Le secteur du textile-habillement est à la veille d'une de ses plus grandes échéances : le démantèlement de l'accord multifibre en janvier 2005 dont le but est d'abolir les quotas à l'importation. Pis encore, la montée en puissance de la Chine incite les professionnels de par le monde à tirer la sonnette d'alarme et réfléchir sérieusement sur l'avenir du secteur. La perte de vitesse qu'ont connue les textiliens ces dernières années les a poussés à se serrer les coudes et réfléchir sérieusement sur les raisons de la détérioration de la position compétitive de leur industrie. L'organisation de la rencontre internationale du textile qui s'est tenue à Marrakech, sous le haut Patronage de Sa Majesté, est un signal si fort qu'aujourd'hui il y a unanimité sur la nécessité d'un plan d'action et sur l'urgence de permettre au secteur du textile de jouer son rôle en tant que premier employeur. Cette rencontre est une suite logique des études dites de filières menées par des consultants étrangers en vue de mettre à nu les faiblesses de cette industrie qui s'est caractérisée par plusieurs fermetures et l'évaporation de milliers d'emplois dans un pays où le taux de chômage est à son niveau le plus culminant. Cette rencontre s'est caractérisée par un haut niveau d'interventions. Comme l'a d'ailleurs souligné un textilien, " Depuis que je suis membre de la profession, je n'ai jamais assisté à une conférence d'un tel niveau". Il s'empresse d'ajouter »: Sincèrement, je suis surtout venu pour visiter la perle du Sud, mais ces interventions m'ont tellement captivé que je n'ai plus le temps pour le faire". Cette rencontre s'est déclinée en quatre table rondes. La première table a mis l'accent sur le point: Comment le Maroc peut-il tirer profit de cette nouvelle donne mondiale ? Parce qu'il faut reconnaître qu'un nouveau visage du commerce textile est en train de se dessiner suite à l'abolition des quotas en 2005 ainsi que l'entrée de la Chine dans l'OMC. Cette configuration mondiale est également influencée par des accords régionaux (NAFTA, EUROMED...) et par le facteur monétaire. Toutes ces mutations incitent le Maroc à faire valoir ses atouts et profiter des accords de libre-échange en développant son marché intérieur. Pour M. Salaheddine Mezzouar, Président de l'AMITH, la nouvelle donne mondiale se caractérise par deux éléments: le processus de concentration dans la distribution et la tendance à la constitution de grands pôles de textile. Ces deux phénomènes vont de pair et conditionnent l'évolution du secteur. Deux pays ont ainsi bouleversé l'échiquier mondial : la Chine qui est devenue l'usine du monde et les USA qui ont signé plusieurs accords de libre-échange en vue d'un meilleur positionnement sur l'échiquier mondial. Les autres, par contre, se cherchent... Devant une telle situation, le Maroc n'a pas l'intention de devenir un pôle. M. Mezzouar reconnaît qu'on n'a ni le temps, ni les moyens pour le faire. Le Maroc développera une stratégie de niche basée sur la différenciation. Une table ronde a traité de l'environnement et de la compétitivité: Comment une entreprise de textile pourra-t-elle tirer profit de son environnement et devenir compétitive ? Comment une entreprise pourra-t-elle transformer les menaces en opportunités ? Parce que la compétitivité de l'industrie dépend de facteurs internes et externes à l'entreprise. Cette table ronde met également l'accent sur les questions sociales et éthiques. Elle traite aussi des mutations de la production, de la logistique et des systèmes d'information ainsi que de l'évolution des compétences induite par les mutations des marchés. M. Tamer, intervenant marocain, a souligné qu'une nouvelle stratégie est mise en place qui consiste à mettre au point une charte des valeurs adoptée par le bureau national. L'objectif étant d'instaurer une culture de GRH. "Aujourd'hui, 29% de nos exportations sont orientées vers les pays anglo-saxons, ce qui prouve que 29% de nos entreprises respectent les valeurs sociétales", tient-il à expliquer. L'évolution de la demande et l'offre globale ont été les thèmes traités par la dernière table ronde. Il a été constaté que les distributeurs et leurs donneurs d'ordre ont transformé en profondeur leur politique d'approvisionnement. La nouvelle donne mondiale rompt avec la sous-traitance qui laisse la place à plusieurs approches où cohabitent sous-traitance, co-traitance, négoce... Face à cette restructuration, le Maroc est interpellé à structurer une offre globale compétitive, créative et réactive. L'un des intervenants a attiré l'attention sur le fait que le problème du Maroc n'est pas lié essentiellement à la Chine dont les coûts sont dix fois inférieurs. Le Maroc est amené à déplacer le curseur et voir de près la position de ses concurrents directs, en l'occurrence la Tunisie, la Turquie et les pays d'Europe de l'Est. Le Maroc devra aussi faire preuve de beaucoup de professionalisme en étant plus créatif. Une chose est sûre : dans le monde actuel, on ne peut plus désormais distinguer la mode et la créativité de l'industrie et de son organisation. Cette créativité concerne les stylistes comme les dirigeants et tous les collaborateurs de l'entreprise.