Ecrit par Imane Bouhrara I Jamais dans l'histoire récente un aussi important nombre d'inspecteurs de travail n'ont été recrutés en une année. L'enjeu est de taille pour résorber graduellement la problématique des moyens humains limités de l'inspection du travail face à un nombre en progression continue des entreprises. Rien que ce matin du 17 février 2021, le HCP dressait le portrait de la population active en 2020, ses principales caractéristiques et son évolution par rapport à 2019. Cette étude révèle que seul le quart des actifs occupés (24,7%) bénéficient d'une couverture médicale liée à l'emploi (36,6% dans les villes et 8,2% à la campagne) contre 24,1% en 2019, 36,4 en milieu urbain et 7,8% en milieu rural et un peu moins de la moitié (46,1%) des salariés bénéficient d'une couverture médicale assurée par l'employeur, 53,4% en milieu urbain et 25,1% en milieu rural, 57,3% parmi les femmes et 43,3% parmi les hommes. Par ailleurs, lors de l'atelier de restitution virtuelle pour présenter son avis intitulé « Santé et sécurité au travail : un appui essentiel au développement économique et social », le CESE rappelait qu'au Maroc, environ 2 000 décès par an sont liés à des accidents de travail selon le BIT; soit un des chiffres des plus élevés dans la région MENA. Le drame de Tanger est venu confirmer ce triste record. En effet, le décès dans des conditions tragiques de 29 employés d'une unité de confection de textile qui plus est formelle et opérant en toute légalité (sic). Et comme à chaque fois, l'Etat est pointé du doigt, étant celui qui dicte la loi et qui doit veiller à son respect. Un arsenal juridique existe et évolue régulièrement, mais dans la théorie. Car dans la pratique, les ressources de contrôle sont très limitées (le Maroc compte seulement 331 inspecteurs du travail). En effet, la problématique du manque de ressources humaines consacrées à l'inspection du travail s'est de tout temps invitée au débat. Dans ce tableau sombre, il y a un fait tellement inédit qu'il mérite d'être signalé, puisqu'il traduit une volonté du ministère de l'Emploi de renforcer les moyens humains de l'inspection du travail pour réduire le fossé qui empêche ce corps de métier de remplir le rôle qui lui incombe. En effet, le ministère de l'Emploi et de l'Insertion professionnelle a lancé ce 15 février deux concours pour recruter pas moins de 182 inspecteurs de travail pour l'année 2021. Et autant le dire, c'est du jamais vu ! Ce qui est tout aussi important à signaler est que si le premier concours est ouvert aux fonctionnaires pour en sélectionner 100 inspecteurs de travail, le deuxième est ouvert au public pour recruter en plus de 82 inspecteurs de travail, 4 médecins, 21 gestionnaires, un technicien et 3 assistants. Par ailleurs, la diversité des profils demandés se traduit également au niveau des diplômes éligibles (jadis les sciences juridiques notamment le droit privé avaient presque l'exclusivité d'accès à ces concours). A noter que le 5 mars est le dernier délai de dépôt des candidatures et les deux concours sont prévus le 11 avril 2021. Bien évidemment, ce n'est pas du jour au lendemain que l'inspection du travail sera efficiente, mais c'est un pas qu'il faut néanmoins saluer parce qu'il tend au renforcement du contrôle. Ceci dit, il faut souligner que l'Exécutif a plus que traîner sur le dossier du Plan national santé et sécurité au travail « sur le point d'être lancé »... depuis 2018 ! Le ministre de la tutelle a assuré la semaine dernière au Parlement que le projet est bouclé après de vastes concertations avec les parties prenantes et qu'il ne manque plus que l'aval du conseil de gouvernement. Mais faut-il rappeler que ce n'est pas une fin en soi. En effet, le ministère devrait prendre en considération les recommandations du CESE dans le cadre d'une auto-saisine, sur la question de la santé et de la sécurité au travail. Cette étude concerne aussi bien le secteur public que privé avec leurs différentes composantes, notamment les TPE, le secteur agricole et le secteur informel. Le CESE qui a appelé à une réforme globale du système de santé et sécurité au travail au service du bien-être professionnel, la performance des entreprises et le développement du pays. Cela passe par une révision du projet de loi-cadre relative à la sécurité et la santé au travail (en attente d'être promulgué depuis 10 ans), et de mettre à jour le code du travail, le statut de la fonction publique et les autres textes législatifs relatifs à la santé et sécurité au travail et à la protection sociale, en autres recommandations. C'est dire que le chemin reste long et parsemé d'embûches.