Ecrit par S. Es-siari | S'attendre à un taux d'endettement de 79% du PIB à l'horizon 2021 est presque une illusion. Son évolution dépend de l'évolution de la situation épidémiologique et de l'évolution des campagnes de vaccination aux niveaux national et international. Deux indicateurs qui changent en continu. Pas seulement, deux chantiers titanesques incitent l'Etat à mettre la main à la poche. Sur la base des recettes encaissées et des dépenses émises, la situation des charges et ressources du Trésor dégage un déficit budgétaire de 7,3 Mds DH à fin mars 2021 contre un excédent budgétaire de 6,2 Mds de DH un an auparavant. Les effets de la pandémie continuent de peser… et lourdement en 2021. Les statistiques relatives aux finances publiques telles que publiées par la Trésorerie Générale du Royaume font ressortir que les recettes ordinaires ont chuté drastiquement de 7,8% à fin mars 2021. Les dépenses ordinaires n'ont baissé que de 2,7% durant la même période. En effet, durant le premier trimestre de l'année en cours, les restrictions dans certains secteurs et la fermeture des frontières continuent à déstabiliser l'équilibre des finances publiques, particulièrement à travers une baisse conséquente des recettes fiscales (5,9% ou -3.682 MDH à fin mars 2021) contre un faible recul des dépenses ordinaires (2,7% à fin mars) et une augmentation des crédits ouverts au titre des dépenses d'investissement, soit 19,6 Mds de DH à fin mars 2021 dont des dépenses en faveur de la gestion de la pandémie. Parallèlement, l'endettement public au titre du budget général pourrait s'aggraver passant de 65% du PIB en 2019 à 79% en 2021 (BAM) voire plus si la baisse des recettes fiscales persiste et se dégrade suite aux mesures de restrictions déployées durant le mois de sacré. En effet, la contribution de l'Etat au montant total de 120 Mds de DH qui devrait financer le nouveau plan de relance économique, notamment les 15 Mds de DH devant provenir du Budget de l'Etat, pourraient alourdir le déficit et l'endettement publics pour l'année 2021. Ajoutons à cela la protection sociale nécessitant la coquette somme de 51 Mds de DH/ an. Le financement de ce chantier titanesque sera assuré par la restructuration du système à travers les filets sociaux existants, la solidarité mais également la contribution de l'Etat. Toutes ces contributions vont peser et inciter le Maroc à s'endetter davantage. C'est le flou total autour de ces contributions qui ne figurent dans aucune rubrique de la Loi de Finances 2021. Dans le dernier conseil de BAM, A. Jouahri avait annoncé que le taux d'endettement du Trésor continuerait d'augmenter, passant de 77,4% du PIB en 2020, à 79% en 2021 puis à 81,3% en 2022. Ces perspectives restent toutefois entourées de fortes incertitudes liées essentiellement à l'évolution de la situation épidémiologique et à la disponibilité des vaccins aux niveaux national et international. Sur le plan macro-économique, bien qu'une vague inflationniste semble improbable dans les conditions actuelles, l'impact sur l'équilibre extérieur et celui des finances publiques est imminent, en raison de la forte dépendance aux importations des biens d'équipement et de consommation et la situation budgétaire fortement déstabilisée par le recul important des recettes fiscales. Une forte hausse de l'endettement plus que prévu par les différentes institutions (BAM, HCP…) n'est donc pas à écarter. Dette intérieure : la hausse continue Compte tenu d'un besoin de financement de 27,5 Mds de DH contre un besoin de financement de 389 MDH à fin mars 2020 et d'un flux net positif de 4,4 Mds de DH du financement extérieur contre un flux net négatif de 1,4 Md de DH un an auparavant, le Trésor a eu recours au financement intérieur pour un montant de 23,2 Mds de DH contre un recours au financement intérieur pour 1,8 Md de DH à fin mars 2020. A fin mars 2021, le financement extérieur net a été positif de 4,4 Mds de DH. Les remboursements du principal de la dette extérieure ont atteint 2,1 Mds de DH et les tirages ont été de 6,4 Mds de DH, dont 1,6 Md de DH auprès de la BIRD. Pour plus de détails, le financement intérieur résulte notamment : – du recours au marché des adjudications pour un montant net de 12,7 Mds de DH contre 18,6 Mds de DH un an auparavant ; – de la hausse des dépôts au Trésor de 14,3 Mds de DH contre une baisse de 4 Mds de DH à fin mars 2020 ; – de la ponction sur les disponibilités du Trésor auprès de Bank Al-Maghrib pour 2,6 Mds de DH contre une reconstitution de 6,9 MMDH à fin mars 2020 ; – et des autres moyens de financement notamment, le numéraire chez les comptables publics, les chèques remis à l'encaissement durant les derniers jours de mars 2021 et dont le compte courant du Trésor à Bank Al-Maghrib ne sera crédité que début avril, les avances aux régisseurs, ... S'élevant à 619,2 Mds de DH, l'encours de la dette intérieure est en hausse de 2,5% par rapport à son niveau à fin décembre 2020. Les charges en intérêts de la dette ont été de 6.264 MDH à fin mars 2021 contre 6.125 MDH à fin mars 2020, en augmentation de 2,3% ou +139 MDH. Cette hausse s'explique par la baisse des charges en intérêts de la dette intérieure de 4% (5.342 MDH contre 5.564 MDH) et par la hausse de celles de la dette extérieure de 64,3% (922 MDH contre 561 MDH). C'est pour dire les intérêts de la dette extérieure aggravent à leur tour le déficit. A fin mars 2021 et dans le cadre de la gestion active de la dette intérieure, le Trésor a procédé à des opérations d'échange de bons, en vue de réajuster le profil de la dette. Ces opérations ont porté sur un montant global de 7,8 Mds de DH. Il serait également judicieux de convertir la dette en investissements profitables à l'économie dans cette période de crise.