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Lauréats de l'enseignement français : Reviendra ou reviendra pas au bercail ?
Publié dans Finances news le 23 - 12 - 2010

La question s'impose dans un contexte marqué par la crise en Europe et les opportunités intéressantes qu'offre le marché marocain.
Les lauréats sont prêts à sacrifier jusqu'à 30 % de leur salaire pour revenir au Maroc.
Le marché de l'emploi au Maroc étant à tendance généraliste, les profils pointus sont également difficiles à caser.
Les «revenants» se heurtent à beaucoup de difficultés qu'il faut anticiper avant de franchir le pas.
Le retour au Maroc est une question que se pose l'étudiant marocain partant finir ses études à l'étranger avant même d'avoir quitté le bercail. Une question à laquelle il est encore et toujours difficile de répondre.
L'une des rares études à ce propos est celle réalisée par Maroc Entrepreneurs en 2006. Cette grande enquête a été effectuée auprès d'un échantillon de 1.823 Marocains de l'étranger et 335 personnes ayant franchi le pas du retour. Il ressort de ces résultats que plus de 85 % de Marocains de l'étranger sondés sont favorables au retour. L'enquête met également en évidence l'importance de l'entrepreneuriat dans le cadre d'une démarche de retour, puisque près de 45 % des sondés souhaiteraient s'installer au Maroc dans le but de créer leur propre entreprise.
Pour les Marocains rentrés au pays, une minorité d'entre eux (36,4%) est revenue immédiatement après les études. En terme de satisfaction, le bilan de leur retour est plutôt positif : ils sont plus de 60 % à être assez satisfaits sur les plans professionnel et personnel.
Les cas changent et diffèrent selon les formations, le temps passé à l'étranger, l'expérience cumulée… La question se pose avec acuité pour les étudiants marocains lauréats d'écoles françaises pour la simple raison qu'ils sont plus de 7.000 à faire chaque année le choix de l'Hexagone pour poursuivre leurs études, soit plus de 60 % de ceux qui partent à l'étranger. Le pays au drapeau tricolore accueille donc une vraie manne de compétences marocaines. Des compétences qui se trouvent dans un contexte particulier marqué par un ralentissement économique et une hausse du taux de chômage dans leur pays d'accueil et d'un autre côté, face à un bon comportement de l'économie marocaine malgré la crise. Economie marquée par de grands chantiers structurants nécessitant des ressources humaines hautement qualifiées.
Pourquoi serait-il, dans pareilles conditions, difficile de répondre à cette question de retour ? La première raison communément reconnue est le manque d'information et de communication entre les lauréats et le milieu professionnel au Maroc. Une question qui a été l'un des principaux facteurs de la création du Club France Maroc à l'initiative de l'ambassade de France au Maroc et de la Chambre Française du Commerce et d'Industrie au Maroc. L'idée étant de créer un lien entre les Marocains lauréats des écoles françaises et les acteurs économiques du Maroc. «L'un des objectifs de ce club est de faire rencontrer l'offre et la demande. Et depuis la création du club, nous avons enregistré quelque 1.200 inscriptions sur le site, essentiellement par de jeunes lauréats désireux de rentrer au Maroc», explique Emilie Marquis, chargée de mission au Club France Maroc.
Une chose est sûre : le marché marocain est demandeur, comme le souligne Philippe Montant, Directeur de ReKrute.com. Pour lui, «les lauréats d'écoles françaises sont plus demandés par rapport à d'autres universités étrangères». Cela dit, pour Philippe Montant cela ne se traduirait pas forcément par un triplement de salaires par rapport à un diplôme équivalent dans une école marocaine. Sauf évidemment pour des écoles comme Polytechnique qui n'a pas son équivalent ou de diplôme similaire. Les lauréats de Polytechnique peuvent négocier jusqu'à 50 % de plus pour un poste similaire.
Cette demande du marché marocain de diplômés du système français concerne également les écoles délocalisées. «Mais, les diplômés de France ont plus de chance de décrocher un emploi et de bien négocier un salaire puisqu'ils bénéficient souvent d'une expérience professionnelle, d'une bonne maîtrise de la langue et surtout d'une meilleure autonomie», ajoute Philippe Montant qui souligne également des demandes de profils précis comme ceux de l'EFA qui ont une formation professionalisante.
