Ahmed charaî Le ministre de l'Economie et des finances a tenu compte des réalités dans l'élaboration de son budget 2010. Son optimisme est très mesuré, comparativement à celui affiché à la même époque l'année dernière. Les réalités, c'est d'abord l'effet de la crise sur plusieurs secteurs exportateurs. Le tourisme enregistre une baisse des recettes de 10%. L'impact sur l'artisanat est important. Les virements des MRE ont baissé de 17%. Le taux de croissance, hors agriculture, ne dépassera pas 3%, alors que la loi de finances tablait sur 5,6%. L'autre réalité, palpable, c'est la baisse des recettes fiscales, une baisse à deux chiffres selon toute vraisemblance. Elle n'est pas directement liée aux effets de la crise, c'est plutôt l'année 2008 qui a été exceptionnelle. Pour 2010, le budget table sur une croissance de l'ordre de 3,5%. C'est un taux élevé dans la conjoncture actuelle. Nos marchés traditionnels, l'Europe, comptent sur une croissance n'atteignant pas 1%. Il n'en demeure pas moins que la dynamique interne permet d'envisager un taux de 3,5%. Car l'immobilier continue à tirer l'ensemble. Les besoins en logement restent colossaux et l'argentier du Royaume a fini par maintenir les avantages fiscaux du secteur. Le secteur automobile, les équipementiers, mais aussi Renault, vont eux aussi booster la croissance de l'économie. Très compétitifs, les équipementiers nationaux ont résisté à la crise du secteur automobile à l'international. Ils se retrouvent idéalement placés à la reprise. On ne le dit pas assez, sur ce créneau très concurrentiel, les industriels marocains ont tiré leur épingle du jeu, en développant un savoir-faire reconnu par tous les constructeurs. Nuages en vue Cet optimisme mesuré ne doit pas occulter les risques. Le premier concerne les liquidités bancaires. Bank Al-Maghrib a épuisé tous les moyens à sa disposition pour maintenir les liquidités et faire pression sur les taux. En 2010, la banque centrale ne disposera plus d'aucun levier pour injecter des liquidités. La conséquence logique sera une remontée des taux, déjà envisagée en ce qui concerne les crédits immobiliers, puisque les banques sont d'accord sur ce point. La hausse des taux influera nécessairement sur les tensions inflationnistes déjà observées lors du premier semestre de l'exercice en cours. Par ailleurs, la question de la monnaie va se poser de manière accrue. Le renchérissement de l'euro par rapport au dollar ne peut laisser indifférents nos décideurs. Le débat sur la dévaluation sera relancé à n'en pas douter. Bien que les arguments contre, essentiellement celui du renchérissement des équipements et donc des investissements, soient tout aussi valables que ceux du camp adverse. En fait, les risques ne concernent pas un secteur en particulier, puisque l'environnement international sera meilleur et que la demande intérieure n'a pas de raison de baisser drastiquement. Les risques concernent l'environnement dans son ensemble. Celui d'une inflation non maîtrisée est réel. Le déficit budgétaire annoncé risque d'être dépassé si les recettes fiscales continuent à baisser. Il faut saluer le maintien de l'investissement public à son niveau dans ces conditions. Cependant aucune grande reforme n'est annoncée pour 2010. Tout laisse à penser que l'exécutif veut d'abord consolider les chantiers ouverts. La justice et l'éducation en premier. Notons à ce sujet que le ministre de l'Education nationale a demandé une rallonge pour faire aboutir le programme d'urgence. Rallonge qu'il n'a pas obtenue ! Zone de turbulences. Ce n'est pas seulement sur le plan de l'économie que l'année 2010 risque d'être difficile, même si la décélération de la croissance paraît acquise. Cette décélération ne mettra en cause le dynamisme global de l'économie que si l'inflation n'est pas maîtrisée et que des facteurs exogènes défavorables interviennent. C'est sur le terrain politique que l'on entre dans une phrase critique. La majorité gouvernementale est fissurée, et c'est un euphémisme. Le RNI, le MP et plus encore l'USFP vivent des moments difficiles. Il est plus que probable que les dissensions actuelles finissent par imposer un remaniement élargi. L'USFP risque de se retrouver à nouveau dans l'opposition et allié du PJD. Ce n'est plus une conjecture, mais une forte probabilité. Si l'exécutif est maintenu en l'Etat, il le sera avec des déficiences inhibantes. Il n'a plus le soutien ni de l'opinion publique, ni de ses propres troupes. Difficile dans ces conditions de réformer. Si les