Le CCME CME donne à la culture une place centrale dans la problématique migratoire. Les migrants marocains montrent leur engagement intellectuel dans leur pays de résidence. Le point sur les enjeux de la culture avec Driss El-Yazami, président du CCME. - Finances News Hebdo : Que pensez-vous de cette 17ème édition du Salon International de l'Edition et du Livre ? - Driss El Yazami : Pour moi, cette manifestation est une grande fête populaire de la lecture et du livre. Il y a 3 ans, lorsque nous avions organisé le premier stand du Conseil de la Communauté Marocaine à l'Etranger (CCME) au SIEL, j'ai été impressionné par l'affluence des jeunes en familles qui venaient visiter le Salon. A mon avis, faire découvrir à un enfant le livre, c'est d'une certaine manière le sauver et lui ouvrir les yeux sur le monde. Je sais que moi-même, ainsi que des millions de personnes à travers la planète, avons été sauvés par la lecture et le livre. Le SIEL permet aux jeunes de toucher le livre, de donner un goût à la lecture même s'ils n'ont pas les moyens de l'acheter, de savoir qu'à travers le livre on peut rêver, connaître et découvrir de nouveaux horizons. De mon point de vue, le chantier de la culture est un chantier central dans tout projet de développement. De ce fait, notre présence au SIEL n'est pas uniquement un geste commercial, même si bien évidemment il le faut pour que l'industrie du livre marche, mais c'est également la participation au développement, comme c'est le cas pour la plupart des participants. - F. N. H. : Vous en êtes à votre 3ème participation ; avez-vous ressenti une amélioration au niveau de l'organisation comparativement aux années précédentes ? - D. Y. : Il est évident que les conditions matérielles, d'accueil et d'organisation se sont nettement améliorées, notamment avec la nouvelle direction de l'Office des Foires & Expositions de Casablanca (OFEC). D'autant plus, pour en avoir parlé avec Aziz Alami, Directeur général de l'OFEC, qu'il y a actuellement un vrai projet de développement. - F. N. H. : Littérature, Migrations et Méditerranée est votre thème cette année ; pourquoi au fait? - D. Y. : L'année dernière, le Salon du livre avait fêté les créateurs marocains du monde. Ce que nous voulons à travers ce thème, c'est partager cette fête avec les autres créateurs de la Méditerranée qui traitent de la question migratoire. Cela ne peut que nous enrichir et confronter notre propre expérience migratoire et notre propre imaginaire à propos de la migration avec ce qui s'écrit ailleurs. C'est donc pour cette raison qu'on a publié deux déontologies, une sur les migrations de la littérature arabe contemporaine, et l'autre sur la littérature en Méditerranée. J'espère vivement que l'année prochaine nous accueillerons les gens d'Amérique Latine ou d'Afrique Sub-Saharienne ou d'Asie, pour débattre du même thème. - F. N. H. : Quel est le message que vous cherchez à véhiculer à travers votre participation ? - D. Y. : C'est de faire découvrir au public marocain les littératures des écrivains marocains du monde. Aujourd'hui, la littérature marocaine se fait au Maroc, et d'une manière ou d'une autre, dans plusieurs pays de résidence et dans plusieurs langues. Beaucoup de Marocains écrivent en espagnol, catalan, français, italien, neerlandais et en anglais et je pense que les prochaines années, on verra des Marocains qui écriront en japonais ou en brésilien. Cette diversification de la littérature marocaine montre en quelque sorte la mondialisation de l'émigration marocaine ; elle l'a révélée. Et puis on a parlé de littérature et de culture, et de notre point de vue, c'est l'un des canaux, sinon le canal essentiel, pour maintenir le lien avec l'émigration. Il faut que le public découvre cette émigration par la littérature, mais aussi du côté des écrivains qui découvrent le Maroc, leur homologue, l'autre créateur marocain et, d'une manière ou d'une autre, ils découvrent les dynamiques marocaines à l'œuvre ainsi que les différents chantiers du Royaume. Il suffit de voir que chacun des écrivains que nous avons invités à cette édition repart avec des liens renforcés avec la terre natale des parents, puisque la plupart n'ont pas émigré. De plus, je suis certain que l'accès à cette littérature va enrichir notre imaginaire et va nous ouvrir d'autres horizons affectifs, culturels, cognitifs... - F. N. H. : Pensez-vous que le Maroc passe par une crise de la lecture ? Les nouvelles technologies sont-elles responsables de cette crise ? - D. Y. : Je ne suis pas certain que les nouvelles technologies soient la cause de cette crise. Au contraire, on peut même émettre l'hypothèse que l'accès aux nouvelles technologies peut aider à l'accès au livre. Aujourd'hui, la question est plus complexe, nous avons véritablement une crise de la lecture qui est liée à la réflexion et au débat qui traverse la question de l'éduction, l'enseignement et la formation au Maroc. En conclusion, je trouve que c'est un chantier stratégique : faire découvrir un livre à un enfant, c'est lui ouvrir le monde. - F. N. H. : Pourquoi avez-vous organisé des manifestations et des rencontres hors de l'espace du Salon, notamment à Skala ? - D. Y. : C'est une idée qu'on a eue avec les instituts étrangers au Maroc selon une constatation qu'on avait faite. Au moment de la fermeture, les gens n'ont pas envie de partir mais plutôt de prolonger cette fête. Donc, ont s'est dit que ce serrait naturel de leur offrir un espace pour continuer à parler, discuter et échanger. - F. N. H. : Après votre nomination par SM à la présidence du CCME, quelles ont été vos réalisations ? - D. Y. : Nous avons tout d'abord essayé d'accomplir notre mission en tant qu'institution consultative et de prospective qui veille au renforcement des liens avec les communautés marocaines à l'étranger. Notre politique est de renforcer les liens avec toutes les catégories de la population marocaine émigrée en prenant en compte deux choses fondamentales : d'une part, sa mondialisation et, d'autre part les mutations qu'elle a traversées, qu'on pourrait résumer par la diversification socioprofessionnelle. Au sein du CCME, nous prenons compte de cette diversité et nous travaillons avec les femmes, les compétences de haut niveau, les retraités, les jeunes, les journalistes, les cinéastes… Aujourd'hui, nous devons penser comment le futur Conseil doit être formé, puisque les membres actuels termineront leur mandat fin décembre. Mais il faut également poser un certain nombre de questions essentielles afin d'apporter un certain nombre d'avis pour réformer les politiques publiques marocaines. - F. N. H. : Parlez-nous de votre partenariat avec le ministère de l'Artisanat ? - D. Y. : A chacune de nos participations, nous le faisons avec un partenaire. L'idée de ce partenariat est de faire découvrir à nos invités l'artisanat marocain. Dossier réalisé par Lamiae Boumahrou