En prélude aux réunions de printemps 2021 du FMI, sa directrice générale Kristalina Georgieva, a alerté que malgré la reprise en cours, trop de pays sont en déclin et les inégalités économiques se creusent. « bonne nouvelle est que l'économie mondiale a retrouvé une assise solide. Les vaccins, dont bénéficient des millions de gens, sont porteur de la promesse d'un retour à une vie normale, où chacun pourra sans crainte retrouver sa famille et ses amis », s'est en ces termes que la Directrice générale du FMI s'est prononcé lors de la réunion tenue ce 30 mars en prélude aux réunions de printemps 2021 (BM/FMI). Elle a néanmoins averti que le danger est bien là, lui aussi. « Les trajectoires économiques divergent. L'accès universel aux vaccins n'est toujours pas une réalité. Trop de gens continuent de perdre leurs emplois et de basculer dans la pauvreté, trop de pays sont en déclin économique. Nous ne pouvons pas nous permettre de baisser la garde ! », explique-t-elle. Selon la directrice du FMI, les perspectives de l'économie mondiale demeurent néanmoins marquées par la divergence et l'incertitude. » En janvier, nous prévoyions une croissance mondiale de 5,5 % en 2021. Nous nous attendons désormais à une croissance encore plus forte, d'une part en raison des mesures supplémentaires de soutien à l'économie décidées depuis (notamment aux Etats-Unis, qui ont adopté un nouveau programme de relance budgétaire), et d'autre part parce que les vaccins devraient stimuler la reprise économique dans beaucoup de pays avancés dans le courant de l'année », explique-t-elle. Il faudra attendre la semaine prochaine, la parutions des perspectives du FMI pour l'économie mondiale pour prendre connaissance des nouvelles prévisions aussi bien pour 021 que pour 2022. La responsable a souligné que cet embelli est également le résultat des plans de relance à hauteur d'environ 16.000 milliards de dollars ou des injections massives de liquidité par les banques centrales. « Si ces mesures exceptionnelles et coordonnées n'avaient pas été prises, la récession mondiale de l'an passé aurait été au moins trois fois plus sévère ; le monde aurait pu connaître alors une nouvelle Grande Dépression », alerte Kristalina Georgieva. Une amélioration dans l'ensemble qui cache toutefois une dangereuse divergence des perspectives économiques, non seulement au sein des pays, mais aussi d'un pays et d'une région à l'autre. En fait, il s'agit d'une reprise à vitesse variable, qui a de plus en plus tendance à être tirée par deux locomotives : les Etats-Unis et la Chine. Ces deux pays, et quelques autres avec eux, auront largement dépassé leurs niveaux de PIB d'avant-crise d'ici fin 2021. « D'ici l'année prochaine, le recul cumulé du revenu par habitant par rapport aux prévisions d'avant-crise sera de 11 % dans les pays avancés. Dans les pays émergents et les pays en développement, Chine exceptée, le manque à gagner sera bien plus important, à hauteur de 20 %. Cela revient à amputer du cinquième un revenu par habitant déjà bien plus modeste que dans les pays riches », alerte la cheffe du FMI. Cette perte de revenu va précipiter des millions de gens dans la misère, en les privant d'un abri et d'une alimentation suffisante. A cette incertitude s'ajoute la trajectoire que suivra la pandémie ; pour l'heure, le rythme variable des campagnes de vaccination et la circulation de nouvelles souches du virus entravent les perspectives de croissance, en particulier en Europe et en Amérique latine. Les pays émergents vulnérables, les pays à faible revenu et les pays fragiles risquent également de se retrouver dans une situation difficile. Pour commencer, ils ne peuvent pas s'appuyer, pour combattre la crise, sur le même arsenal budgétaire que les pays riches. Beaucoup d'entre eux sont en outre très exposés à des secteurs durement frappés par la crise, comme le tourisme, soutient la DG du FMI. Ces périls pourraient être aggravés par des conditions de financement incertaines. Un prompt redressement serait une bonne nouvelle dans l'ensemble, mais pourrait également s'accompagner de certains effets pervers. Par exemple, une croissance robuste aux Etats-Unis pourrait s'avérer bénéfique pour de nombreux pays, car elle s'accompagnerait d'une augmentation des échanges. L'inflation devrait certes rester à un niveau modéré, mais une accélération de la reprise aux Etats-Unis pourrait rapidement faire monter les taux d'intérêt, au risque d'une brusque détérioration des conditions de financement, et donc de sorties massives de capitaux dans les pays émergents et les pays en développement, dixit K. G. Certains pays connaîtraient alors des difficultés majeures, en particulier les pays à revenu intermédiaire déjà très endettés et dont les besoins de financement extérieur sont élevés. Il va falloir aider davantage un grand nombre de ces pays. Un retour à la croissance impliquerait également une inflexion des mesures mises en œuvre par les pouvoirs publics ; il faudra également remédier aux séquelles à long terme de la crise, et notamment à ses répercussions sur le capital humain, en particulier les jeunes, les travailleurs peu qualifiés, les femmes et les travailleurs de l'économie informelle. « Ne pas remédier à ces séquelles entamerait le potentiel de croissance, ce qui rendrait encore plus difficile la création d'emplois et la réduction des inégalités », soutient la DG du FMI. Des mesures fortes pour une injection