alliances changent, on aura droit à une reconfiguration politique qui impactera durablement les institutions. En clair, la Koutla sera officiellement enterrée. La gauche émiettée n'est pas une force de gouvernement autonome. L'USFP ne pourra prétendre à l'alternance que dans le cadre d'une alliance avec des ennemis d'hier, les islamistes. Une telle alliance, dans l'opposition, c'est l'assurance du retour au populisme et ce qui s'ensuit. Le Maroc en 2010 Les choix difficiles Hakim arif Les Marocains verront-ils de meilleurs jours en 2010 ? Pas certain quand on sait que la croissance marocaine qui dépend pour une grande part du marché international et pour une autre grande part des aléas climatiques. Pour que l'économie aille bien, il faut que le monde nous achète beaucoup plus de marchandises et que la pluie tombe en abondance. Pour les exportations, les secteurs actifs dans ce domaine ne sont déjà pas nombreuses. Si on exclue le premier exportateur, l'OCP qui représente près de 20% des exportations, les autres secteurs s'accrochent restent les yeux rivés sur les tableaux de bord de l'économie mondiale. Et les secteurs ont encore besoin de mise à niveau. Les difficultés sont plus tenaces encore pour les PME exportatrices dont les besoins de financements augmentent alors que leur capacité d'endettement diminue. Selon le ministre du Commerce et de l'industrie Mohamed Réda Chami, près de 95% des entreprises marocaines n'arrivent pas à se financer convenablement. Ou n'y arrivent pas du tout. L'impact sur l'emploi est évident et le sera encore plus pernicieux si des mesures ne sont pas prises. Le pouvoir d'achat des citoyens risque cette année de prendre un sérieux coup sachant que les revenus n'augmenteront pas de manière significative alors que tout porte à croire que les prix vont rester instables. Sur le marché pétrolier, le baril commence à donner des signes de chauffe puisqu'il a déjà atteint 80 dollars cette semaine. On sait l'impact qu'aura un prix supérieur à 70 dollars, base de travail du ministère des Finances. Le budget sera tout simplement touché. En face le gouvernement ne semble pas avoir beaucoup de marge. Les pressions arrivent de tous les côtés, la crise mondiale le pousse à plus de sobriété alors que les pressions sociales menacent de moments très difficiles. Néanmoins, le budget présenté par Salehddine Mezouar le ministre de l'Economie et des Finances reste optimiste. Il attend un taux de croissance entre 3,2% avec une croissance de 4,1% du PIB non agricole dans un «contexte non inflationniste grâce à la dynamique de la demande intérieure et aux résultats positifs de la campagne agricole ». Don tout repose sur le climat et sur la demande intérieure. Oui mais quelle demande intérieure justement ? Est-ce la demande des ménages, celle des entreprises ou encore celle de l'Etat? Les ménages vont bénéficier d'une baisse de l'impôt sur le revu de 2 points, ce qui veut dire qu'ils vont augmenter leur consommation d'autant ou répartir le gain entre la consommation et l'épargne. Or à côté, si le gouvernement augmente la taxe qui grève les produits pétroliers ce sera tout simplement d'un effet négatif sur la consommation, puisque le transport entre dans les inputs de tous les produits et services. Quant aux entreprises, il faut qu'elles soient motivées pour consommer et pour investir. Le crédit étant inaccessible pour la majorité d'entre elles, elles ne pourront pas financer leurs ambitions. Justement, la CGEM a présenté au gouvernements ses demandes. Elle a commencé part mettre en garde contre la dégradation de la balance commerciale et des réserves de change. Ce qui veut dire qu'il faudrait encore améliorer la compétitivité des entreprises et donc maintenir les avantages en termes d'impôt sur les sociétés à l'export. Le patronat voudrait aussi voir supprimer la redevance informatique instaurée par la loi de Finances 1995 et qui est pour lui doublement pénalisante, puisqu'elle grève aussi bien les importations d'intrants que les exportations. De manière globale, la CGEM voudrait un cadre fiscal favorable à l'investissement, la Recherche-développement, au développement durable. Un cadre fiscal qui apporterait un plus aux marques marocaines. Un crédit recherche pour les entreprises ne serait pas inutile. Les entreprises qui font de la R&D voudraient bien bénéficier d'une réduction d'impôt à hauteur de 30% des montants consacrés à la recherche. Dans son argumentaire la CGEM rassure tout de suite le gouvernement puisque selon elle, les