Ecrit par Imane Bouhrara | En plus de fragiliser le tissu économique du Maroc, l'informel bafoue les droits sociaux de milliers de Marocains en toute impunité. Faut-il voir en les actions timorées de l'Etat pour résorber ce fléau, un vœu d'impuissance ? Dès l'éclatement de la crise sanitaire et l'arrêt presque total de l'activité économique en raison des règles draconiennes imposées pour toute unité voulant poursuivre son activité, l'Etat marocain s'est retrouvé avec des milliers des travailleurs du secteur informel désormais sans ressources sur les bras. Près de 5 millions de familles n'ont dû leur salut qu'à l'aide de l'Etat telle qu'édictée par le CVE. C'est dire l'ampleur de ce secteur. Ce fut là un premier retour de boomerang pour l'Etat paresseux et réticent de s'attaquer à bras le corps à ce fléau qui gangrène le tissu économique marocain et administre une concurrence déloyale aux entreprises qui elles ont fait le choix du formel, malgré la pression fiscale et le coût élevé de la sécurité sociale pour les salariés. La CGEM révélait en avril 2018 que l'économie informelle pèse plus de 20% du PIB – hors secteur primaire – et 10% des importations formelles, soit autour de 170 Mds de DH. BAM évalue le poids de l'informel dans notre pays à 31,3% du PIB sur la période 2006-2017. Pour sa part, l'OIT soulignait en 2016 que le secteur informel crée entre 75 % et 89 % des emplois au Maroc. Un secret de polichinelle ! On ferme les yeux sur ce secteur pourvu que les petites mains trouvent du travail et à peine de quoi se nourrir en trimant pour des sangsues ! Et oui, il y a l'informel subsidiaire mais surtout l'informel prédateur et c'est bien celui-là qui est le plus à craindre. Le triste drame qui s'est déroulé hier dans un atelier informel de textile à Tanger et qui a coûté la vie à 28 personnes, nous rappelle que l'informel en plus de bafouer les droits sociaux des travailleurs, les emploie dans des conditions inhumaines. Une impression de déjà vu, puisque si cette fois c'est une inondation qui a provoqué ce drame, à Casablanca, des employés ont été la chair à canon dans l'incendie de Rosamor en 2008 et qui a coûté la vie à 55 personnes. Mais ce n'est là que l'arbre qui cache la forêt. Ce sont des milliers d'unités informelles qui œuvrent dans plusieurs secteurs au vu et au su de tout le monde. 13 ans après Rosamor, au lieu de reculer l'informel se renforce avec le constat amer d'une migration du formel vers l'informel qui d'une exception devient la règle, en l'absence d'une réelle stratégie pour mettre un terme à cette hécatombe, du moins parvenir à la circonscrire. Certes, depuis l'éclatement de la crise sanitaire et dans un espoir de relance, l'intégration de l'informel est sur toute les bouches, mais à ce jour, aucune recette miracle ne se profile à l'horizon. On n'attend pas des responsables publics de présenter des condoléances mais de trouver des solutions. Eradiquer un tel phénomène, qui grève la croissance et la paix sociale, ne se fera pas du jour au lendemain et surtout il ne faut pas que cette lutte amorce une bombe sociale, mais il faut bien commencer un jour, quelque part, car on ne peut plus mener la politique d'autruche. L'impuissance ne fera qu'alimenter l'impunité… Lire également : CORONAVIRUS : L'INFORMEL PLUS QUE JAMAIS UNE MENACE POUR LE MAROC