Ces instruments pourraient aider les créanciers et les débiteurs à mieux restructurer leurs dettes. Le Maroc aurait-il intérêt à réactiver la conversion de la dette en investissements adoptée dans les années 90 ? Qui paie ses dettes s'enrichit. Difficile de respecter un tel engagement dans ce contexte de crise sanitaire qui frappe de manière brutale les économies, toutes catégories confondues. Des secteurs quasiment à l'arrêt, des emplois volatilisés, des dépenses sanitaires excessives... impossible de couvrir tous les besoins sans recourir à l'endettement. L'endettement se fait donc massif et seuls les pays qui pourront maîtriser leurs dettes, sortiront vainqueurs de cette crise maudite. La pandémie pourrait être ainsi un moyen qui catalyse l'innovation attendue depuis longtemps dans la restructuration des dettes souveraines. Ce qui pourrait aider à les atténuer et pourquoi pas à les éviter. Avant d'explorer les voies de la restructuration, faisons un état des lieux de la dette. Les mesures prises, dans le cadre des politiques monétaires, par les différents Etats pour endiguer les effets de la crise sanitaire, se sont répercutées sur les niveaux des dettes qui étaient élevés bien avant. Le Fonds monétaire international prévoit une hausse significative de la dette publique passant de 83% du PIB en 2019 à 100% en 2020. Elle pourrait même atteindre 126% du PIB dans les pays développés et 65% du PIB dans les pays émergents à revenu intermédiaire et 50% du PIB dans les pays à faible revenu. Outre la hausse des niveaux d'endettement, la crise de la Covid a inauguré une période de grande incertitude macroéconomique. Cette incertitude rend les pays endettés moins aptes à assurer le service de la dette. A leur tour, les créanciers sont moins disposés à accepter une créance définitivement diminuée. Maroc : la dette interne prédomine Le Maroc à l'instar d'autres pays s'est endetté à tour de bras durant cette crise inédite. L'exécutif rassure sur la soutenabilité de la dette publique mais les arguments avancés ici et là restent peu convaincants. Les projections font montre d'une hausse de la dette du Trésor de 65% du PIB en 2019 à 76% en 2020 avant de régresser à 75% en 2021. Des indicateurs qui font tout de même abstraction de la dette des entreprises et établissements publics. « Malgré cette hausse de l'endettement liée à la conjoncture économique et sanitaire exceptionnelle, elle n'aura pas d'impact sur la soutenabilité de la dette vu les marges disponibles et les indicateurs du coût et du risque afférents qui restent à des niveaux sécurisés », indique Benchaâboun devant la Commission des finances de la chambre des conseillers. Il nourrit son optimisme par le plan de relance économique et l'accélération de la mise en œuvre des réformes administratives pour maîtriser le déficit budgétaire. Ce qui pourrait aider le Maroc à maintenir sa capacité à supporter le poids de la dette. L'allégement de la dette par sa conversion en investissement pourrait être une solution bien que la dette externe ne représente que 20%. C'est la dette interne qui mine les finances publiques. Après avoir rappelé ce que coûte le service de la dette et son poids dans le budget, l'économiste Najib Akesbi insiste dans une interview accordée à EcoActu sur la nécessité de chercher des formules de conversion de la dette en investissements d'un commun accord avec les créanciers. Cette conversion pourrait même aider à financer le Fonds d'investissements stratégiques au lieu qu'il soit alimenté par la dette classique. Il sied de rappeler que le Maroc a adopté depuis 1996 une politique de gestion active de la dette extérieure du Trésor visant la réduction du poids et du coût de l'endettement ainsi que l'atténuation des risques notamment de taux d'intérêt, de change et de refinancement. Une politique abandonnée en cours de route mais qui aujourd'hui pourrait être d'une importance cruciale. Elle l'est d'autant plus que le Maroc a refusé de demander le rééchelonnement de la dette. Il préfère emprunter pour rembourser. Et pour cause : la demande de rééchelonnement donnera un signe négatif sur la situation économique du Maroc. Il ne faut pas omettre, dans ce cadre, que plus les débiteurs donnent l'impression d'une dégradation de leurs situations économiques, plus les créanciers exigent des taux d'intérêt élevés avant d'accorder de nouveaux emprunts. Le recours au rééchelonnement s'avère même onéreux. Des innovations financières Une récente étude des services du FMI examine d'éventuels instruments de dette souveraine innovants qui pourraient faire les deux : aider les créanciers et les débiteurs à parvenir à un accord sur la façon de restructurer la dette en partageant un certain potentiel de hausse, et rendre le portefeuille de la dette d'un pays plus résilient aux chocs futurs. « Les instruments de dette qui ajustent les paiements aux créanciers en fonction (ou «en fonction») de la santé future du souverain – mesurée par le PIB, les exportations ou les prix des matières premières – pourraient aider à briser le cycle négatif de l'endettement », suggère le FMI. Et d'ajouter : « En cas de ralentissement économique, ces «instruments de dette subordonnés à l'Etat» maintiendraient l'allégement de dette qu'un pays a obtenu lors d'une restructuration. Lors d'une reprise, ils offriraient automatiquement une compensation supplémentaire aux créanciers à mesure que la capacité de paiement du pays s'améliorait ». Il ressort également que les restructurations pourraient inclure des clauses de type assurance qui fournissent un soulagement en cas de survenance d'une pandémie ou d'une catastrophe naturelle. « Ces clauses améliorent la capacité de remboursement d'un pays au moment de la crise, ce qui profite aux deux parties. Une restructuration offre une chance unique d'échanger l'ensemble de la dette contre de nouveaux titres grâce à ces mécanismes, en maintenant tous les créanciers sur un pied d'égalité », est-il indiqué. A l'aune de la crise actuelle et eu égard à ses effets sur l'endettement, l'exploration de nouvelles voies de restructurations de la dette s'avèrent judicieuses pour aider le pays à sortir du cercle infernal. Faute de quoi, les mêmes causes produiront les mêmes effets. 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