Ecrit par Lamiae Boumahrou | Depuis l'annonce du changement du président du Conseil de la concurrence et la décision de revoir le cadre juridique de la loi sur le Conseil et de celle relative à la liberté des prix rien ne filtre. Plusieurs questions restent en suspens en attendant le début du chantier de la réforme législative et en attendant de voir quel sera le modus operandi du nouveau président du Conseil. Le point avec l'économiste Mohammed Benmoussa. Le dossier relatif à une éventuelle entente sur les prix des hydrocarbures est toujours en instance au niveau du Conseil de la Concurrence avec de nouvelles donnes, à savoir le changement du président et le transfert des recommandations du rapport de la commission ad-hoc au Chef du gouvernement. En effet, la décision de SM le Roi remet en question essentiellement les dysfonctionnements du Conseil. Autrement dit, le dossier des hydrocarbures est toujours ouvert. Rappelons qu'à quelques jours de la décision royale, El Otmani annonçait la révision de la loi 104.12 relative à la liberté des prix et de la concurrence et la loi 20.13 relative au Conseil de la Concurrence. Depuis aucune information ne filtre ni sur le rapport ni sur la suite qui sera donnée au dossier des soupçons d'entente. Ce qui est certain, par contre, c'est que ces deux chantiers titanesques vont apporter une évolution du cadre juridique de ces deux lois, qui passera forcément par un débat politique qui s'invitera au Parlement. Et qui dit débat politique, dit débat public. Nous avons interpellé l'économiste Mohammed Benmoussa sur ce dossier qui traîne depuis des mois. « Dans le communiqué du cabinet royal, il est clairement dit que le cadre juridique de la concurrence est inapproprié, et on comprend de cela qu'il faudra veiller à l'impartialité, à l'indépendance, à la crédibilité, au renforcement de la légitimité du Conseil de la Concurrence et des organes de la gouvernance. Cette décision va dans le bon sens car malheureusement nous avons constaté que la loi régissant le Conseil de la Concurrence renferme un certain nombre de failles », a-t-il souligné. Référence faite aux organes qui constituent le Conseil de la Concurrence dont la composition ne répondrait pas à tous les critères de bonne gouvernance et d'indépendance. C'est ce qui justifie les décisions prises pour revoir tout le cadre juridique. La question qui se pose d'emblée est de savoir si le rapport de la commission ad-hoc, en possession du Chef du gouvernement, sera rendu public. Une question légitime à la veille d'un chantier législatif qui requiert une connaissance complète des tenants et aboutissants du dossier y compris le contenu du rapport. « J'aurais souhaité, à titre personnel, que le Chef du gouvernement demande l'accord de SM le Roi pour publier le rapport de la commission ad-hoc afin qu'il puisse servir de base aux discussions et décisions parlementaires qui vont aboutir in fine à un nouveau cadre juridique et législatif », a-t-il souligné. Et d'ajouter « le Chef du gouvernement conduit une politique gouvernementale, présente des projets de loi, fait appel à la majorité pour les voter et par conséquent il doit se préparer à aller au-devant d'un débat public au Parlement ». La publication de ce rapport serait souhaitable, notamment pour éclairer les députés qui seront amenés à discuter et à voter les nouveaux textes de lois. Ce qui est certain c'est que cette réforme va contribuer à combler les lacunes et les failles des deux lois en vigueur précitées. Des vides juridiques qui, dans certains cas, entravent l'application des dispositions des lois. Faut-il rappeler que le gouvernement n'est pas allé jusqu'au bout de la décision d'appliquer l'article 4 de la loi 104.12 relative à la liberté des prix et la concurrence pour plafonner les prix des hydrocarbures (pendant 6 mois renouvelable une fois). Sauf que bien après l'avis émis par le Conseil de la Concurrence sur le sujet (seul élément qui manquait à l'application de cette décision), la décision du gouvernement de plafonner les prix est restée sans suite. « En activant l'article 4 de la loi, le gouvernement pouvait avoir une fenêtre de tir de 12 mois pour procéder aux réformes structurelles du secteur des hydrocarbures. Malheureusement il n'a pas utilisé les instruments dont il disposait », précise Mohammed Benmoussa. Pour l'économiste et vice-président du Front national pour la sauvegarde de la raffinerie marocaine de pétrole la Samir, le gouvernement avait le choix soit de ne pas suivre l'avis défavorable du Conseil de la Concurrence au sujet du plafonnement soit de l'appliquer bien que facultatif. « La décision a porté sur la 2ème option bien que le gouvernement ne soit pas, constitutionnellement parlant, obligé de suivre cet avis. Toutefois, la décision défavorable du Conseil était accompagnée d'orientations stratégiques et de réformes structurelles que le gouvernement n'a pas appliquées », précise l'économiste. Avec les données dont on dispose actuellement notamment l'affirmation que le Conseil avait des dysfonctionnements internes, Mohammed Benmoussa conclut que même l'avis donné par le Conseil à ce sujet n'était pas aussi pertinent qu'on le pensait. En d'autres termes, puisque l'institution a été remise en cause, toutes les décisions prises antérieurement devraient l'être aussi. Malheureusement, tenant compte de la machine législative et de sa lenteur, la révision des deux lois et leur adoption risquent de prendre du temps non pas sans conséquence sur le consommateur qui continue de subir de plein fouet la hausse des prix à la pompe. Le nouveau cadre réglementaire sera-t-il prêt avant les prochaines élections législatives ? Cela risque-t-il de retarder la clôture du dossier des soupçons d'entente sur les prix des hydrocarbures ? Le nouveau président du Conseil de la concurrence, Ahmed Rahhou, va-t-il ré-instruire le dossier de la saisine de l'entente sur les prix des hydrocarbures de fond en comble ou va-t-il le poursuivre là où son prédécesseur l'a laissé ? Va-t-il attendre l'adoption du nouveau cadre juridique ? Y aurait-il changement des membres du Conseil ? Autant de questions qui restent en suspens en attendant le début du chantier de la réforme législative et en attendant de voir quel sera le modus operandi du nouveau président du Conseil.