Chose que confirme A. M., lauréate de l'EFA. «Ce n'est pas forcément le fait d'avoir un diplôme français qui intéresse les employeurs, c'est tout le concept de l'école, son diplôme professionnalisant, le marketing et le lobbying qui ont été faits atour, qui ont fait que les EFaistes soient demandés par les entreprises».
Pour les recruteurs, cette demande s'explique par le caractère généraliste du marché de l'emploi qui privilégie les profils pouvant facilement être orientés vers d'autres métiers.
Pour A. M., il est difficile de déterminer si le diplôme français donne un quelconque avantage par rapport à d'autres écoles marocaines, mais ce qui est sûr c'est qu'au travers du réseau des anciens élèves, les nouveaux étaient informés de ce qu'ils valaient sur le marché de l'emploi et négociaient en conséquence le salaire. «Les lauréats des écoles françaises sont plus rodés au processus de recherche d'emploi, de suivi des demandes et de négociations de salaires. Ils intéressent particulièrement les recruteurs», souligne le Directeur général de Rekrute.com.
Cela dit, une tendance du marché veut que les lauréats qui restent longtemps à l'étranger et qui ont des expériences de plus de
10 ans, trouvent difficilement des opportunités intéressantes au Maroc. Soit parce qu'ils sont très spécialisés, une compétence dont n'a pas forcément besoin le marché professionnel, soit parce que leurs prétentions salariales ne sont pas très abordables !
«La plupart des lauréats reviennent après 4 à 5 ans d'expérience à l'étranger. Et plus on attend, plus il devient très difficile de revenir», souligne Emilie Marquis, du Club France Maroc.
Suffit-il d'un emploi ?
Conditionner le retour au Maroc par le salaire qu'on obtient n'est pas forcément la meilleure façon de motiver un retour au bercail. En effet, comme le montre la grande enquête de Maroc Entrepreneurs, 60 % des sondés se disent au moins assez satisfaits sur les plans professionnel et personnel. Cela nous laisse 40 % dont l'enquête ne parle pas !
«Vous savez, les personnes désireuses de rentrer au Maroc disent être prêtes à sacrifier jusqu'à 30 % de leur salaire et travailler au pays. Mais elles ne gagnent pas au change pour la simple raison qu'au départ il y a un manque de visibilité, non pas sur le salaire, mais sur le niveau de vie au Maroc. Le niveau de vie de Casablanca est pratiquement équivalent à n'importe quelle ville française, notamment quand on ajoute les frais de scolarité qui sont élevés au Maroc», ajoute Emilie Marquis.
C'est le cas de J. K., rentré au Maroc après
6 ans passés en France. «J'ai eu une offre d'un grand cabinet à Casablanca et j'ai accepté. Il est vrai que le salaire était moins élevé, mais j'ai préféré rentrer dans mon pays avec ma femme et mon enfant. Mais, j'ai vite déchanté ! Le niveau de vie à Casablanca est excessivement cher puisqu'il est onéreux d'être bien logé, qu'il est indispensable d'avoir une voiture vu la qualité du transport en commun, et qu'il est primordial d'inscrire mon enfant dans une école privée pour qu'il reçoive un enseignement de qualité. En fin de course, ma femme et moi travaillons comme des forçats et nous ne pouvons plus nous payer certains loisirs comme par le passé !», déplore J. K. qui pense sérieusement repartir dans un autre pays autre que le Maroc, notamment à cause des conditions sociales qu'il juge floues et peu équitables.
Emilie Marquis nuance. Pour elle, les personnes ayant fait leurs études à l'étranger, en France ou ailleurs, s'inscrivent dans une mobilité circulaire et peuvent revenir au Maroc et repartir vers d'autres pays.
Cela dit, un lauréat averti vaut mieux que deux et, face au manque d'informations sur ce sujet qui peut éventuellement se traduire par un manque de visibilité, le Club France Maroc organise la première rencontre Entretiens qui se tiendra autour de la contribution des lauréats de l'enseignement français au développement du Maroc. Cela permettra aux lauréats marocains de France de voir les différentes possibilités qu'offre le marché marocain, les filières en vogue et avoir des entretiens avec des opérateurs économiques du pays. Une occasion en or pour tâter le terrain avant de prendre une décision lourde de conséquences qu'implique un retour au bercail !


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