La Compagnie de théâtre Labrija Ibdaâe d'El Jadida a présenté son nouveau spectacle, « Bouâzizi » ou « L'homme sous le soleil ». Après une gestation de 12 mois, la pièce a été enfin présentée le 26 septembre à la salle de conférence de l'ENCG. « Une avant-première, c'est brut, fragile. On est un peu à nu… Il faut l'accepter. L'avant- première, c'est toujours un enthousiasme fragile. », nous a confié le metteur en scène de la pièce Saïd Khajjou. Cependant, la troupe semble apporter, malgré tout, ses enchantements. Inspiré du répertoire de feu Mohamed Saïd Afifi, le spectacle s'ouvre sur une vieille femme, campagnarde à la triste figure, qui annonce ce dont il sera question, amour, trahison, désespoir et enchantements. Elle sort de la scène, matérialisée par une modeste maison, pour faire place au récit enchâssé, l'histoire de Bouâzizi, de son histoire mystérieuse et de son amour pour Habiba. Et c'est là qu'apparaît la richesse du spectacle. Les enchantements du récit sont relayés par la magie du théâtre, pourtant dévoilée nue, sans fards. Le spectacle en lui-même est un récit à part entière dans lequel s'inscrit celui de Bouâzizi. Et malgré qu'il ya peu de moyens, il ya beaucoup de talent et la magie opère. « C'est épique, théâtralisé mais ça n'empêche pas la vérité. Ce qui me plaît, c'est comment on raconte la douleur au théâtre aujourd'hui.», nous a déclaré l'acteur principal, Mohammed Rabbani. Cette magie n'est possible que par la simplicité des moyens, propice à l'ingéniosité. « Avec très peu de moyen, on peut partir dans une magie. C'est pourquoi on part d'un décor simple. Le comédien, c'est l'instrument essentiel.», a rétorqué le metteur en scène de la pièce Saïd Khajjou. Par sa mise en scène, simple, juste et enchanteresse et un jeu d'acteurs admirable, « Bouâzizi » ou « L'homme sous le soleil » offrait, pour le coup, un réel enchantement. Quant à l'enthousiasme palpable des comédiens, il donne envie de faire du théâtre. Adaptée par Haj Abdelmajid Nejdi d'après la pièce de théâtre « le Système Fabrizzi » d'Albert Husson, et revue et réécrite par feu Mohamed Saïd Afifi qui l'a intitulée « Bouâzizi » ou « L'homme sous le soleil », est une explication souriante et originale d'un miracle bien connu: la multiplication des'' dons''. Antonio Fabrizzi (Bouâzizi) est un bienfaiteur de l'humanité. Bouâzizi est l'auteur d'un système quelque peu surprenant et qui pourrait assez vite lui causer de gros ennuis. Il assure en effet des taux extravagants à ceux qui lui confient de l'argent, car… il ne compte pas. Il emprunte et prête à qui en a besoin, mais il emprunte à 30 % et prête à trois ! Il passe beaucoup de monde et beaucoup d'argent chez Bouâzizi. Ce qui lui vaut une énorme clientèle. Comme d'autre part, il ne délivre ni n'accepte de reçu, tout le monde y trouve son compte, sauf la banque locale qui demande une enquête… À tel point que les autorités s'y intéressent et même la brigade financière. Et puis un jour, une jeune arrive... Jusqu'ici, les emprunts subvenant aux besoins, tout allait bien, mais Bouâzizi n'est pas un Etat qui peut faire fonctionner la planche à billets, alors il risque gros. Heureusement qu'il existe des miracles, providence des philanthropes ! Que va devenir le "système Bouâzizi"? Voici enfin une pièce réellement amusante et qui détend, gentille sans être sucrée, burlesque sans artifice, loin de toute vulgarité et douée de la magie d'un vrai théâtre. Une pièce bien faite, vive, sensible, intelligente, sympathique d'humeur et d'esprit. Une pièce agréable à écouter et à regarder. Une pièce qui fait honnêtement son métier de pièce, c'est-à-dire avec autant de modestie que de finesse, et sans forcer le divertissement. Un grand bravo aux comédiens Ahmed Tamim, Jaouad Lamani, Mohammed Zaila, Abdessadek Âbada, Rachid Nahidi, Noureddine Chahbi et surtout à Khadija Nekkatte, Mohammed Rabbani et Saïd Khajjou. Car, grâce à eux, la pièce est vraiment un conte charmant qui fera peut-être sourire ceux qui confondent pesanteur et profondeur. Ceux-ci seront sensibles à sa constante malice, à une philosophie qui ne chausse pas de lourdes semelles, à une bonne humeur, une gentillesse réchauffées par le ‘'soleil Jdidi''. C'est un divertissement d'une rare finesse de touche. L'oreille, charmée par un dialogue vaporeux comme un « Bouâzizi », se laisse bercer par cette satire du conventionnel, n'épargnant pas, au passage, ces hiérarchies que sont le fkih et le sheikh du douar. Alors, ne cherchez pas à El Jadida où l'on joue la comédie la plus fine, la plus ingénieuse et la plus gaie de la saison. Rendez-vous tout droit pour voir la prochaine fois « L'homme sous le soleil ». La réussite est complète. C'est comme un tour de cartes. Ne parlons pas de philosophie. Il s'agit d'une comédie légère, d'une attrape. La gaîté y règne. Cela fait passer plus de deux heures dans l'euphorie. C'est assez pour procurer une charmante soirée : allez goûter donc « la Cuisine de Bouâzizi » après la prochaine réouverture du théâtre d'El Jadida qu'on aimerait bien qu'il porte le nom du Théâtre Marocain, feu Mohamed Saïd Afifi. La Compagnie Labrija Ibdaâe Dédiée à Mohamed Saïd Afifi, la Compagnie Labrija Ibdaâe d'El Jadida a été constituée, il ya presqu'un an. Elle permettra aux habitants de la province de rester en contact avec leur culture d'origine, tout en suivant l'évolution des arts dans le pays en particulier et dans le monde en général. Selon son président Haj Abdelhakim Ben Sina, la Compagnie Labrija Ibdaâe ambitionne de mettre en avant la culture doukkalie et marocaine, dans une société mondiale multiculturelle et multiethnique. Cette nouvelle compagnie, qui réunit 57 anciens comédiens des anciens comédiens et acteurs démontre le besoin et l'envie de se regrouper pour animer la province d'El Jadida. Elle a pour but de « promouvoir le théâtre par la production et l'organisation de spectacles vivants et par la mise en place d'ateliers de pratique théâtrale ». Ses activités du Théâtre qui seront multiples tout en restant cohérentes entre elles : création professionnelle, accompagnement de troupes amateur, sensibilisation du public par des répétitions publiques ou des rencontres avec les comédiens, mise en place d'activités théâtrales dans des écoles ou des établissements socioculturels, utilisation de l'expression théâtrale pour des actions de formation, de prévention, d'insertion... De même, le travail avec les amateurs permettra d'ouvrir un lieu de rencontres et d'échanges, un terrain d'expérience qui nourrit la création culturelle et artistique. Ainsi, le travail de cette troupe auprès des amateurs sera parti intégrante de l'identité de la compagnie. Et, au delà d'une recherche de qualité artistique et d'un désir fort d'inscrire la pratique des amateurs dans le champ de la culture, son Théâtre multipliera ses objectifs : l'ouverture et la transmission d'expériences acquises par ses comédiens pendant plus de 30 années de théâtre, la consolidation des liens entre les individus en partageant la passion du théâtre, l'enrichissement du paysage culturel, l'émergence d'envies artistiques.