La refonte du système de santé marocain est "une urgence" pour la réussite du chantier de la généralisation de la couverture médicale et de la protection sociale, a souligné Tayeb Hamdi, médecin et chercheur en politiques et systèmes de santé. Le Maroc affiche des résultats probants quant aux indicateurs de la santé (mortalité maternelle et des enfants, espérance de vie de ses citoyens..), mais ils sont au-dessous des attentes et des ambitions, a estimé T. Hamdi dans une analyse intitulée "Le système de santé marocain : Une Réforme en profondeur". A cet égard, il a plaidé pour le renforcement des moyens tout en agissant parallèlement sur les autres déterminants de santé (nutrition, habitat, revenu, sport, travail ...), relevant que l'absence de vision stratégique pour le secteur constitue une perte de temps, de budgets, d'indicateurs de santé et de chance pour le système de santé et pour la santé de la population. Ainsi, poursuit l'expert, la mise en place d'un Conseil supérieur de la santé, issu d'un débat sociétal et plurisectoriel, permettra de cadrer les différents programmes et de dégager une vision nationale stratégique. "Il est urgent de recentrer notre système de santé, à l'instar des pays développés et autres moins développés, sur les soins primaires, la médecine de proximité, de première ligne, l'éducation et la prévention", a-t-il dit. T. Hamdi a relevé par ailleurs deux grands défis à savoir la transition démographique et la transition épidémiologique. Par conséquent, il faut opter pour un parcours de soins coordonnés afin de rationaliser les efforts des professionnels de santé, des dépenses de santé, de l'usage des infrastructures et d'améliorer la qualité des soins, a-t-il dit. Mettant en garde contre le déficit chronique qui s'aggrave au niveau des ressources humaines, T. Hamdi plaide pour une carte sanitaire, territorialement et socialement, plus justice, et ce pour une rationalisation de l'offre de soins. "Plus de 50% des médecins exercent dans l'axe El JadidaCasablancaRabat Kenitra, et 4 Marocains sur 10 doivent parcourir plus de 10 km pour un premier contact de santé", a-t-il dit, notant qu'il faut orienter les investissements publics et privés vers les zones sous médicalisées, selon des normes préétablies dans la carte sanitaire (Régionalisation avancée). Abordant le financement de la santé, le médecin a fait observer que les dépenses de santé représentent moins de 6% du PIB, et plus de 50% de ces dépenses sont assurées par les ménages, alors que le budget du ministère de la santé est moins de 6% du budget général. Face à cette situation, T. Hamdi insiste sur l'élargissement de l'assiette des cotisations et son renforcement, tout en agissant sur les taxes intérieures de consommation des produits nocifs pour la santé (sur tabac, l'alcool, le sucre) avec leur rôle sur les comportements des consommateurs, outre la mise en place d'une véritable fiscalité environnementale et d'un partenariat privé-public. Dans le même ordre d'idées, un investissement dans la santé et les nouvelles technologies, paraît obligatoire selon l'expert marocain, déplorant l'absence d'un plan national de ripostes aux crises sanitaires. Sur ce chapitre, il évoque le rapport de la banque mondiale recommandant un budget à base de 1,69 dollar par habitant pour monter un programme national de riposte et de gestion des crises sanitaires, et protéger mieux ainsi le système de santé, la vie sociale et l'économie (MAP).