C'est un article spécifique du système français duquel le Maroc s'est inspiré et qui ne figure pas dans les autres démocraties. Le gouvernement ne cherche pas à faire un effort d'innovation ni d'esprit de créativité. Au lieu de cet article, c'est le vote qui sera l'ultime arbitre. Les explications de Lahcen Daoudi, professeur d'économie et député au Parlement. - Finances News Hebdo : Quel est votre point de vue concernant l'article 51 de la Constitution ? - Lahcen Daoudi : Notre parti, à l'unanimité, a demandé l'annulation de cet article. Nous l'avons nettement formulée à la Commission chargée de la révision de la Constitution. Je crois que cet avis est partagé par d'autres parlementaires des autres formations politiques. La pratique a montré ses limites. C'est un article antidémocratique qui n'a pas lieu d'être pour ce Maroc qui aspire à créer un véritable Etat de droit. Avec cet article, on élimine dès le départ le vote, ce qui n'est pas bon pour la crédibilité du Parlement ni pour la pratique démocratique. - F.N.H. : Mais le gouvernement estime que cet article permet de préserver l'équilibre budgétaire ? - L. D. : On n'a fait que calquer le modèle français qui, lui, parle de l'irrecevabilité financière. Mais cet article permet aux députés et aux sénateurs d'apporter des amendements à la Loi de Finances dans le sens d'une réduction des taux de l'impôt, mais à condition que le parlementaire propose une compensation, permettant une hausse des recettes de l'Etat. Nous, nous l'avons fait dans plusieurs Lois de Finances et cela n'a pas marché. Nous vivons pratiquement le même scénario avec pratiquement tous les ministres des Finances. C'est l'option de la facilité. Le gouvernement ne cherche pas à faire un effort d'innovation ni d'esprit de créativité. En France, on a atténué la rigueur de la restriction de cet article pour permettre aux parlementaires de manœuvrer. Contrairement au Maroc, le ministre des Finances fait rarement appel à cet article, pourtant il est sévèrement critiqué par les hommes politiques de différents horizons. Dans les autres démocraties, il n'y a pas ce genre de dispositions. C'est le débat direct et le vote qui sont l'ultime arbitre. En gros, c'est toute la Constitution qu'il faut revoir. L'actuelle a montré clairement qu'elle n'est pas adaptée aux Marocains. Il s'agit d'établir un texte de nouvelle génération capable de répondre aux aspirations des citoyens et d'aller de l'avant pour le pays. L'article 51 fait partie du titre III de la Constitution consacré à l'organisation du Parlement et qui va de l'article 36 à l'article 44. - F.N.H. : Qu'est-ce que vous proposez alors ? - L. D. : Du moment que le gouvernement dispose d'une majorité au Parlement, il n'a qu'à demander le vote du projet. S'il passe, c'est bon, sinon il doit faire une nouvelle mouture. Nous avons proposé que pour la formation d'une Commission d'enquête parlementaire, il faut l'aval d'un tiers des membres du Parlement avec la possibilité de transférer le rapport au ministre de la Justice en tant que chef du Parquet général. Le Parlement doit avoir le droit d'interroger un ministre et proposer d'accorder la présidence de la Commission des Finances à l'opposition. Nous avons proposé que les différents arbitrages budgétaires soient du ressort du Parlement et non du gouvernement. - F.N.H. : On dit aussi que cet article permet au gouvernement de valider son projet de LF à temps ? - L. D. : La démocratie a un prix. D'autant plus que c'est de la Loi de Finances qu'il s'agit et qui concerne le fonctionnement annuel de l'Etat. Cela nous rappelle les Etats avec un parti unique qui ont une sorte de dictature déguisée, ou les pays qui ont un parti fortement dominant comme l'Egypte ou la Tunisie et on a vu le résultat. Les lois passaient sans être amendées ni parfois discutées, et la volonté du peuple n'est pas prise en considération. On a vu que dans toutes les démocraties du monde les Lois de Finances sont débattues, modifiées et elles passent à temps. Aux Etats-Unis, récemment, le Congrès à majorité républicain, était contre la politique budgétaire du Président Obama mais, en fin de compte, on a trouvé un compromis.