d'équité Pour Kristalina Georgieva, les choses sont parfaitement claires : il n'y aura pas de reprise durable sans injection d'équité. Notamment dans l'accès au vaccin anti-Covid-19. Ainsi, la possibilité consisterait à répliquer au niveau mondial ce qui a fonctionné au niveau national, en accordant des subventions aux producteurs de vaccins, à leurs fournisseurs et aux derniers maillons de la chaîne logistique. Le monde doit se doter d'un mécanisme équitable permettant de redistribuer les vaccins des pays en excédent vers les pays en déficit ; il faut de plus assurer le financement complet du mécanisme COVAX, dans le but d'augmenter le rythme des campagnes de vaccination dans les pays les plus pauvres. « C'est de cette manière que nous pourrons tout à la fois protéger la santé des gens et accélérer la reprise. Mettre fin de manière précoce à la crise sanitaire pourrait générer une augmentation du PIB mondial de près de 9 000 milliards de dollars à l'horizon 2025″, estime la responsable. Mais la fenêtre de tir ne va pas tarder à se refermer. Plus la production et l'injection massive des doses seront lentes, plus ces gains potentiels deviendront hors de portée. Les dirigeants doivent bien entendu adapter leurs mesures à la situation particulière de leur pays, tant au point de vue épidémiologique qu'au point de vue économique. Tant que durera la crise, l'essentiel sera de porter secours aux ménages vulnérables et aux entreprises normalement rentables. Cela suppose de cibler les dépenses budgétaires en les inscrivant dans des cadres à moyen terme empreints de réalisme ; il convient, de surcroît, de continuer de mener des politiques monétaires accommodantes. Ceci étant, K. G. souligne que la reprise ne s'effectuant pas au même rythme partout, il importe de surveiller de près le risque financier, et notamment les fluctuations excessives de la valeur des actifs. De plus, les grandes banques centrales doivent s'armer de prudence au moment d'annoncer leurs objectifs de politique monétaire, afin d'éviter qu'une volatilité excessive ne s'empare des marchés financiers, intérieurs et internationaux. Ces précautions permettraient d'entretenir des flux de capitaux essentiels, en particulier pour les pays à revenu intermédiaire. « Deuxièmement, nous devons garantir les conditions du redressement économique. À mesure que la pandémie perd du terrain, les dispositifs de chômage partiel et d'aides financières doivent être réduits. Les pouvoirs publics doivent cependant engager cette réduction avec précaution afin d'amortir le choc subi par les travailleurs, en mettant en place des compléments de revenu, en octroyant des subventions à l'emploi ciblées, et en offrant des solutions de formation et de reconversion professionnelle », précise la DG du FMI. Il faudrait également aider davantage les petites et moyennes entreprises viables en leur apportant des capitaux, et en rationalisant les procédures de faillite. Les PME sont le plus gros pourvoyeur d'emplois à l'échelle mondiale. Or d'après nos recherches, la part des PME en défaut de paiement pourrait nettement augmenter cette année à mesure que certains dispositifs d'aide seront revus à la baisse : un emploi sur dix serait alors menacé dans ce secteur essentiel. Dans la plupart des pays émergents et des pays en développement, les procédures de faillite présentent des insuffisances, ce qui signifie qu'ils pâtiraient davantage que les autres d'une vague de défauts de paiement. Il est donc nécessaire d'engager des réformes pour atténuer ces séquelles économiques, et favoriser une transition plus équitable. « Troisièmement, investir dans l'avenir. La crise a révélé l'importance de la préparation aux pandémies et, plus largement, des investissements permettant de mieux résister aux menaces, et notamment aux chocs climatiques. Une nouvelle dynamique s'est enclenchée en faveur d'un système économique plus respectueux de l'environnement, plus intelligent et plus inclusif », poursuit-elle. À l'heure actuelle, seule une faible part de la relance budgétaire est affectée au financement de la protection de l'environnement et de la lutte contre le changement climatique. Mais le vent tourne, dans la bonne direction. Une impulsion coordonnée en faveur des infrastructures vertes, associée à la mise en place d'une tarification du carbone, pourrait faire croître le PIB mondial de 0,7 % au cours des 15 prochaines années et créer des millions d'emplois. Le passage au numérique est une autre tendance prometteuse. « La triste réalité est que les pays pauvres risquent d'être les laissés-pour-compte de cette transformation historique de l'économie mondiale, qui reposera de plus en plus sur la protection de l'environnement et sur le numérique », déplore la Cheffe du FMI. Selon une nouvelle étude du FMI, rendue publique aujourd'hui, au cours des cinq années à venir, les pays à faible revenu auront à consacrer environ 200 milliards de dollars à la seule lutte contre la pandémie. Il leur faudra ensuite en dépenser 250 milliards de plus pour retrouver leur trajectoire de rattrapage du revenu des pays plus riches. Ces pays ne pourront assumer seuls qu'une partie de ces dépenses. Une approche globale s'impose donc pour accroître les recettes intérieures, le financement concessionnel extérieur et les aides au désendettement. L'initiative de suspension du service de la dette du G-20 et le nouveau cadre commun forment un bon point de départ.