Interviewé par Lamiae Boumahrou | Malgré la pandémie, de nouvelles opportunités d'études à l'étranger ont été créées au profit des étudiants marocains. Les programmes de bourses promus sont passés de 33 durant l'année universitaire 2017-2018 à près de 90 en 2020-2021. Anas Bennani, directeur de la coopération et du partenariat au ministère de l'éducation nationale, de la formation professionnelle, de l'enseignement supérieur et de la recherche scientifique revient sur les faits marquants de deux années exceptionnelles marquées par la pandémie Covid. EcoActu.ma : L'année universitaire 2020-2021 a été marquée par la persistance de la crise sanitaire. Comment qualifieriez-vous cette année ? Anass Bennani : L'année universitaire 2020-2021 a été, en fait, l'année de tous les défis, vu qu'elle s'inscrivait déjà dans le prolongement de celle l'ayant précédé et qui était manifestement encore plus difficile et incertaine, car imprévisible. Les années universitaires 2019-2020 et 2020-2021 ont été, pour le moins que l'on puisse dire, deux années exceptionnelles. Elles ont dévoilé, au grand jour, toutes les limites et imperfections de modèles et dogmes que nous avons invariablement prônés et que nous avions considérés jusque-là comme infaillibles. Elles ont révélé, en revanche, toute l'étendue de l'intelligence collective des acteurs du champs éducatif et consacré les vraies valeurs universelles que nous omettons hélas par moment. Je crois que, durant ces deux années, nos capacités intellectuelles ont été fortement stimulées, en vue de solutions ingénieuses au service de l'innovation, à même d'assurer cette continuité pédagogique, d'une part, que nous avons haut la main réussie, et cette continuité administrative, d'autre part. L'agilité, l'anticipation, la flexibilité, ... sont autant de concepts managériaux qui ont ainsi pris tout naturellement le dessus dans notre organisation et gouvernance, en sus bien entendu de ceux inhérents à la générosité, au dévouement et à l'altruisme. Jusqu'à quel degré la pandémie a-t-elle impacté la coopération dans les domaines de l'enseignement supérieur et de la recherche scientifique ? Au début de la propagation de la pandémie, notre souci premier fut d'anticiper, et de limiter après, autant que possible, les conséquences, encore inconnues à ce moment-ci, d'une telle situation sur la gestion des programmes de coopération que nous entreprenons et gérons, tant au niveau central qu'au niveau des Universités. Mais, une fois le heurt des premières semaines a été relativement contenu, nous avons opté pour une approche plus proactive, consistant à transformer la pandémie et ses conséquences en opportunités pour, d'abord, consolider davantage, puis, diversifier nos partenariats. Dans ce cadre, et à titre d'illustration, la concertation étroite avec nos différents partenaires étrangers en matière de mobilité estudiantine a permis le maintien de la quasi-totalité des programmes promus, que ce soient ceux relatifs à la mobilité entrante des étudiants internationaux, ou ceux liés aux bourses à l'étranger à destination des étudiants marocains. Mieux encore, de nouvelles opportunités d'études à l'étranger ont été créées au profit de nos étudiants, puisqu'on est passé de 33 programmes de bourses promus durant l'année universitaire 2017-2018 à près de 90 en 2020-2021. Dans le même sens, nous avons conçu et lancé, en partenariat avec les 11 Universités privées et celles créées dans le cadre du partenariat, un programme de bourses d'excellence que nous avons baptisé Moroccan Scholarships for African Youth, dédié exclusivement aux étudiants issus des pays africains, et suivant lequel 303 bourses leur ont été accordées, et ce, dans 119 filières de formations, tous cycles d'études confondus. A travers ce programme, notre ambition est de pouvoir conforter encore plus le leadership du Royaume, dans le sillage des orientations de Sa Majesté le Roi, en matière d'enseignement supérieur et de recherche scientifique et de renforcer le rayonnement de l'Université marocaine, en tant que hub académique d'excellence. Durant cette période pandémique, l'accent a été grandement mis sur le développement de la coopération multilatérale, notamment en rapport avec la recherche scientifique. Je voudrais souligner, à ce propos, que le Ministère s'est associé, au mois de mai 2020, aux efforts mondiaux de lutte contre la pandémie de Covid-19, en concourant à hauteur de 3 millions d'euros à l'initiative mondiale Coronavirus Global Response, suite à l'appel aux dons lancé par la Présidente de la Commission Européenne pour mettre au point des solutions liées au développement de moyens efficaces de lutte contre le virus. Dans le même sens, nous avons entamé, avec la Commission Européenne, le processus d'Association au nouveau Programme-Cadre de l'Union Européenne Horizon Europe, doté d'un budget global de 95,5 milliards d'euros, au titre de la nouvelle programmation européenne 2021-2027. Dans cette même optique d'ouverture sur le multilatéralisme, nous avons pu obtenir, au mois de juin dernier, en notre qualité de premier pays arabe et africain, le statut de Membre-Associé auprès de la Southeast Asian Ministers of Education Organization, à l'unanimité de ses membres. L'objectif de ces entreprises multilatérales est d'améliorer l'attractivité des structures marocaines de recherche à l'international, de même que les chercheurs marocains qui pourront ainsi avoir accès aux appels à projets de recherche lancés dans ce cadre-là. La Direction de la Coopération et du Partenariat a lancé en 2019 la plateforme « maBourse » visant à simplifier la procédure aux étudiants. Quel bilan pouvez-vous dresser de ce dispositif ? Avant de répondre à votre question, je voudrais dire que maBourse, qui est une plateforme d'information à propos des programmes de bourses de coopération à l'étranger, a été développée par les fonctionnaires de la Direction de la Coopération et du Partenariat eux-mêmes, sans à avoir recours à une quelconque expertise externe. C'est une solution 100% home made. En fait, le bilan de 2 années de mise en fonction de maBourse est très positif et dépasse nos attentes de départ. D'abord, cette plateforme a permis de rapprocher notre Administration des besoins spécifiques de ses usagers, qu'ils soient étudiants ou parents, en matière d'opportunités académiques à l'international. Elle a, en fait, démocratisé l'accès à tous les marocains aux bourses de coopération, dans la transparence totale. L'information diffusée sur maBourse est illico relayée par de nombreuses autres plateformes dédiées aux études supérieures et sur les réseaux sociaux également. maBourse a permis, de même, aux étudiants marocains de pouvoir candidater aux différents programmes de bourses de façon dématérialisée, sans qu'ils ne soient contraints de faire le déplacement jusqu'à Rabat. Ceci nous semble aujourd'hui évident, mais, il faudrait savoir que c'était encore le cas il y a à peine 2 ans, au grand dam de ceux ne disposant des moyens nécessaires de s'y rendre. Ainsi, depuis sa mise en ligne en juillet 2019, nous y avons publié près de 140 programmes de formation à l'étranger, dans 70 destinations académiques à l'international, allant de la Licence au Post-Doctorat, en passant bien entendu par le Master et le Doctorat, sans oublier, entre autres, les programmes de recherche scientifique avancés, les stages de recherche ou de perfectionnement, les séjours linguistiques, les formations de courte durée et les formations à distance. Après 2 années de mise en ligne de maBourse, nous avons décelé, et en recourant notamment aux observations et remarques de ses utilisateurs, certaines limites techniques que nous sommes en train de corriger. Des fonctionnalités, non initialement prévues au départ, seront aussi intégrées dans la nouvelle version que nous nous apprêtons à lancer prochainement et qui sera certainement plus élaborée et intégrée, en particulier en matière de gestion des candidatures. La pandémie a-t-elle dissuadé les étudiants Marocains à aller poursuivre leurs études à l'étranger ? Nullement ! Mieux encore, nos étudiants ont fait preuve d'un désir jamais constaté auparavant pour la science et le savoir, pour des expériences académiques et culturelles nouvelles, que même une pandémie de cette ampleur n'a pu contenir. En effet, nous avons remarqué, avec grande satisfaction, que la demande sur les différents programmes de formation à l'étranger que nous avons promu, au titre de l'année universitaire 2020-2021, ne fait qu'augmenter, et ce, en dépit de toute cette appréhension que nous nous sommes faite au tout début, liée aux contraintes de mobilité, aux restrictions de voyage à l'international, aux mesures sanitaires, strictes dans bien des cas, dans le pays d'accueil. Pour illustrer mon propos, nous avons reçu, pour le programme de bourses en Hongrie Stipendium Hungaricum, plus de 1000 candidatures valides, alors que nous n'étions, un an auparavant, qu'à 600 candidatures. Nous avons quintuplé le nombre de dossiers reçus pour le programme de bourses au Collège d'Europe, relevant de la Commission Européenne, dans ses 2 campus à Bruges en Belgique et à Natolin en Pologne. Même la destination Chine a connu une progression significative de plus de 40% en termes de candidatures. Je ne peux que vous assurer la même tendance haussière dans tous les autres programmes de bourses à l'étranger. Quelles sont les mesures déployées par votre département pour surpasser les contraintes liées à la pandémie ? Le Département de l'Enseignement Supérieur et de la Recherche Scientifique a, dès que le confinement a été décrété, pris nombre de mesures et dispositions visant à assurer la continuité pédagogique. Ainsi, des cours et des contenus pédagogiques numériques ont été diffusés à large échelle grâce aux efforts déployés par la communauté universitaire et au concours des opérateurs télécoms, de la télévision nationale publique et des radios régionales. Je voudrais rappeler, à propos de cet enseignement à distance, que plus de 110.000 ressources numériques, sous forme de documents, d'enregistrements vidéo et audio, ont été mises à la disposition des étudiants, pendant et après la période du confinement, afin d'assurer les meilleures conditions de la continuité pédagogique, indépendamment des limites enregistrées en termes de logistique, d'infrastructures, d'équipement et de technique. Concernant la recherche scientifique, le Département a mobilisé d'importantes ressources humaines et financières pour que cette recherche contribue à l'effort national de lutte contre la propagation de la pandémie. Je citerai, à ce titre, le programme de soutien à la recherche multidisciplinaire dans les domaines en relation avec la pandémie du Covid-19 qui a été doté d'une enveloppe budgétaire de 10 millions de dirhams en vue de mobiliser les acteurs de la communauté scientifique marocaine pour l'élaboration d'approches globales permettant de comprendre et de traiter tous les aspects de cette pandémie et d'en tirer les conclusions nécessaires afin de faire face à l'éventualité d'apparition d'autres pandémies ou épidémies dans l'avenir.