Créée en septembre 2000, l'AFEM fête ses 10 ans d'existence. Regroupant plus de 500 adhérentes, l'Association compte plusieurs réalisations, dont la mise en place d'un incubateur à Casablanca. Mobilisation et détermination des membres, structuration et organisation, certification ISO 9001 … autant d'atouts qui ont permis son succès. Soraya Badraoui, présidente de l'AFEM, revient sur les principaux moments forts de ces dix années d'activité associative et entrepreuneuriale, mais aussi sur les projets. - Finances News Hebdo : L'AFEM fête en cette fin d'année ses dix ans d'existence. Quels en ont été les faits marquants ? - Soraya Badraoui : Je vous rappelle que l'AFEM a été créée le 28 septembre 2000 par une poignée de main de femmes entrepreneurs enthousiastes. J'ai adhéré à l'Association quelques jours après sa création, donc j'ai pu vivre avec passion toute son évolution durant ces 10 ans. En tant que membre, trésorière générale par la suite, et actuelle présidente, je ne peux que me féliciter du travail accompli par toutes les forces vives de notre Association. En effet des résultats satisfaisants ont été obtenus. En créant l'AFEM, notre vision était de mieux positionner la femme chef d'entreprise marocaine pour que cette dernière devienne partie prenante du développement socio-économique de notre pays. Notre objectif était d'impulser et de booster l'entrepreneuriat féminin avec deux missions principales : Aider la femme entrepreneur à consolider et à développer son entreprise, mais aussi à encourager celles porteuses de projets à créer leurs entreprises et d'accomplir ainsi leur rêve. Nous avons réalisé, durant ces dix ans, de nombreuses actions et divers projets qui ont favorisé la consolidation et l'épanouissement de notre Association. L'AFEM compte aujourd'hui plus de 500 adhérentes. Les faits marquants sont nombreux, je cite : l'ouverture de notre première délégation régionale à Rabat et, par la suite, celles de Tanger, Fès, Marrakech, Agadir, El Jadida et très bientôt celle de Meknès et Oujda. Nous avons décroché la certification ISO 9001. De plus, nous avons eu l'honneur de siéger dans divers Conseils d'Administration d'institutions telles que la CGEM et l'ANPME… Je cite également l'ouverture de notre incubateur à Casablanca et la réalisation du projet Reprofilage et du projet Genre qui ont nécessité beaucoup d'efforts et de mobilisation de la part de la structure permanente et du Board. Tout ceci a démontré la capacité de notre Association à mettre en place des projets structurés et gagnants. C'était un challenge qui nous a permis de fédérer plusieurs ressources au sein de l'AFEM et de nouer des partenariats avec des institutions au niveau national (ministères, universités, offices…), et international (ICID, GTZ, MEPI, UE…) afin de trouver les moyens nécessaires pour mener à bien ces projets en matière d'expertise, de financement et de soutien comme l'octroi d'un local pour notre incubateur par le ministère des Habous. Nous voulions donner une chance à d'autres femmes de suivre le même chemin que nous et, surtout, de les accompagner pour qu'elles puissent réussir. Nous étions un groupe de femmes, membres fondatrices et autres qui croyaient en ces projets, notamment la présidente fondatrice de l'AFEM. Nous pouvons dire aujourd'hui que ce sont de belles réalisations. A travers nos projets, nous nous réjouissons d'avoir contribué à l'embauche à Casablanca d'une centaine de jeunes filles diplômées et d'avoir aidé à la création d'une cinquantaine d'entreprises au sein de notre incubateur «Casa Pionnières». Pour l'anecdote, récemment, une jeune incubée a publié le premier journal sportif arabophone gratuit. Cette dernière a pu étoffer son entreprise qui compte aujourd'hui plus de dix salariés. C'est un rêve qu'elle réalise et c'est une réelle satisfaction pour nous ! Ces divers projets ont permis à des compétences féminines d'émerger et d'aller jusqu'au bout de leurs ambitions. L'un des moments qui m'ont marquée personnellement est celui de la remise du Trophée Khmissa à un membre de notre Conseil d'Administration, mon amie Souad Doumiri. C'était un moment de grande émotion. Début décembre, nous célébrerons le 10ème anniversaire de l'AFEM. A cette occasion, une conférence sera organisée et au cours de laquelle nous présenterons les résultats d'une étude en cours qui trace l'évolution de l'entrepreneuriat féminin durant ces dix dernières années. - F.N.H. : Et si on faisait un flash-back. Dans le Maroc d'il y a dix ans, comment était accueillie l'idée de créer une association dédiée aux femmes chefs d'entreprise ? - S. B. : Il est vrai qu'à l'époque cette question revenait souvent : « Pourquoi une association pour les femmes chefs d'entreprise ? », surtout qu'il existe une Confédération, la CGEM, qui regroupe tous les entrepreneurs du Maroc, tous secteurs confondus. Mais, la réponse à cette question est simple et émane de la spécificité de la femme qui, tout en travaillant, consacre également une bonne partie de son temps à sa famille. Pour la