effets budgétaires immédiats seront largement compensés par les investissements auxquels elle aura donné naissance. La CGEM revendique également un mécanisme fiscal qui faciliterait les restructurations d'entreprises. Pour ce qui est des chiffres, le patronat se sentirait bien avec un IS de 25% pour les sociétés qui paient 30% et de 30% pour celles qui paient 37%. Concernant la TVA, la CGEM demande la réduction du nombre des taux et la baisse du taux plafond à 16 au lieu de 20%. «Il faut agir sur les dépenses, en supprimant les gaspillages qui caractérisent les dépenses publiques. Il faut lancer un débat pour repenser la loi de finance» Hammad Kassal ex-vice président de la CGEM Propos recueillis par F-Z jdily L'Observateur du Maroc. Quelle lecture faites-vous du projet de loi de finances 2010 ? Hammad Kassal, Le projet confirme que la crise a bel et bien touché le Maroc. Et ce n'est pas fini, puisque les effets de cette crise seront davantage ressentis au cours des deux prochaines années. Le projet de loi de finance 2010 est élaboré à un moment où tous les indicateurs sont au rouge : les investissements, les transferts des MRE, les recettes touristiques, les exportations. Même la consommation qui résiste pour le moment risque de faire les frais d'une probable hausse de l'inflation en 2010. Pourtant le gouvernement table sur un taux de croissance de 3,5%. C'est ambitieux dirait-on en ces temps de crise. Encore faut-il que le ciel soit clément ! Le gouvernement espère faire mieux que les pronostics qui parlent d'un taux de croissance de 3,5% l'année prochaine. Il se base sur un taux global prévu de 5,7% en 2009 grâce à une campagne agricole exceptionnelle qui s'est traduite par une production céréalière de 102 millions de quintaux. Dans ce même sillage, l'on table sur un taux de croissance de 25% des activités agricoles, tandis que les secteurs secondaire et tertiaire afficheraient des taux oscillant entre 3 et 4% en 2009. En tout état de cause, l'on assistera à une croissance boostée, notamment, par la demande interne principalement des grands projets structurants. Reste à savoir Comment l'Etat va financer le grand équilibre alors que le déficit budgétaire est à 3%. Pire, dans un contexte de baisse des recettes, on privilégie les dépenses. La logique économique voudrait, en effet, qu'on encourage l'épargne longue, indispensable pour soutenir la dynamique d'investissement aujourd'hui à l'uvre. Il y a du mal à privilégier l'une (l'économie) ou l'autre (les finances). Dans ce cas, il reste à savoir si le Maroc fera recours au marché de financement international. Cependant, l'endettement extérieur ne devrait pas affecter, outre mesure, les projections du pays. Le projet de loi de finances 2010 souhaite concentrer plus d'efforts sur les investissements. Pourquoi ? L'Etat déploie un effort budgétaire important en matière d'investissement, mais il reste insuffisant. S'agissant des établissements publics, ils prévoient d'importants programmes d'investissements, mais encore faut-il trouver les financements nécessaires. Car, selon l'Etat, la capacité du Maroc à recourir à l'endettement extérieur n'est pas établie, surtout avec l'envolée de la dette intérieure qui produit, d'ailleurs, un effet d'éviction pénalisant pour les opérateurs économiques. De même, cette option est difficile dans un contexte marqué par une sous-liquidité au niveau international, ce qui rendra l'endettement plus cher. En ce qui concerne le secteur privé, il reste réticent. Que faut-il faire alors ? Les recettes sont ce qu'elles sont, il faut maintenant agir sur les dépenses, en supprimant les énormes gaspillages qui caractérisent les dépenses publiques au Maroc. Il faut lancer un grand débat sur ce problème pour repenser la loi de finance. C'est le temps pour que cette loi ne soit plus considérée comme de simples opérations comptables de débit et crédit. La loi de finance est une politique à longu terme rectifiable chaque année. Loi de finances 2010 Conjoncture particulière F-Z jdily A la vielle de l'approbation du projet de loi de finances 2010, la crainte de la poursuite des ajustements d'effectifs dans le secteur textile tout au long de cette année (plans sociaux avec fermetures d'usines et licenciements) est encore grande. Les enseignants brandissent déjà l'arme de la grève. A l'Anapec, on s'attend donc à une augmentation des inscriptions des chômeurs, directement touchés par la crise. Par ailleurs, les recettes fiscales, qui enregistraient des hausses à deux chiffres