L'existence de cet article est plus technique que politique. Il permet au gouvernement de sauvegarder l'équilibre du budget. Il a été brandi à maintes reprises par les ministres des Finances pour faire passer leur projet de LF. Plusieurs partis politiques veulent sa suppression pour donner plus de pouvoir au Parlement. L'article 51 de la Constitution a toujours été brandi par les différents ministres de l'Economie et des Finances du Royaume pour faire passer les projets de Loi de Finances. Cet outil juridique a été taxé par les parlementaires comme un moyen antidémocratique. Il fait l'objet de fortes critiques de l'ensemble des partis politiques, aussi bien ceux de la majorité que ceux de l'opposition. Dans leurs revendications présentées à la Commission dédiée à la révision de la Constitution, les formations appellent à son abrogation, et les plus conservatrices à sa profonde reformulation, afin de permettre au Parlement de jouer son rôle de véritable pouvoir législatif. Cet article, qui faisait partie de toutes les Constitutions du pays depuis 1962 jusqu'à celle de 1996, a été inscrit dans la Loi suprême de la Nation pour sauvegarder une certaine rationalité dans la préparation de la Loi de Finances du pays. Il stipule que «les propositions et amendements formulés par les membres du Parlement ne sont pas recevables lorsque leur adoption aurait pour conséquence, par rapport à la Loi de Finances, soit une diminution des ressources publiques, soit la création ou l'aggravation d'une charge publique». La Constitution française de 1958 reprend le même texte dans son article 40 par souci justement de laisser au gouvernement, qui est plus apte que les parlementaires, le soin de contrôler et de gérer les finances publiques. En effet, l'article 40 de la Vème République stipule que «les propositions et amendements formulés par les membres du Parlement ne sont pas recevables lorsque leur adoption aurait pour conséquence soit une diminution des ressources publiques, soit la création ou l'aggravation d'une charge publique». Entre les deux articles, il y a une forte similitude dans la forme et dans le fond. Cet article est considéré par les spécialistes du droit constitutionnel comme un garde-fou contre la démagogie des parlementaires. La législation marocaine s'inspire largement du droit français. La plupart des textes de Constitution du pays ont été calqués, sauf les lois qui s'inspirent de la charia comme l'héritage ou les habous. «Nous avons besoin d'une Constitution qui prend en considération la réalité marocaine et aussi les spécificités et les contraintes du pays. La future Constitution, qui se veut moderne, doit donner plus d'attributions au Parlement en matière de contrôle. A cet égard, l'article 51 de la Constitution, dans sa formule actuelle, n'a pas de place dans le futur projet. Il faut trouver de nouveaux mécanismes pour une bonne pratique démocratique», a rapporté Nabil Benabdellah, secrétaire général du Parti du progrès et du socialisme (PPS). Ahmed Zaïdi, du groupe de l'USFP au Parlement, a toujours demandé que le Parlement s'implique dans la préparation du budget. Il veut aussi que cette institution ait le droit de répartir les budgets sectoriels vers d'autres sans qu'on lui brandisse l'article 51. Pour sa part, le Mouvement populaire, par la voix de Mohand Laenser, son secrétaire général, estime qu'«il faut reformuler cette loi car elle limite considérablement le pouvoir et le rôle des parlementaires. Si on veut une Constitution moderne, il faut donner plus de poids au pouvoir législatif, non seulement dans les commissions mais aussi dans les plénières». Mais, dans les faits, cet article est justifié par d'autres considérations qui ne sont pas essentiellement politiques. «C'est une loi constitutionnelle qui est le texte suprême de la Nation qu'on brandit pour contrer des recours à caractère organique», a estimé Mohamed Gallaoui, politologue. Il explique que «la disposition de cet article est plus technique que politique». C'est un outil qui permet au gouvernement de faire passer le projet de LF dans les délais. La préparation de la Loi de Finances est un travail de longue haleine qui mobilise non seulement les services et les départements des Finances, mais aussi d'autres administrations ou entités publiques. Chaque changement à la hausse dans les dépenses ou à la baisse des recettes doit avoir une compensation. Le budget, qui est la partie comptable de la LF, est animé par des objectifs d'équilibre. Le Maroc, qui est un adepte de l'orthodoxie financière, un héritage qu'il a conservé depuis l'époque de l'ajustement structurel, est très regardant sur le comportement de ses fondamentaux, notamment le déficit budgétaire. Pour des raisons électoralistes, une bonne partie des amendements des parlementaires est axée sur des exonérations ou des dépenses supplémentaires, ce qui risque de perturber sérieusement l'équilibre budgétaire. Outre ce souci d'équilibre budgétaire, le gouvernement est d'autre part assujetti aux contraintes du temps. Les discussions risquent de s'étendre indéfiniment et le projet pourrait être bloqué. Contrairement aux autres lois, la Loi de Finances régit le train quotidien de l'Etat. A partir du début de l'année, elle devra entrer en vigueur, sinon tous les services de l'Etat seront bloqués. Mais la question qui se pose est : pourquoi aucune formation n'a demandé sa révision ni eu recours au Conseil constitutionnel ? En tout cas, depuis l'arrivée de Salaheddine Mezouar, le gouvernement a certes privilégié l'option de la concertation et du compromis pour l'élaboration des Lois de Finances et l'actuel argentier du Royaume a eu de moins en moins recours à cet outil. Son prédécesseur, Fathallah Oualalou, l'avait utilisé à outrance. Pour une trentaine de propositions d'amendement concernant le projet de la LF de 2004, l'ex-ministre des Finances avait brandi l'article 51 à 15 reprises. Dans les autres projets de LF, cet article avait été utilisé au moins une dizaine de fois.