Situation inédite que vit la Côte d'Ivoire et dont le dénouement fait craindre le pire à la Communauté internationale : un pays, deux présidents, deux gouvernements. L'historien anglais Michaël Foot disait que «les hommes de pouvoir n'ont pas le temps de lire; et les hommes qui ne lisent pas sont impropres au pouvoir». Les dirigeants actuels ivoiriens devraient, à l'évidence, s'inspirer de cette assertion. Car, une lecture de l'histoire récente de ce pays jadis prospère pourrait leur faire éviter de le précipiter dans des chouanneries encore plus meurtrières que celles qu'il a connues en 2002. Cette douloureuse expérience ne semble malheureusement pas avoir servi de leçon. Pour l'instant. Mais, que l'on se «rassure» (sic !), la Côte d'Ivoire n'est pas un cas unique. Et je le disais tantôt dans une chronique similaire. A l'heure où l'économie mondiale souffre de la crise économique, le Continent noir, lui, souffre de ses dirigeants. De ceux qui, dès les premières lueurs d'une «liberté» recouvrée, ont oublié les discours mobilisateurs pré-indépendances pour s'essayer à trouver les moyens de prolonger l'exercice du pouvoir. De ceux qui se sont affranchis du joug colonial pour rester, à n'importe quel prix, prisonniers d'un pouvoir avilissant. De ceux pour qui le goût du pouvoir vaut bien plus que les guerres civiles dont ils sont à l'origine et qui ont fait des centaines de milliers de victimes. De ceux qui s'attèlent à vite s'enrichir sur le dos du peuple avant que ne se réveillent certaines consciences rebelles pour mettre fin, d'une manière brutale, et souvent sanglante, à la dilapidation et aux détournements des fonds publics. Et pendant qu'ils se disputent les miettes que leur confère parfois un pouvoir souvent illégitime, l'Occident pille leurs ressources devant des populations crédules et fatalistes et une intelligentsia au silence bien complice. Aujourd'hui, l'équation que nos dirigeants s'ingénient à résoudre n'est point de voir comment sortir les populations de leurs souffrances, mais plutôt comment faire durer les privilèges souvent indus que leur procure le pouvoir. Et Cela, bien évidemment, suscite des vocations. Mon propos, à ce titre, va paraître cru. Première vocation : la prolifération des «prostitués» politiques sous l'emprise d'une transhumance au parfum de corruption et de compromission, avec, à la clé, la promesse d'un fauteuil douillet au sein des hautes sphères de l'Etat. En cela, est-il de plus en plus fréquent de voir un politique qui broutait hier dans les prés libéraux, ruminer aujourd'hui chez les socialistes et éructer demain du côté des communistes. Seconde vocation : travestir les principes démocratiques élémentaires pour se maintenir au pouvoir. Ou pour le transmettre… à leurs proches. Pas forcément la famille politique. La famille… tout court. Ainsi, s'essaye-t-on de plus en plus à poser maladroitement les jalons d'une succession à travers des tentatives de «filialisation» du pouvoir. Histoire de reproduire les mêmes modèles qui maintiendront toujours l'Afrique en position d'éternelle assistée. Alors, la crise ? Elle restera toujours chevillée au corps de l'Afrique tant qu'elle ne s'affranchira pas de ces «modèles-types» de dirigeants. Et malheureusement, nous ne vivrons pas assez longtemps pour en être les témoins. Pour dire que ce n'est pas demain la veille.