* La compression des dépenses publiques entraînera une baisse de la demande intérieure, alors que les aléas de la conjoncture internationale sont toujours pénalisants. * Le gouvernement n'a pas su gérer au mieux les périodes de vaches grasses pour réduire la dette et avoir assez de marges de manuvre durant les années de crise. * Le point avec Lahcen Daoudi, député du PJD et professeur universitaire. - Finances News Hebdo : Que pensez-vous du projet de Loi de Finances 2011 ? - Lahcen Daoudi : SM le Roi a donné le ton en parlant de rareté des moyens. Mais l'hypocrisie du gouvernement frôle le mensonge. Aucun ministre, ni le Premier ministre, n'a parlé de rareté. C'est toujours le même discours qui se répète : tout va bien ! Je crois que c'est un projet qui ne colle pas à la réalité. Il a le même esprit que ses prédécesseurs. - F.N.H. : Mais qu'en est-il des fondamentaux du Maroc, notamment les 5 % de croissance ? - L.D. : La croissance est toujours liée à la campagne agricole; si la saison est bonne on va certainement dépasser les 4%. Ce qui est paradoxal, c'est qu'on avoue que c'est un budget de restriction, alors que 5% de croissance c'est mieux que 2010. On ne peut pas admettre un budget où il y a une compression des dépenses qui entraîne une baisse de la demande intérieure. Dans la conjoncture internationale, la demande n'est pas assez forte et on ne sait pas qui va doper cette économie. Ni l'intérieur, ni l'extérieur ne sont susceptibles de le faire ; on ne comprend rien à la logique du ministre des Finances. - F.N.H. : Le projet admet également que la cadence des investissements publics, menée depuis quelques années, est maintenue. - L.D. : C'est faux ! Il faut voir si ces investissements ont été réalisés. Il y a toujours eu des reports qui vont jusqu'à 11 Mds de DH. Cette année, je ne sais pas comment l'Administration marocaine pourra dépenser 40 Mds de DH, alors qu'elle n'arrive pas à aller au-delà de 30 Mds de DH. - F.N.H. : Mais à quoi sont dus ces reports ? - L.D. : Il y a plusieurs facteurs, comme la lenteur des procédures ou le manque de liquidité qui est très visible chez les collectivités locales. On n'arrive pas à boucler son budget et c'est devenu une tradition. Mezouar passe sous silence les reports. - F.N.H. : La Loi de Finances 2011, comme l'a indiqué Mezouar, a accordé de l'importance aux secteurs sociaux comme l'enseignement ou la santé ? - L.D. : C'est un discours fallacieux et trompeur de Mezouar. Il fait l'amalgame entre le discours idéologique que lui dicte son statut de chef de parti et l'engagement, et le volontarisme d'un ministre des Finances qui doit être marqué par la transparence et le pragmatisme. L'enseignement et la santé souffrent déjà d'un manque de moyens cruel, sans parler des autres secteurs sociaux. Les dotations allouées à ces secteurs sont toujours limitées et l'utilisation des ressources est mal répartie. On a l'impression que ce ministre, quand il parle, ignore la réalité marocaine. - F.N.H. : Quels sont alors les grands domaines pour lesquels vous allez proposer des amendements ? - L.D. : Pratiquement, nous avons des amendements qui seront abordés par article. Mais je crois que nous allons interpeller Mezouar sur le renchérissement de la dette. Nous nous posons déjà la question : où va le Maroc? Jusqu'à l'horizon 2012, il n'y a pas de perspectives de relance. Je crois que le ministre des Finances a mal géré les années de vaches grasses : 2005, 2006, 2007 et 2008 où on a enregistré une croissance notoire des recettes fiscales. Alors que les dépenses ont maintenu un rythme normal. Au lieu de rembourser la dette pour avoir assez de marge durant les années de vaches maigres, on a continué à s'endetter. Malheureusement, on a structuré le Maroc sur une conjoncture favorable. Dans le cas où les aléas ont changé, le pays vit des dérapages budgétaires énormes et ne trouve son salut qu'à travers le renchérissement de la dette. On retourne progressivement vers la situation du Maroc de 1983 avec un nouveau PAS. - F.N.H. : Mais ca n'empêche que le gouvernement a fait des efforts en matière de baisse des taux d'impôt ces dernières années ... - L.D. : La baisse de l'IS n'a profité qu'aux banques qui sont déjà extrêmement riches. Pour l'IR, la réduction a profité aux gros salaires dont les achats sont faits essentiellement à l'étranger. Nous étions contre, il fallait baisser l'impôt pour les petits salaires ou moyens, cela aurait permis de doper la demande intérieure et l'économie nationale. - F.N.H. : Qu'en est-il de la question de la compensation ? - L.D. : On a fait des propositions pour qu'il y ait une certaine autonomie des recettes de la Caisse de compensation par rapport au budget de l'Etat. Ce dernier doit être plafonné et il faut trouver des ressources autres que ce budget. Nous avons recommandé que les personnes bénéficiaires de la compensation soient ciblées. A cet égard, nous avons des moyens de sélection comme les compteurs d'eau ou d'électricité. Il faut taxer davantage les signes distinctifs de richesse comme les gros 4X4 ou les logements vacants qui se chiffrent à plus de 800.000. Dans ce créneau, l'Etat peut récupérer entre 4 à 5 Mds de DH. Malheureusement, le gouvernement travaille pour les lobbies, non pour le simple Marocain. - F.N.H . : Quel est votre avis sur le renoncement à la privatisation des 8% de Maroc Telecom ? - L.D. : C'est normal, on ne privatise pas durant les années de crise, on nationalise plutôt. En 2009, quand on a proposé la privatisation de la RAM, plusieurs compagnies aériennes étrangères ont été nationalisées, ou du moins l'Etat a renforcé sa présence dans le tour de table pour assurer son sauvetage.