandis qu'un tiers seulement sera importé de l'étranger… Il est donc dommage de voir qu'au Maroc on ne protège pas la production locale du diktat des multinationales !», déplore ce responsable de Sothema.