Depuis le lancement du programme de lutte anti-sécheresse, les agriculteurs ont déjà commencé à se poser la question sur l'état d'avancement des réalisations au niveau de ce grand chantier. Des interrogations d'autant plus compréhensibles que les expéri Afin de parer aux effets pervers des contre-performances de l'actuelle campagne agricole, le département de tutelle a concocté un plan de lutte anti-sécheresse qui a été adopté par le Parlement le 10 juin dernier. Ce programme porte sur une dotation de 3,18 milliards de DH qui va être augmentée d'une enveloppe supplémentaire destinée à une gestion appropriée de l'endettement des agriculteurs. Ainsi, il est à signaler que le programme anti-sécheresse comporte quatre axes principaux. Il s'agit d'abord du programme d'approvisionnement en eau potable dont vont profiter 1.524 communes rurales. Jusqu'à présent, le tiers de ce programme est déjà exécuté. En effet, plus de 470 communes sont déjà équipées. L'enveloppe totale allouée à cette opération s'élève à 131 millions de DH qui a débouché sur la création de 16.000 jours de travail. Le programme-approvisionnement en eau potable va être poursuivi par l'alimentation de 1.050 douars ; le coût de cette opération s'élève à 86 millions de DH. La participation de l'Office National de l'Eau potable (ONEP) dans la concrétisation de ce projet demeure active. Ainsi, l'Office adopte actuellement un programme visant l'alimentation de 150 communes rurales à un coût de 115 millions de DH. Jusqu'au 28 juillet, 32 douars ont été branchés, ce qui a permis la création de 26.000 jours de travail. La seconde orientation du programme anti-sécheresse est l'action pour le sauvetage du cheptel dont la première tranche est déjà entrée en exécution avec la distribution de 1,6 million tonnes d'aliments d'engraissement. Le troisième point auquel s'intéresse le programme est celui de la création de nouveaux postes de travail dans le monde rural. Dans ce cadre, le Ministère de tutelle prévoit la création de plus de 12,3 millions de jours de travail saisonnier entre la période s'étalant de juillet à décembre 1999. Jusqu'à présent le nombre de chantiers ouverts s'est élevé 3.151 dont 931 sont opérationnels, permettant ainsi de créer plus de 290.000 jours de travail. Cependant, le point fort du programme anti-sécheresse demeure le projet de reconstitution de la capacité de surendettement des petits agriculteurs. Dans ce cadre, il a été décidé de procéder à l'annulation de la dette des agriculteurs ayant un encours global inférieur à 10.000 DH et dont le nombre représente 57% environ de la clientèle de la CNCA. Le coût de l'opération s'élève à 644 millions de DH. Outre cette mesure, les agriculteurs dont le montant du capital initial est inférieur à 200.000 DH continueront de bénéficier de l'opération de l'annulation des intérêts « pour solde de tout compte en ce qui concerne les dettes contactées avant 1993 ». Cependant, en dépit de l'importance des mesures proposées dans le cadre du programme anti-sécheresse, ces dernières demeurent largement conjoncturelles et n'arriveront guère à soulager les effets de la sécheresse à long terme. C'est ainsi qu'une réflexion a été menée dernièrement par le département chargé des Eaux et Forêts qui tente de fournir quelques éléments pour lutter contre les effets d'une sécheresse structurelle. Selon M. Saïd Chbaâtou, ministre en charge de ce département, l'action doit porter simultanément sur trois variables. Il s'agit de réduire, en premier lieu, le poids relatif de l'agriculture dans le PIB national et d'accélérer en second lieu la mise en uvre du programme d'irrigation. Le troisième volet d'action concerne le choix des activités agricoles à privilégier parmi les contraintes connues. Pour ce dernier point, le ministre explique que, dans une économie où la sécheresse est une donnée structurelle, « il est primordial de procéder à une restructuration des activités agricoles pour ne retenir que celles qui subissent moins l'aléa climatique ». L'exemple donné est celui de l'activité céréalière et de l'élevage. Le schéma propose une réduction du poids des céréales tout en intensifiant leur culture sur des terrains à haut potentiel productif dans des zones bour irriguées. Cette opération s'accompagnerait d'un abaissement de la superficie agricole utile (SAU) de 9 à seulement 5 millions d'hectares, « le reste servant de pâturages, d'autant plus que le rendement n'y dépasse jamais en moyenne 5q/ha ». Parallèlement, une détaxation de la filière élevage devrait s'opérer pour le rendre plus rentable. « L'élevage deviendrait alors semi-intensif et moins aléatoire ». L'objectif, avance le ministre, est de préserver aussi bien le pouvoir d'achat de l'éleveur que celui du consommateur et d'atténuer la pression sur la forêt. Selon lui, il est possible de proposer la viande rouge à 30-35 DH le kg. « L'exportation deviendrait alors envisageable et plus vraisemblable encore quand la demande s'oriente de plus en plus vers les produits biologiques ». A ce niveau, le modèle de M. Chbaâtou n'est réalisable qu'à moitié. Pour le compléter, « il est important de penser à des fonds de régulation », indique le chargé des Eaux et Forêts. Comme leur nom l'indique, ces fonds auront pour mission une adaptation, le long de l'année, entre l'offre et la demande de tous les produits périssables et de la viande. « Leur mise en place permettrait une réduction des risques de chute des prix et des difficultés que pourraient vivre les agriculteurs et les éleveurs en période de surproduction ou de sécheresse », explique-t-il. Dans ce sens, une multiplication des structures de conservation et de réfrigération permettrait, quant à elle, une conservation régulatrice des produits, « ce qui constituerait un soutien inestimable pour les agriculteurs ». Cette régulation aurait ainsi la vertu d'agir sur l'économie nationale, « puisqu'elle permettrait de maintenir la croissance du secteur à des niveaux stables », est-il expliqué. « Nous souhaitons aussi à travers ce schéma sécuriser l'investissement dans le secteur ». Le ministre est clair quant aux modalités et conditions préalables de mise en place de ces structures. « Il faut développer les associations professionnelles ainsi que les contacts entre ces dernières, les élus et l'Administration. Aussi, il ne faut pas demander à l'Etat de tout faire, le secteur a de très grandes potentialités qu'il doit exploiter ».