Journaliste-reporter et écrivain, Hinde Taarji aimait à se poser, enfant, comme un garçon manqué. Elle avait un tempérament frondeur et rebelle. Journaliste-reporter et écrivain, Hinde Taarji aimait à se poser, enfant, comme un garçon manqué. Elle avait un tempérament frondeur et rebelle. On peine à le croire vu que cest une femme qui a un joli minois et, pourtant, elle avait du mal à se cantonner dans un rôle de fille éduquée dans des règles strictes au sein dune société patriarcale. Et pour cause, «pour moi, être fille signifiait être soumise, du coup, je ne parvenais pas à maccepter en tant que telle». Cela deviendra un trait de personnalité et elle continue dans cette démarche jusquà il y a cinq ans lorsquelle se réconcilie avec sa féminité en se décidant enfin à se marier. Un déclic ou plutôt une rupture vu que cette nouvelle situation impliquait un grand changement dans son mode de vie dans la mesure où elle avait dorénavant ce devoir de vivre en société. Non pas quelle sen était isolée, mais disons quaprès un long célibat, on se complaît dans ses idées. «Quand on vit seul, on nest pas dans une obligation permanente de compromis». Ce nouveau statut lamène à composer, mais comme elle a un goût effréné de liberté et dindépendance, elle tente, tout en étant mariée, de rester fidèle à elle-même. Elle ne regrette pas pour autant son célibat : «La vie de célibataire est facile dans la mesure où on ne fait pas deffort pour sadapter, mais difficile parce quelle implique une grande solitude». Cela dit, au moment de ce saut dans la vie à deux, il ny a pas eu de rupture dans son parcours intérieur puisque sa personnalité na pas changé, si ce nest quil faut maintenant affronter cette nouvelle réalité où il faut adapter ses idéaux à la vie quotidienne. La fibre de féminité a donc fini par la rattraper, tout en étant une femme qui nest pas réduite au statut traditionnel. Si lon samuse à retracer son long et inédit parcours de journaliste, notamment ses voyages dans certains pays qui étaient ou qui sont toujours en conflit, on sétonnerait du courage de ce petit bout de femme. Notamment quand on lit son livre «Voyage au cur de lIntifada», paru dans Tarik Editions en 2002, où elle retrace le vécu du conflit israélo-palestinien. Elle brosse un portrait inédit de cette question, en se mettant en première ligne du front, où plutôt des fronts, puisquelle a traité la question des deux côtés. Mais elle se défend davoir du courage : «Je suis comme un enfant à qui lon na pas dit que telle ou telle chose était dangereuse. Je nai pas grandi dans la méfiance, du coup je nai pas beaucoup de mérite à être comme je suis. Je me lance et ce nest quaprès que je ressens de la peur !». Sa force, elle la tient fondamentalement de son père, de sa mère aussi. «Jai eu la chance davoir un père qui avait une foi absolue en lêtre humain. Cétait un patriote et un humaniste comme il nen existe plus. Pour lui, la bouteille était toujours à moitié pleine, jamais à moitié vide. Dautre part, il appartenait à cette génération de Marocains pour qui le développement du Maroc passait par lémancipation de la femme». Et comme charité bien ordonnée commence par soi-même, le père de Hinde Taarji a toujours encouragé ses enfants à faire ce en quoi ils croient. A aller jusquau bout de leurs idéaux. Il est son modèle dans la vie et lui a appris la confiance en soi et dans les autres. Optimiste et généreux, son père ne cessait de répéter que lhumanité réunissait tous les hommes, quelles que soient leurs différences. «Il était toujours plein de confiance. Je me rappelle encore sa réaction quand jai voulu aller en Algérie en 1996. Ce pays était lobjet dune violence extrême. Autour de moi, tout le monde pensait que jétais folle daller maventurer dans un tel bourbier. Mon père, lui, na pas cherché à me dissuader. Comme il avait été en Algérie en 1945, il ma donné le nom dun de ces anciens amis de lépoque et ma demandé dessayer de le retrouver !». La confiance inébranlable dans la vie que cultivait son père était un privilège fondamental pour Hinde Taarji afin davancer dans la vie. Une confiance qui lui a donné le goût du défi et qui la emmenée à Beyrouth à une époque où la capitale libanaise essuyait 50 obus par jour. Mais Hinde Taarji ne voulait ni ne pouvait faire marche arrière. La veille de son départ, dans son lit, elle ne cessait de regarder son grand orteil et elle sest prise daffection pour lui. «Je métais demandé si je laurais toujours à mon retour». Elle était convaincue quau pire des cas, elle ne resterait la-bas que trois jours. Elle est restée finalement trois semaines ! Née sous le signe de la Balance, Hinde Taarji est un magnat du travail ; bien quelle travaille dans un cadre agréable, chez elle, sans pression, lambiance des rédactions lui manque un peu. Alors, pour boucler dans les délais, elle se fait parfois violence quand elle juge quelle traîne. Mais de manière ordinaire, elle agence très bien son emploi du temps entre sport, loisirs, travail et famille. Et cest un gourmet «gourmand» qui aime concocter de bons plats. Matinale, elle se lève en général vers 7h30, regarde son feuilleton préféré Top Models, petit-déjeuner, footing jusquà la côte, pique une tête dans leau quand il fait chaud puis revient en taxi à la maison où elle retrouve son confident, lordinateur. Lenquête journalistique reste son domaine de prédilection. Et actuellement elle travaille sur une thèse danthropologie sur les relations judéo-musulmanes. Femme de terrain avant tout, elle confie néanmoins quil nest pas aussi facile que cela de nouer contact avec les gens. «Être journaliste nempêche pas dêtre timide. Je peux donner limpression davoir une facilité de contact, mais ce nest pas évident. Ceci étant, cest un métier formidable !». Cela dit, elle a développé une grande capacité à capter les mutations de la société et tout ce qui se fait autour delle. Et elle a une approche bien particulière en la matière : «Jai rarement été déçue quand je vais vers les autres. Jai toujours constaté en effet que lorsque vous abordez quelquun dans le cadre dune démarche de respect et de sincérité, il se met dans la même posture que vous. Du coup, même en cas de divergence, les gens vous respectent. En fait, on reçoit en fonction de ce quon donne». Mais si les choses sont aussi simples de manière globale, quand la relation est distinctive et quand laffect est impliqué, «cest autre chose». Hinde Taarji fait partie de ces gens qui accordent beaucoup dimportance à lamitié. Elle souffre quand une amitié meurt et vit cela comme un immense échec. «Lamitié nécessite constamment le don de soi !». Cartésienne, Hinde Taarji est toutefois subjuguée par des phénomènes irrationnels comme la télépathie. Il lui est arrivé une fois de penser très fort à une personne quelle ne savait où joindre, quand le téléphone sonna. Cette même personne était au bout du fil. «Il y a des choses irrationnelles qui viennent rappeler les limites de la pensée». Elle croit également en Rdat El Waliddine, «cette protection qui nous vient des gens qui nous aiment !». Franche, elle ne simpose pas de lignes rouges dans ses écrits si ce nest cette hantise de ne blesser ou causer du tort aux gens. Si le temps pouvait revenir en arrière, il y aurait beaucoup de choses quelle aurait modifiées. «Je ne serais pas passée sur ma vie de femme, je me serais mariée à 20 ans et jaurais eu des enfants. Ne pas avoir vécu la maternité est un manque terrible. Mais dans la vie, on ne fait pas de brouillon, tout sécrit au propre. On ne peut pas déchirer la page».