Ecrit par La Rédaction Le Conseil de la concurrence vient de rendre public son avis sur une saisine de l'Organisation Démocratique du Travail de mars 2013 relative à la situation du marché des médicaments et plus précisément sur leurs prix. Des prix qui restent un frein majeur à l'accès aux médicaments malgré les efforts de l'Etat de réduction du prix de certains médicaments. Le prix des médicaments constitue l'un des freins majeurs de l'accès aux médicaments au Maroc. Un frein qui avait fait l'objet d'une saisine adressée au Conseil de la Concurrence le 19 mars 2013 émanant de l'Organisation Démocratique du Travail. Une demande d'avis sur la situation du marché des médicaments et plus précisément sur leurs prix qui auraient été plus élevés par rapport à ceux ayant cours dans un certain nombre de pays voisins du Maroc. Dans sa requête, la partie saisissante a relevé que la question de la cherté des prix des médicaments au Maroc est une question récurrente qui reste toujours posée en dépit des études et des rapports multiples dont elle a fait l'objet. Elle a cité dans sa demande les études suivantes : * L'enquête sur les prix des médicaments réalisée par l'Organisation Mondiale de la Santé en collaboration avec le Ministère de la Santé en 2004 ; * L'étude réalisée par le cabinet de conseil « The Boston Consulting Group » en 2010 au profit du Ministère de la Santé sur la promotion des médicaments génériques ; * Le rapport de la mission d'information sur le Prix du Médicament au Maroc effectuée par la Commission des Finances et du Développement Economique de la Chambre des Représentants en 2009 ; * Et, l'étude sur la concurrentiabilité du secteur de l'industrie pharmaceutique effectuée par le Conseil de la Concurrence en 2010. Etant dépourvu de ses organes de délibération à compter du mois d'octobre 2013, le Conseil ne s'attelé sur cette demande que depuis sa réactivation en novembre 2018. Après analyse du marché, le Conseil a enfin émis son avis sur la question. Le Conseil précise que bien que le secteur du médicament ne soit pas un marché normal soumis totalement aux règles de l'offre et de la demande et à la libre concurrence étant donné qu'il est caractérisé par l'intervention de l'Etat, à travers une réglementation très stricte, l'encadrement étatique ne devrait pas exclure l'application des règles du droit de la concurrence. Après l'audition de plusieurs acteurs publics et privés impliqués dans le secteur du médicament, le Conseil est parvenu à tirer des enseignements qui se résument en 7 points : * En matière de stratégie gouvernementale : les différents acteurs et intervenants ont souligné l'urgence de mettre en place une nouvelle stratégie pharmaceutique globale et cohérente, prenant en compte les contraintes du secteur et les défis auxquels sont confrontés les différents acteurs. Cette stratégie devrait garantir en premier lieu l'accès des citoyens aux médicaments à travers une couverture médicale généralisée. * En matière du régime d'octroi des Autorisations de Mise sur le Marché (AMM) : concernant l'octroi des AMM, il est proposé de renforcer la transparence dans le traitement des dossiers présentés par les laboratoires au Ministère de la Santé et de réduire les délais, notamment pour les médicaments génériques, qui jouent un rôle déterminant dans le développement de la concurrence et constituent un levier pour baisser les prix des médicaments. * Les modalités de fixation des prix des médicaments : il est recommandé de revoir la liste des pays du benchmark définis par le décret sur les modalités de fixation des prix du médicament, en retenant, également, des pays plus proches économiquement et socialement du Maroc. 108 Avis du Conseil de la Concurrence n° A/4/20 Par ailleurs, il est recommandé d'introduire dans le système de fixation des prix des médicaments la notion du Service Médical Rendu d'un médicament et le droit au remboursement, comme outils de négociation des prix des médicaments. * Les médicaments génériques : à ce niveau, il est recommandé d'organiser des campagnes d'information et de sensibilisation permanente en direction des citoyens, pour promouvoir l'utilisation du médicament générique. * Revoir le statut des pharmaciens d'officine : vu le rôle important que joue le pharmacien d'officine et tenant compte des problèmes que vit cette profession, il est recommandé de revoir les missions du pharmacien afin de renforcer son rôle dans le système national de santé. * Développer l'industrie pharmaceutique nationale : les pouvoirs publics sont appelés à encourager davantage l'investissement national dans le secteur pharmaceutique, tout en appuyant le potentiel d'exportation du médicament vers le marché africain, notamment le médicament générique. Aussi, il est recommandé de soutenir le développement de nouveaux types de médicaments bio similaires qui vont révolutionner le secteur pharmaceutique et améliorer l'accès des citoyens au médicament. * Revoir le mode de régulation du secteur du médicament : les différents acteurs ont souligné l'importance de revoir le système de régulation du marché du médicament et ce, en invitant les pouvoirs publics à mettre en place une gouvernance efficace et harmonieuse, agissant avec anticipation sur les niveaux des prix pratiqués par les fabricants. A l'issue de ces enseignements, le Conseil a émis des propositions de mesures de réformes, dont l'objectif est de contribuer à changer les conditions de la concurrence sur le marché national du médicament. Ces propositions de mesures ont conduit le Conseil à émettre plusieurs recommandations opérationnelles qui s'articulent autour de quatre leviers stratégiques essentielles qui s'articulent autour de 4 axes à savoir : * Bâtir un écosystème national du médicament efficace, porté par une industrie pharmaceutique solide et un système national d'innovation et de formation approprié ; * Redéfinir les modalités de régulation du marché du médicament ; * Réformer en profondeur le cadre juridique organisant le marché du médicament ; * Développer de nouveaux leviers pour améliorer la situation de la concurrence dans le marché des médicaments. Lire également : PAIEMENT EN LIGNE : LA POSITION DOMINANTE DU CMI CONFIRMEE PAR LE CONSEIL DE LA CONCURRENCE