depuis plusieurs années, inversent la tendance. Jusqu'à fin juin 2009, les impôts perçus par l'Etat ont chuté d'environ 12%, soit près de 11 milliards de dirhams par rapport à la même période de 2008. Le déficit budgétaire s'aggrave pour se situer autour de 3% voire plus. La loi de finances 2010 est une loi cruciale dans une conjoncture assez particulière. Cependant, ce décor pour le moins sombre ne semble pas perturber l'argentier du pays. Lors de ses récentes sorties médiatiques, Salaheddine Mezouar s'est montré confiant en mettant en exergue la préservation des équilibres macro-économiques et le renforcement du pouvoir d'achat des citoyens. Lors de la présentation des grandes lignes de son projet, il a fait état de la bonne tenue de l'économie nationale, malgré la conjoncture internationale défavorable. Les informations concernant le projet de loi de finance filtraient au compte-gouttes. Il en ressort une tendance au maintien des grands équilibres macroéconomiques ainsi qu'une sérénité affichée au sujet des finances publiques. Les préoccupations majeures du ministère demeurent l'investissement, l'équilibre de la balance commerciale et le volet fiscal. S. Mezouar se concentre sur l'accélération du rythme des réformes structurelles engagées au Maroc. Ses déclarations sont elles suffisantes pour faire passer le projet de loi sans embûches ? Les avis de certains acteurs montrent que rien n'est moins sûr. Maroc-Palestine Les grands engagements Hakim Arif Les souverains du Maroc ont toujours accordé à la question palestinienne une grande importance. La thématique est présente dans tous les forums et toutes les manifestations. Il n'y a pas un congrès politique ou syndical où le nom de Palestine n'est pas cité plusieurs fois. Les Marocains ont une relation affective avec ce qu'ils considèrent comme leur affaire. Le roi Mohammed VI va plus loin encore. En tant que président du Comité Al Qods, il multiplie les initiatives dans les domaines du savoir, du logement, du social, afin que les Palestiniens ne se sentent pas seuls et puissent aussi disposer de projets utiles à leur développement. Il a surtout dénoncé les tentatives de judaïsation de la ville sainte d'Al Qods. Le 2 mars 2009, Mohammed VI a adressé un message aux chefs d'Etat et de gouvernement des cinq pays membres permanents du Conseil de Sécurité, au secrétaire général de l'ONU, au pape Benoît XVI et au Premier ministre tchèque dont le pays assurait la présidence de l'Union européenne, pour dénoncer, en sa qualité de roi du Maroc et président du Comité Al Qods, issu de l'Organisation de la conférence islamique, «ce comportement qui ne repose sur aucun fondement juridique et qui va à l'encontre des dispositions du droit international et des accords passés entre Israël et l'Autorité nationale palestinienne . «Ainsi que Je Vous l'ai affirmé en diverses occasions, les autorités d'occupation sont tenues de préserver le cachet particulier de cette ville sainte, d'en protéger les monuments spirituels qui symbolisent la coexistence des adeptes des religions monothéistes célestes, et d'annuler, en outre, tous les plans visant à en modifier la structure démographique et architecturale», a souligné Mohammed VI. Le Souverain souligne que «le Royaume du Maroc, qui a une foi inébranlable et absolue dans le choix de la paix, est certain que l'imposition du fait accompli par la force ne peut conduire qu'à l'exacerbation des tensions, des incriminations et des violences, d'autant plus que la région traverse une conjoncture agitée et compliquée». Sincère, l'engagement pour la paix est reconnu à l'échelle mondiale. Les témoignages en sont nombreux. Un engagement salué par Barack Obama, le président américain. «J'apprécie Votre engagement pour le renforcement des fondements du dialogue et du respect mutuel entre les nations, ainsi que pour la réalisation de la paix au Moyen-Orient, sur la base de nos convictions partagées», dira le président des Etats-Unis dans une lettre adressée au souverain. Sur le plan financier, les engagements du Maroc sont les plus importants pour le budget de l'Agence Bayt Mal Al Qods. D'après les chiffres enregistrés par l'Agence sur les principales réalisations entre 1998 et 2005, les donations des Etats se limitent à 55% pour le Maroc, 26% pour l'Arabie Saoudite, 13% pour l'Egypte, 4% pour la république islamique d'Iran et moins de 2% pour les autres pays. Les donations des institutions et des particuliers se limitent à deux pays, le Maroc avec 87% et l'Egypte avec 13%.