Il faut proroger l'exonération de l'agriculture jusqu'en 2020 afin de soutenir le Plan Vert et assurer la compétitivité du secteur. Contrairement aux idées reçues, l'agriculture n'est que partiellement exonérée. Plusieurs coûts de production et de commercialisation sont taxés. Il est opportun d'envisager un schéma juste et équitable prenant en considération les contraintes des régions et des secteurs. Eclairage de Ahmed Ouayach, président de la Confédération de l'agriculture marocaine. - Finances News Hebdo : Quel regard portez-vous sur la fiscalité de l'agriculture? - Ahmed Ouayach : Je crois que le sujet de la fiscalité de l'agriculture n'est pas à l'ordre du jour. Du moins, pour l'actuelle législature. Nous sommes dans une conjoncture difficile où ce genre de sujet nécessite plus de temps et de réflexion. - F. N. H. : On peut cependant ouvrir le débat ? - A. O. : On n'est pas contre le débat. On est pour des projets de concertation au lieu de subir les choses. Donc, il faut préparer certaines choses, préparer les professionnels. Pour la fiscalité de l'agriculture, nous avons un délai de transition qui va jusqu'à décembre 2013. Il faut souligner que l'exonération du secteur est une initiative royale. Le discours du Souverain de 2008 était clair. Il a affirmé que si cette agriculture devait être fiscalisée, elle devra tenir compte de plusieurs paramètres, notamment la petite agriculture. Nous savons que 75% des exploitants seront exonérés de facto, et cela quelle que soit la formule retenue. Le revenu moyen de ces fellahs est en dessous même du SMIG actuel. Si le SMIG devra augmenter dans les années à venir, c'est une autre tranche d'agriculteurs qui sera exonérée. C'est une petite catégorie d'agriculteurs qui sera théoriquement assujettie à l'impôt, notamment les exploitants les plus performants. Mais il faut souligner que c'est cette catégorie qui fait la puissance du secteur à l'export. Dans son discours, SM le Roi avait insisté sur une agriculture compétitive. Si on fait la comparaison avec les concurrents du Maroc, on trouve, à côté du volet fiscal, d'autres avantages comme en Egypte où on ne paye pas l'eau ; en Turquie où l'exonération concerne tous les exploitants qui ont moins de 61 ha. Sans parler des pays européens qui ont un ensemble de moyens incitatifs très avancés. Nous ne somme, pas contre le fait que le secteur doit participer à la solidarité nationale, mais encore faut-il que cela soit sur des bases justes et équitables. - F. N. H. : Est-ce que vous privilégiez une fiscalité ciblée ? - A. O. : Je me réfère toujours au discours de SM le Roi en la matière qui a insisté sur les spécificités du secteur, et aussi l'aspect filières et celui des régions. Il faut prendre en considération le grand projet de la régionalisation. Sur le plan de la fiscalité, on devra aussi effectuer un découpage régional. Dans ce cadre, il faut encourager les régions qui sont en retard. Je le répète, il faut instaurer un schéma juste et équitable. - F. N. H. : Est-ce que vous partagez l'avis de certains professionnels qui estiment qu'actuellement le secteur n'est pas totalement défiscalisé ? - A. O. : L'exonération ne concerne que l'impôt sur le revenu, alors que les autres impôts et taxes sont payés. Je pense que le rôle de l'impôt n'est pas uniquement d'ordre budgétaire, il est aussi économique et social. L'exonération du secteur lui assure une certaine compétitivité, en baissant les prix à la consommation et en assurant des postes de travail. Il ne faut pas oublier que l'agriculture figure parmi les secteurs les plus employeurs du Maroc. Je tiens à préciser que les fellahs payent l'impôt à plusieurs niveaux, comme l'énergie par exemple. Donc, le schéma fiscal doit être bien étudié, car il y a des régions qui, durant 3 années sur cinq, ne récolent pratiquement rien. On ne peut pas demander à un fellah qui a fait une bonne récolte de payer l'impôt, car il a déjà essuyé les dommages des mauvaises saisons. - F. N. H. : Est-ce que vous êtes pour le statu quo ou bien pour un système de soutien et de subvention plus avancé, mais avec l'introduction de la fiscalité ? - A. O. : Nous sommes prêts à discuter de tous les schémas. Je dois préciser que le sujet ne relève pas uniquement des agriculteurs, il faut tenir compte de nos concurrents à l'étranger, des coûts des facteurs, de l'impact sur la consommation, des effets sociaux. On ne peut pas faire une fiscalité agricole comme on veut. Il faut l'établir à la carte. Est-ce qu'on va opter pour une taxation au forfait, sur le chiffre d'affaires, par type de culture ? Peut-être qu'on va revenir à une version moderne du «Tartib» ou l'impôt agricole. Il y a beaucoup d'idées et l'Etat a son approche et les agriculteurs ont aussi leur vision. Il faut donc chercher un terrain d'entente. Le plus important est que le Plan Maroc Vert a de grands objectifs qu'il faut soutenir à travers des mesures adéquates. Pour l'accompagner, nous souhaitons une exonération jusqu'en 2020. Je crois que la fiscalité peut perturber le PMV et handicaper ses atouts. Le PMV n'est pas une période de faveur, mais une période de mise à niveau qui coïncide aussi avec une libéralisation intense des échanges, que ce soit avec les Etats-Unis, l'UE, la Turquie ou les pays arabes. - F. N. H. : Pensez-vous que la fiscalité agricole est liée à la modernisation du secteur ? - A. O. : La fiscalité agricole, ce n'est pas une assiette fiscale, des taux et des assujettis, mais un ensemble qui concerne non seulement le secteur, mais toute la mise à niveau de l'économie nationale à travers plusieurs chantiers. A cet égard, il faut moderniser le système de compensation. Il faut assurer la restructuration de la filière céréalière. Dans ce cas, la fiscalité de l'agriculture se sera pas similaire à celle des autres secteurs tant au niveau de l'assiette que des taux. Dossier réalisé par C. J. & W. M.