femme, qu'elle soit entrepreneur ou salariée, elle doit concilier entre sa vie privée et sa vie professionnelle. Créer cette association c'est surtout mettre en place un espace où les femmes peuvent exprimer leurs attentes, leurs contraintes et où elles partagent leurs expériences. De plus, des associations comme l'AFEM existent partout dans le monde et sont même constituées en réseaux auxquels nous adhérons. La haute autorité du pays, Sa Majesté le Roi, que Dieu l'assiste, a toujours encouragé l'épanouissement et la réussite de la femme marocaine. Au début, certains grands chefs d'entreprise se sont interrogés sur la création de l'AFEM tandis que d'autres nous ont vraiment soutenues et ont cru en nous. Je citerai, à titre d'exemple, les ex-Premiers ministres Abderrahmane Youssoufi, Driss Jettou, ainsi que les ex-présidents de la CGEM. Et dans la continuité, le Premier ministre Abass El Fassi et mon ami Horani, l'actuel président de la CGEM, suivent le mouvement. - F.N.H. : Certaines expériences de mentoring se sont rapidement essoufflées mais pas l'AFEM. Quel est le secret de la pérennité de cette Association et de ses actions ? - S. B. : Vous savez, il n'y a pas de secret. La réussite de toute aventure humaine est tributaire de la volonté et de l'engagement des hommes et des femmes qui la soutiennent et qui croient aux projets pour les faire aboutir. C'est une ressource qui n'a jamais manqué à l'AFEM. La mobilisation des membres, la ténacité et la volonté déterminée des membres des bureaux successifs et le dynamisme permanant d'une équipe de salariés, sont les vraies clés de succès de notre Association. Nos conditions de réussite sont aussi la structuration et l'organisation, je fais allusion à notre certification ISO 9001. L'un des points forts de notre Association est son élargissement sur le Maroc à travers des délégations régionales. Nous nous focalisons aussi sur les offres de services à nos adhérentes (formations, informations, conférences, networking et autres…) afin de répondre à la demande de la femme entrepreneur. Notre succès s'articule également autour de projets innovants ayant abouti. Dans notre aventure, nous avons eu le privilège d'avoir reçu le soutien des partenaires et institutions qui ont vraiment cru en nous et qui se sont mobilisés à nos côtés pour concrétiser nos projets, Le chemin est encore long devant nous, il y a tellement de choses à réaliser et à accomplir dans ce Maroc en mouvement. Notre Association a encore de beaux jours devant elle ! - F.N.H. : Quels sont à ce jour les problèmes que peuvent rencontrer les femmes chefs d'entreprise dans leur quotidien et dans l'accompagnement d'autres femmes porteuses de projets au Maroc ? - S. B. : Pour un entrepreneur, chaque jour est un défi pour parvenir à faire vivre ou développer son entreprise. Et cela fait partie de notre quotidien. Pour les femmes, les entraves sont encore plus importantes (accès au marché public, au financement, aux réseaux…) et ceci pour des raisons culturelles et sociales. Dans les grandes villes, Casablanca et Rabat, ces soucis s'estompent, vu la pluralité, mais dans les régions le combat est plus dur pour avoir une équité professionnelle. Souvent ces entraves sont aussi dues à la taille des entreprises ainsi qu'au manque d'accès aux formations et à l'information. C'est là où notre Association joue son rôle d'intervenant. A l'AFEM, nous faisons preuve de mobilisation continue, de lobbying et de networking pour encourager l'entrepreneuriat féminin. - F.N.H. : Quels sont vos projets futurs ? - S. B. : Dupliquer les expériences réussies telles que l'incubateur, le reprofilage au niveau des autres régions. Nous sommes d'ailleurs en pleine tournée pour rencontrer différents partenaires dans différentes régions en vue de nous accompagner dans cette démarche. Participer à divers forums internationaux pour promouvoir l'entrepreneuriat féminin marocain et lui permettre de se faire connaître pour pouvoir exporter ses produits et ses services. Faire siéger l'AFEM dans davantage de Conseils d'Administration d'institutions à vocation économique. Monter de nouveaux projets, notamment celui de mettre en avant le savoir-faire de la femme marocaine pour permettre la création d'un label protégé des produits du terroir et de l'artisanat marocain, imaginés ou fabriqués bien sûr par des femmes au Maroc, permettant la promotion et la commercialisation de leurs produits sous forme de réseau en franchise sur le marché local et à l'export. Elles sont dépositaires de tout un patrimoine qu'il faudra labelliser et protéger. On fera en sorte que le fruit de cet effort leur revienne afin qu'elles soient partie prenante au développement économique et social de leurs régions respectives. Dans la Loi de Finance 2011, M. Mezouar, ministre des Finances propose une fiscalité allégée avec un IS à 15% pour les entreprises qui font + ou - 2.000.000 de CA ; pourquoi pas, dans la lancée penser à une fiscalité allégée pour les entreprises dirigées par les femmes ? Propos recueillis par Imane Bouhrara